C'est Alain Berset qui l'a annoncé mardi: cette année, les primes des assurances maladies augmenteront de 8,7% en moyenne. En Romandie, ça va casquer d'autant plus. Vaud, par exemple, est troisième sur le palmarès des hausses de primes cantonales en Suisse: +10,1%. Et Genève a la facture mensuelle moyenne la plus élevée du pays, à 546 francs. Je sais, ça vous donne envie d'exploser. Je vous entends déjà:
On se calme, Jean-Charles. Oui, vous êtes en colère. Oui, je comprends. Mais bon, il faut quand même payer à la fin, non? Ah, ce ne sont pas des paroles en l'air? Vous avez décidé que cette année, vous tiendrez: vous ne payerez pas vos primes d'assurance-maladie, ce faux impôt qui augmente chaque année sans raison. Mais que risque-t-il de vous arriver si vous ne payez pas? Suivez le guide.
Nous sommes en janvier 2024. Cette année, vous n'avez pas payé vos primes. Toutes les lettres de votre assurance maladie sont passées direct à la poubelle. Il va voir, ce Berset.
Ouvrez quand même les enveloppes, juste pour voir. Car tout d'abord, la caisse vous enverra au moins un rappel de paiement par écrit. Ce rappel est assorti d'un délai de 30 jours et vous avertit de ce qui va se passer si vous ne payez pas.
Si votre assurance est sympa, elle vous enverra ensuite une ou plusieurs sommations, où les intérêts moratoires (ce genre d'amende qu'il faut payer en plus lors des rappels) vont augmenter graduellement. Jusque-là, pas de ligne rouge franchie.
Puis, après ces rappels et sommations, votre caisse maladie vous enverra une lettre indiquant qu'elle engage une poursuite contre vous.
Dès ce moment, votre facture à régler comptera vos primes échues, les intérêts moratoires et les frais de poursuite.
La caisse maladie peut vous faire inscrire sur le registre cantonal des poursuites. Pour soulager l'assureur, votre canton de résidence prendra en charge 85% de la facture. Toutefois, les 15% restants seront toujours inscrits au registre des poursuites.
Attention, car certains cantons tiennent une liste des mauvais payeurs, selon lex4you.ch. Et elle contient vos données personnelles:
A ce moment-là, on vous l'avoue, il est conseillé de payer. (D'ailleurs: si vous n'en êtes pas capable pour raisons purement financières, il est évident — mais précisons-le — que cet article ne vous est pas destiné...)
Si on ne veut toujours pas payer ses primes, il est possible de faire une opposition, qui doit être motivée avec des justificatifs. C'est un juge qui décidera de la validité ou non de ceux-ci.
(On le rappelle: «Je voulais emm... Alain Berset» n'est pas un motif légitime aux yeux de la loi)
Si l'opposition est refusée et que l'on ne veut toujours pas payer — vous êtes pénible, quand même, tout ça pour bouder face à Alain Berset —, la justice estime que le non-paiement n'est pas légitime et le créancier pourra demander que certains de vos biens soient saisis.
L'office des poursuites demandera des justificatifs pour estimer votre minimum vital, qui devra être défini et qu'on ne pourra pas toucher.
Puis la saisie sera organisée: d'abord en récupérant directement sur votre salaire. Puis en venant mettre la main sur vos biens mobiliers et immobiliers. Ciao la télé Samsung et le canapé d'angle Ikea!
C'est d'autant plus délicat qu'à ce moment-là, votre assureur peut carrément limiter une grande partie de vos prestations de santé:
Fini les ordonnances du médecin de famille au physio à cause de cette épaule qui vous fait mal depuis votre accident de volley de 2018. Il faudrait se faire percuter par un bus pour aller à l'hôpital (on ne vous le souhaite pas).
À ce moment-là, et sur décision du Conseil fédéral (encore lui!), votre situation devient celle d'un «acte de défaut de biens».
Il s'agit d'un statut légal indiquant que vous n'avez pas pu et n'êtes toujours pas capable de payer, que votre revenu est aligné sur votre minimum vital, et que tout ce qui pouvait être saisi a été saisi.
A ce moment-là, c'est game over. Tout ce qui dépasse de votre minimal vital sera utilisé pour recouvrer vos poursuites auprès du canton et de la caisse maladie. Vous aurez payé terriblement plus qu'en réglant vos primes à l'heure, avec des intérêts moratoires et des frais de poursuite pouvant être élevés.
Les trucs et astuces? Il n'y en a pas vraiment... Par exemple: vous aviez prévu de laisser vos dettes s'allonger avant de changer d'assureur en scred et d'effacer votre ardoise? Et vous pensiez être le premier ou la première à y avoir pensé?
Ce n'est en effet pas si facile: il est impossible de changer de caisse maladie tant que toutes les factures n'ont pas été payées: primes, intérêts et frais.
Le seul moyen d'«éviter» de payer? Vivre dans un Etat étranger dont on pourrait profiter du système de santé tout en (ne) payant (pas) ses primes en Suisse, et qui ne collaborerait pas avec la Confédération sur la question du recouvrement des dettes. Mais la situation semble carrément casse-gueule à long terme et bonne chance une fois que vous remettez le pied sur sol helvétique.
Vous pourrez donc toujours maudire Berset et mettre son portrait sur une cible de fléchettes au dos de la porte de votre salon, mais ne pas payer vos primes de rage n'est pas une solution viable.
Cet article a été initialement publié en septembre 2022