Quel est votre avis sur la situation des primes, cette année?
Morena Hostettler Socha: L'augmentation annuelle des primes d'assurance-maladie est un sujet récurrent. Cette année, il faut y ajouter l'inflation, la hausse des loyers et des prix de l'énergie. De nombreux assurés vont à nouveau essayer de changer pour une caisse maladie moins chère.
Qu'est-ce que cela signifie pour votre association, l'Office de médiation de l'assurance-maladie?
Encore plus de travail pour le début de l'année prochaine. Nous nous attendons à une augmentation du nombre de cas où le changement s'est mal passé, comme c'est souvent le cas lorsque les primes augmentent fortement.
Ces changements se font dans l'intérêt des assurés. Où est le problème, d'habitude?
Les assurés peuvent choisir librement leur caisse maladie. Mais ils trébuchent parfois sur des conditions légales telles que le respect des délais de résiliation ou le règlement des arriérés existants. A cela s'ajoute le fait que l'on discute déjà depuis des semaines de l'augmentation des primes, alors que leur montant ne sera connu qu'à l'automne.
Des démarcheurs vendent déjà des polices pour 2024?
Oui, c'est un phénomène que nous observons de plus en plus ces dernières années.
Que recommandez-vous?
Personne ne devrait changer d'assurance-maladie avant la mi-octobre, lors de l'annonce du nouveau prix des primes.
Que dites-vous aux personnes qui ont déjà signé un nouveau contrat?
Ce contrat est en principe contraignant. Toutefois, il y a un truc: vu que l'assuré l'a signé avant l'annonce des primes, il peut le résilier une fois que celles-ci sont annoncées, jusqu'à fin novembre. Ainsi, tous les assurés sont traités de la même manière. Mais il est plus judicieux de se décider en connaissant la prime définitive pour la nouvelle année.
Ce n'est donc pas un vrai problème?
Je mets tout de même en garde contre la signature prématurée d'une nouvelle police: des problèmes surgissent toujours lorsque plusieurs assurances sont impliquées.
Et comment trouver la prime qui me correspond au mois d'octobre?
La Confédération a mis en ligne son propre outil comparatif des primes. Sur www.priminfo.admin.ch, on peut trouver les primes les plus avantageuses pour sa situation, sans faire appel à un intermédiaire ou à répondre à l'offre d'un démarcheur.
Faut-il éviter de répondre aux offres des démarcheurs?
Le problème n'est pas l'existence des démarcheurs, mais la perspective de toucher une commission à la signature du contrat.
Quelle est la solution?
Si ça ne tenait qu'à moi, nous pourrions supprimer les commissions qu'offrent les caisses d'assurance-maladie aux démarcheurs. Mais je suis à peu près sûre que la branche me rirait au nez.
Pourquoi n'est-ce pas possible?
Les assureurs se battent pour avoir de nouveaux clients et les démarcheurs font partie de leur stratégie pour croître. Tous les démarcheurs ne sont pas malhonnêtes, mais ils sont motivés avant tout par l'appât du gain. Certaines anecdotes dont nous avons eu vent sont surréalistes.
Par exemple?
Des démarcheurs qui vendent aux demandeurs d'asile des assurances voyage, alors qu'ils n'ont pas le droit de voyager. Ou d'autres qui persuadent des parents de résilier l'assurance complémentaire de leur enfant, qui prend en compte les soins dentaires, pour passer à un assureur soi-disant moins cher ou de meilleure qualité. Or, les enfants de plus de 4 ans doivent passer un examen dentaire pour bénéficier de ce genre d'assurance. En cas de problème, les frais dentaires ne sont pas pris en charge.
Y a-t-il des caisses maladie que vous déconseillez?
Nous ne donnons pas de recommandations à ce sujet. En tant qu'organe de médiation, nous nous devons d'être impartiaux. Mais nous restons attentifs à toutes les caisses, qu'il s'agisse du montant de leurs primes ou de la qualité de leur service. Nous jugeons notamment de la rapidité de remboursement, dans le cadre de prestations onéreuses, par exemple.
Les prestations de l'assurance de base sont-elles différentes?
Le catalogue des prestations dans l'assurance de base est le même pour tous.
