Un bruit énorme résonne au milieu de la nuit: des criminels font sauter des bancomats, volent l'argent et s'enfuient. Presque toutes les semaines, un distributeur automatique de billets explose dans notre pays. Le nombre d'attaques n'a cessé d'augmenter ces dernières années. En 2022, 56 cas au total ont été recensés. Dans près de la moitié d'entre eux, les criminels ont utilisé des explosifs.
On observe désormais un renversement de tendance. Cette année, le nombre d'attaques contre les distributeurs automatiques de billets devrait diminuer. En 2023, il y a eu jusqu'à présent 21 incidents, comme l'explique l'Office fédéral de la police (Fedpol). Selon la Confédération, les efforts de lutte contre les explosions de bancomats commencent à porter leurs fruits.
En mai, des représentants de Fedpol, du secteur des banques et des assurances se sont rencontrés en vue d'une collaboration plus étroite. Nous avons un problème commun, telle était la teneur des discussions. L'évolution de la situation en Suisse est «inquiétante» et des mesures préventives sont nécessaires, s'accordaient à dire les participants. Cela va tout à fait dans le sens de la Confédération. Elle insiste depuis longtemps sur le renforcement de la prévention.
Ce n'est pas un hasard si la Suisse est une destination attrayante. Aucun pays d'Europe ne dispose d'un réseau aussi dense de distributeurs automatiques de billets. Même dans les régions périphériques et les petits villages, on trouve souvent un bancomat. Pour les criminels, les sites isolés sont idéaux pour agir de nuit sans être dérangés et prendre la poudre d'escampette une fois leur forfait accompli.
Autre incitation: ce sont justement ces bancomats qui contiennent le plus d'argent. Pour maintenir les coûts à un bas niveau, les banques les remplissent le moins souvent possible, parfois toutes les deux semaines seulement. Lorsqu'ils sont fraîchement remplis, ils peuvent contenir plus d'un demi-million de francs.
A l'étranger, les malfaiteurs ne peuvent pas mettre la main sur autant d'argent si facilement. Car les attaques contre les distributeurs automatiques de billets sont un problème européen. Europol a tiré la sonnette d'alarme depuis longtemps. L'autorité policière s'inquiète surtout de l'augmentation de la violence. Des explosifs extrêmement puissants sont de plus en plus souvent utilisés, provoquant parfois l'effondrement de bâtiments ou la mort d'innocents.
Les agresseurs agissent pourtant de manière très professionnelle. Des bandes criminelles bien organisées se sont spécialisées dans ces attaques à l'explosif. En 2021, les enquêteurs ont même découvert, avec l'aide d'Europol, un centre d'entraînement aux explosions de distributeurs automatiques à proximité de la ville néerlandaise d'Utrecht.
Ce n'est pas un hasard: le modèle d'affaires criminel trouve son origine aux Pays-Bas. Les criminels opèrent souvent à l'échelle internationale dans les pays voisins. Et comme d'autres Etats ont agi plus tôt et avec plus de détermination contre les bandes criminelles, celles-ci se sont alors tournées vers la Suisse.
A l'étranger, les banques ont en effet pris des mesures précoces. Ainsi, les distributeurs automatiques sont plus régulièrement remplis par des coursiers et parfois même vidés le soir. Les expériences faites à l'étranger montrent que la quantité d'argent dans les distributeurs a une influence sur le nombre d'attaques.
Une sorte d'antivol s'avère également efficace. Celui-ci fonctionne de la manière suivante: si des criminels forcent un bancomat, un système est activé pour neutraliser les billets de banque. La méthode la plus courante est une encre de sécurité qui est pulvérisée automatiquement sur les billets. Les billets sont ensuite marqués et n'ont donc plus aucune valeur pour les agresseurs.
La France est un précurseur en la matière. Depuis 2015 déjà, les distributeurs automatiques menacés y sont équipés d'une encre spéciale afin de rendre inutilisable l'argent liquide dérobé. En conséquence, le nombre d'attaques a chuté de 300 en 2013 à 50 en 2018. Cette idée a également été reprise récemment par le conseiller national PLR vaudois Olivier Feller. Par le biais d'un postulat, il souhaite faire examiner une obligation d'utiliser de l'encre. Le Conseil national n'a pas encore pris de décision.
Mais en Suisse aussi, les mentalités ont changé. Les banques, qui ont longtemps sous-estimé le problème et hésité à prendre des mesures, sont devenues actives. L'encre de sécurité est de plus en plus utilisée à cet effet. Et parfois, les bancomats détruits ne sont tout simplement plus remplacés.
(Traduit et adapté par Chiara Lecca)