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La Patrouille Suisse va bientôt perdre ses avions

La Patrouille Suisse va bientôt perdre ses avions
Un F-5E Tiger II.Image: keystone

L'armée suisse risque de perdre l'arme qui lui fait «gagner les votations»

Elle est bruyante, peu écologique, mais enthousiasme les foules. La Patrouille Suisse a déjà été mise sous pression à plusieurs reprises. Mais jamais sa date d'expiration n'est apparue aussi clairement qu'aujourd'hui.
21.04.2024, 15:5224.04.2024, 07:39
Benjamin Rosch / ch media
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Quiconque a déjà assisté à un ballet aérien connaît les «oh» et «ah» lorsque les héros volants apparaissent enfin. Bien qu'elle ne soit pas la seule patrouille acrobatique de l'armée suisse, la Patrouille Suisse est sa figure de proue. Les Super Puma ont beau éteindre les incendies avec élégance et les parachutistes sauter d'un avion avec témérité, rien n'y fait, la Patrouille est clairement le point fort de chaque show aérien. Il est rare qu'un drapeau suisse suscite autant d'enthousiasme que lorsqu'il se trouve sur la face inférieure des avions.

Rien d'étonnant à cela: lorsque les six jets rouges et blancs survolent une crête à plusieurs centaines de kilomètres à l'heure, les F-5-Tiger ne sont séparés que par une demi-envergure d'aile. Les pilotes regardent sans cesse dans le cockpit de leurs compagnons de vol: ils alignent leur position l'un sur l'autre via deux points de référence, à vue et non avec des instruments. Ils suivent donc aveuglément le leader qui vole en tête. La Patrouille Suisse, c'est du travail de précision, mais surtout du patriotisme dans sa forme la plus extravagante. Une telle démonstration a-t-elle encore un avenir?

Fêtés comme des stars

La Patrouille Suisse a été fondée en 1964 en tant que formation de quatre avions de chasse Hunter. Mais l'idée d'une escadrille de voltige militaire avait déjà germé cinq ans plus tôt.

«En vue de l'exposition nationale Expo 64 à Lausanne et de la célébration du 50ᵉ anniversaire des Forces aériennes, l'entraînement avec la double patrouille de Hunter a été intensifié»
La Patrouille Suisse au sujet de sa propre histoire

Les acrobates aériens se sont rapidement fait un nom, encouragés par l'armée elle-même, qui a rapidement reconnu leur valeur pour le marketing. Dès les années 60, le service cinématographique de l'armée a sorti un film sur l'escadrille dans les cinémas et a fait de la publicité avec la Patrouille Suisse.

Dès le début, les médias ont accompagné l'entreprise avec enthousiasme. D'ailleurs, le fait qu'un an plus tard, le chef de l'escadrille se soit écrasé lors d'une manœuvre, entraînant un photographe dans la mort, est plutôt passé inaperçu Lors de manifestations, les pilotes distribuent des autographes; ils sont fêtés comme des pop stars.

Daniel «Dani» Hösli a fait partie de la Patrouille Suisse pendant 26 ans, d'abord en tant que pilote, puis en tant que «Tiger Zero», c'est-à-dire le commandant au sol. Il connaît l'effet que provoque l'escadron: «Nous sommes plus dynamiques qu'un défilé de chars et plus bruyants que la musique militaire». Selon lui, chaque entreprise a besoin d'un département marketing:

«J'ai déjà dit à Ueli Maurer: l'armée suisse n'aura probablement pas besoin de gagner une guerre, mais elle aura toujours besoin de gagner une votation».

A quelques reprises déjà, se souvient Hösli, la Patrouille Suisse a subi des pressions politiques.

La Patrouille Suisse va bientôt perdre ses avions
Le 18 octobre 2023.Image: keystone

Voix critiques contre la Patrouille Suisse

Mais ces derniers temps, l'escadrille a perdu du terrain. Lorsque la Patrouille Suisse a survolé Bâle il y a un an dans le cadre d'un show militaire, les organisateurs ont dû se défendre contre les critiques sur le bruit générés par les jets. En janvier, le gouvernement bâlois s'est lui aussi exprimé de manière critique dans une réponse à une intervention: le bilan environnemental des avions est «certainement dérangeant, tout comme le bruit naturellement causé par les avions». Zurich a fait un pas de plus: le conseil municipal a refusé que la Patrouille Suisse donne un spectacle lors de la Zürifäscht.

La Patrouille Suisse a également de plus en plus de mal à s'imposer dans la politique fédérale. Le modèle d'avion suscite des débats: le Tiger est considéré comme obsolète depuis des années. La ministre de la Défense Viola Amherd a annoncé en mars que le Tiger F-5 serait retiré du service à la fin de l'année 2027. Si la Suisse reçoit le F-35 dans les années à venir, elle devra bientôt entretenir trois avions différents en plus de son prédécesseur, le F/A-18. Une entreprise coûteuse, d'autant plus que l'utilité du F-5 en matière de politique de défense est désormais très limitée.

La semaine dernière, la Commission de la politique de sécurité du Conseil national a certes transmis un postulat visant à clarifier l'utilisation des F-5 comme cible d'entraînement. Dani Hösli trouve que c'est une bonne solution:

«Le Tiger est comparativement bon marché à l'entretien et il permet de s'entraîner aux missions air-air»

Il faudra peut-être investir environ 20 millions pour le cockpit, «mais les heures de vol sur le Tiger sont moins chères que sur le F/A-18».

La proposition n'a toutefois obtenu qu'une faible majorité au sein de la commission. «Pour nous, la discussion n'était explicitement pas au sujet de la Patrouille Suisse», explique la présidente de la commission Priska Seiler Graf (PS). «C'est une différence flagrante avec notre commission sœur au Conseil des Etats».

En effet, il y a un an, c'est surtout la Commission de la politique de sécurité du Conseil des Etats qui s'est opposée à la mise hors service du Tiger et qui a ainsi réussi à obtenir gain de cause au Parlement. Il n'est pas certain qu'un tel vote se produirait à nouveau, compte tenu de l'étroitesse des caisses et d'une armée qui veut se concentrer davantage sur sa capacité de défense. Seiler Graf ne veut pas se risquer à un pronostic, même si elle voit le soutien aux aviateurs diminuer, du moins sous la coupole du Palais fédéral:

«Ma boîte aux lettres ne déborde jamais autant que lorsqu'il s'agit de la Patrouille Suisse. Et parmi les expéditeurs, il y a aussi quelques membres du PS».

«Elle devra passer à des avions à hélices»

Le soutien au Conseil national s'effrite, notamment au sein du groupe parlementaire du Centre. Les qualificatifs vont de la «fierté nationale» à la «folie», mais dans l'ensemble, le soutien à l'escadrille diminue, selon plusieurs voix du groupe. Nicole Barandun (Centre), confie, par exemple:

«Les Tiger auraient besoin d'un investissement qui se chiffre en dizaines de millions. S'il s'agit juste de sauver la Patrouille Suisse, une telle dépense ne se justifie pas».

Le postulat veut maintenant vérifier si l'avion peut encore servir de cible au-delà de 2027. «Mais au plus tard à cette date, le Tiger sera fini et la Patrouille Suisse devra passer à des avions à hélices».

Traduit et adapté de l'allemand par Léa Krejci

L'armée récupère les débris du Tiger abîmé
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source: sda / urs flueeler
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