Des appels au meurtre pour un tableau? Au 21e siècle? En effet, il se passe actuellement quelque chose de bizarre dans la capitale française. Les médias locaux et internationaux font état d'une véritable querelle artistique. Au milieu de tout cela, il y a l'artiste bâloise Miriam Cahn, connue pour son approche critique de la guerre et de l'oppression.
Au Palais de Tokyo, elle présente sa plus grande exposition à Paris à ce jour, composée de plus de 200 œuvres réalisées depuis 1980. Et se trouve actuellement au cœur d'une tempête de critiques.
La raison de cette polémique est son œuvre «Fuck abstraction!», l'un des tableaux que l'artiste a peints l'année dernière, en référence à la guerre en Ukraine. La toile, aux tons rouges oppressants, montre une personne, d’allure enfantine, agenouillée et forcée à pratiquer une fellation sur un adulte qui se tient debout.
Il s'agit d'une scène de violence qui correspond à la cruelle réalité de l'Ukraine, estime l'artiste. Miriam Cahn y reprend les événements qui se sont déroulés l'année dernière lors du massacre de Boutcha. Elle montre une personne violée puis tuée.
Jusqu'ici, c'est bouleversant. Mais si le tableau suscite une vague d'indignation, ce n'est pas en raison de son contexte, mais de son interprétation. En effet, la personne abusée sur le tableau de Cahn est perçue par certains observateurs comme un enfant en raison de sa fine et petite stature.
Immédiatement, des accusations ont suivi sur Twitter, selon lesquelles l'artiste ferait ainsi l'apologie d'actes pédophiles. «Décrochez ça vite fait», a écrit l'animateur français Karl Zero en publiant une photo du tableau.
Plus de 10 000 personnes ont partagé son appel. Les réactions sont violentes. «Criminel», «à vomir», «satanique» sont les plus anodines d'entre elles. D'autres demandent de combattre l'artiste et de porter plainte contre le directeur de la salle d'exposition. Le Temps rapporte même des appels au meurtre contre l'artiste. Le fait que de nombreux textes dans la salle d'exposition rappellent le contexte et que des panneaux d'avertissement soient placés au début de l'exposition ne semble pas jouer un rôle.
Le tollé médiatique a finalement poussé le musée parisien à prendre position. Dans ce communiqué, les responsables de l'exposition et l'artiste se distancient des accusations. Ils regrettent le manque de contextualisation dans les réseaux sociaux.
Miriam Cahn déclare dans le communiqué du musée que la personne représentée est un adulte. L'œuvre traite de la manière dont la sexualité est utilisée comme arme de guerre. «Le contraste entre les deux corps représente la puissance physique de l'oppresseur et la fragilité de l'opprimé agenouillé et amaigri par la guerre», explique-t-elle.