Les Alpes suisses pourraient à l'avenir héberger une banque mondiale du microbiote. Des scientifiques ont déjà commencé à collecter des excréments du Laos ou d'Ethiopie. Comme les animaux ou les plantes, la flore intestinale est en effet elle aussi en danger d'extinction.
Or la médecine pourrait un jour avoir besoin d'une bactérie qui aurait disparu. Pascale Vonaesch, professeur assistante au Département de microbiologie fondamentale à l'Université de Lausanne (UNIL) et interviewée mardi soir au 19:30 de la RTS, a ainsi déclaré:
Le projet qu'elle mène, notamment avec deux confrères de l'université de Zurich et de l'EPFZ, vise à conserver la diversité du microbiote de l'humanité à long terme. L'idée est d'avoir des échantillons de partout dans le monde pour couvrir la diversité entière du microbiote, celui-ci étant très divers et spécifique à chaque région.
Le microbiote intestinal, ou deuxième cerveau comme d'aucuns appellent cet organe, comprend plus de 100 000 milliards de bactéries, pesant en moyenne 2 kilos, mais aussi des champignons et des virus non pathogènes.
La cause principale de son appauvrissement vient du manque de diversité des aliments consommés, mais aussi de l'usage d'antibiotiques, explique Pascale Vonaesch. Le fait que l'on soit aujourd'hui de moins en moins exposés aux bactéries de l'environnement, parce qu'on manque de contacts avec la terre et les animaux, comme dans une bulle stérile, contribue aussi à la disparition de ce patrimoine, explique la chercheuse de l'UNIL.
Dès lors les microbiotes des populations vivant loin du monde industrialisé sont en quelque sorte les derniers survivants de leur espèce. C'est justement pour cela que les chercheurs récoltent et congèlent des échantillons avant qu'il ne soit trop tard.
Il faut faire vite, car même les communautés pastorales d'Ethiopie, qui vivent étroitement avec des animaux, commencent à changer leurs habitudes, avec la consommation d'aliments achetés au marché et même avec la prise d'antibiotiques, constate la chercheuse au micro de la RTS.
Pour l'heure, le projet dont la phase-pilote a commencé, récolte des échantillons non seulement d'Ethiopie ou du Laos, mais encore de Porto Rico et du Pérou. A terme, la banque mondiale du microbiote devrait abriter dans les Alpes les excréments du monde entier.
En attendant, les échantillons sont envoyés à l'Université de Zurich, sous la responsabilité d'Adrian Egli, spécialisé dans l'analyse et le stockage de ces échantillons. Ils sont congelés pour les préserver, car les bactéries se divisent très rapidement, toutes les 20 minutes.
Ces échantillons n'appartiennent pas aux chercheurs, ni à la Suisse ni à la pharma, souligne Pascale Vonaesch:
Un troisième chercheur de l'équipe suisse participe à la phase pilote du projet. Le bioinformaticien de l'EPFZ Nicholas Bokulich a développé un système d'archivage, conçu pour cataloguer chaque échantillon, afin de s'y retrouver dans ce coffre-fort de bactéries. A terme, ils devraient être rejoints par une quarantaine de scientifiques du monde entier.
(ats/acu)