Aujourd'hui en Suisse, pour avoir recours à un avortement, les femmes doivent confirmer par la signature d'un document qu'elles sont «dans une situation de détresse profonde». Et pour cause: cette intervention médicale est encore inscrite dans le Code pénal.
En juin, 4 conseillères nationales – Susanne Vincenz-Stauffacher (PLR/SG), Min Li Marti (PS/ZH), Léonore Porchet (Vert-e-s/VD) et Melanie Mettler (PVL/BE) – ont déposé deux postulats au Parlement. Le premier demande une évaluation de la réglementation légale de l'interruption de grossesse. Le second, un état des lieux de la pratique, afin d'améliorer son accès et sa prise en charge.
«Nous recevons les préoccupations des professionnels de la santé ou des personnes qui souhaitent avoir recours à une interruption de grossesse. Les témoignages reçus font état de nombreux obstacles qui existent encore en Suisse», explique Léonore Porchet.
La conseillère nationale cite trois exemples: la «stigmatisation de l'avortement» – malgré un taux d'IG bas dans le pays –, la pression sur les professionnels de la santé – de par son inscription dans le code pénal –, et la charge financière de la procédure, remboursée par l'assurance de base, mais qui peut être un frein selon le montant de la franchise.
De plus, à l'heure actuelle – notamment en dehors des grandes villes – il est rare qu'une seule visite chez le médecin suffise pour un avortement médicamenteux, appelé aussi méthode One Stop. Plusieurs rendez-vous sont généralement fixés.
Selon les cantons, certains professionnels de la santé refuseraient même de pratiquer l'intervention par «objection de conscience» - c'est-à-dire le droit de ne pas fournir des soins incompatibles avec des convictions éthiques ou religieuses – sans nécessairement renvoyer la femme vers quelqu'un qui pourra lui prodiguer le soin, comme stipulé dans la loi sur la santé.
Pour Barbara Berger, la dépénalisation de l'avortement aiderait à faire évoluer les mentalités et diminuer les obstacles. Selon elle, l'IG devrait être ancrée dans une loi sur la santé établie par le Parlement. Actuellement, elle est régie par des guidelines mises en place par le corps médical, dans lesquelles figure notamment la règle des différents rendez-vous.
Léonore Porchet a bon espoir quant à l'acceptation des postulats, notamment parce qu'ils ont été déposés par 4 femmes de différents partis, et que seule l'UDC ne les a pas signés. Le Conseil fédéral dispose d'un délai de deux ans pour leur traitement. Aucune date n'a été fixée pour le moment.
D'ailleurs, que penser des deux initiatives anti-avortement déposées par l'UDC, qui demandaient une restriction de ce droit et qui n'ont de justesse pas obtenu les 100 000 signatures nécessaires? «A défaut d'ouvrir le débat, cet échec fortifie le droit à l'avortement», estime Barbara Berger. Pour Léonore Porchet, ceci démontre que le peuple est en faveur du droit à l'autodétermination des personnes et de l'interruption de grossesse.