C'est pourquoi nous déconseillons vivement aux personnes qui suivent une thérapie en cours ou qui ont déjà reçu une garantie de prise en charge pour un traitement médical de la part de leur assureur d'en changer.
Les règles sont différentes pour l'assurance complémentaire. Qu'est-ce qui est important?
En cas d'affections existantes ou de maladies présentant un risque de récidive comme le mal de dos, nous déconseillons absolument de changer d'assurance complémentaire. Ou alors seulement lorsque la nouvelle assurance a accepté le contrat — sans réserve. L'assurance complémentaire est soumise au droit privé.
En règle générale, les personnes âgées et les malades chroniques ont des difficultés à signer un contrat pour une nouvelle assurance complémentaire.
A quoi faut-il faire attention lors de la souscription d'une assurance complémentaire?
La déclaration de santé doit être remplie de manière conforme à la vérité et le plus précisément possible. Même si l'on considère qu'une infirmité n'est pas grave, il faut la mentionner. Si une personne assurée a répondu de manière erronée à une question dans sa déclaration, l'assureur peut faire valoir ce qu'on appelle une réticence et résilier le contrat.
A-t-on forcément besoin de disposer d'une assurance complémentaire?
Avec l'assurance de base, on est bien couvert en Suisse. Si l'on souhaite s'assurer pour des prestations supplémentaires, il ne faut pas se fier aux promesses faites par les démarcheurs. Les dispositions doivent être consignées par écrit, que ce soit dans un e-mail ou sur le contrat, et doivent être confirmées par l'assureur. Il y a un autre élément auquel il faut être attentif: lorsqu'on décide de signer un contrat proposé par un démarcheur, on signe d'habitude en même temps la lettre de résiliation à l'ancienne assurance.
Je conseille aux personnes qui ont déjà signé le formulaire de résiliation auprès d'un démarcheur de faire ce qui suit: contacter au plus vite sa caisse maladie pour l'avertir de la situation et annuler oralement la résiliation signée via le démarcheur. Puis, faire une lettre recommandée individuelle pour résilier en bonne et due forme. Ainsi, on évite le risque de perdre sa couverture d'assurance au cas où le nouvel assureur refuse la nouvelle complémentaire.
Peut-on résilier une assurance complémentaire que l'on regrette d'avoir contractée, après coup?
Depuis le 1er janvier 2022, il est possible de résilier une assurance complémentaire dont estime n'avoir pas besoin dans les quatorze jours. Passé ce délai, on peut résilier le contrat dans un délai de quatre semaines, à condition qu'il y ait eu violation du devoir d'information. En outre, tous les contrats d'assurance complémentaire peuvent désormais être résiliés à la fin d'une période de trois ans avec un préavis de trois mois.
L'assurance complémentaire devient plus chère avec l'âge. N'est-ce pas injuste?
On rencontre ce phénomène en particulier dans l'assurance hospitalisation, également présente comme complémentaire. Des classes d'âge sont généralement introduites à partir de 40 ans. Les classes montent alors tous les cinq ans. Les jeunes, qui recourent moins souvent aux prestations et occasionnent moins de frais, paient moins cher. En revanche, les plus âgés paient plus. C'est logique, les prestations doivent pouvoir couvrir les coûts. Si les coûts de l'assurance hospitalisation étaient mélangés indépendamment de l'âge, ils augmenteraient radicalement pour les plus jeunes.
Et que doit faire le rentier qui se rend compte, au moment de l'entrée à la retraite, qu'il n'a pas assez d'argent pour payer ses primes d'assurance complémentaire?
Cette personne devra résilier son assurance, même si elle a cotisé toute sa vie pour sa complémentaire. La vie n'est pas toujours juste.
Vous avez passé 20 ans à l'Office de médiation de l'assurance-maladie, dont 10 à sa tête. Que pensez-vous de notre système d'assurance? Fonctionne-t-il bien?
Près de 90% des décisions des assureurs qui nous sont soumises ne sont pas contestables.
Nous effectuons ainsi un travail de traduction. Nous compensons ainsi l'avance des assureurs en matière de connaissances par rapport aux assurés.
Et dans les 10 % restants?
Dans ce cas, nous intervenons auprès de l'assureur, car nous estimons que sa décision doit être corrigée ou qu'elle laisse la place à un compromis.
(Traduit et adapté par Chiara Lecca)