La première fois que le conseiller communal Mauro Moruzzi a entendu parler du nouvel horaire CFF, c’était le 21 mars, lors de la traditionnelle séance d’information réunissant chaque année les responsables des transports neuchâtelois. «L’Horaire CFF 2025 était l’un des huit points figurant à l’ordre du jour», retrouve dans ses archives le chef de la mobilité de l’exécutif de la ville de Neuchâtel.
«Nous avons appris à ce moment-là que Neuchâtel aurait deux liaisons directes par heure jusqu’à Lausanne. Et c'est à cette occasion qu’a été évoquée la probabilité, dans le cadre d’une négociation difficile alors encore en cours, d’un changement à Renens pour les voyageurs de la ligne du pied du Jura se rendant à Genève», rapporte Mauro Moruzzi.
Jusque-là, rien n’avait filtré des négociations menées depuis un an par les CFF avec les conseillers d’Etat de la Conférence des transports de la Suisse occidentale (CTSO, les cantons romands plus Berne). «Au début des discussions, ce que nous proposaient les CFF était largement plus mauvais que ce que nous avons finalement obtenu à la fin», relate le conseiller d’Etat fribourgeois Jean-François Steiert, président de la CTSO. En 2022, la CTSO avait refusé d’entrée en matière sur un «Horaire 2024».
Un horaire valable dix ans, accueilli avec stupeur et incrédulité par les villes romandes situées le long de la ligne empruntée par l’IC5, l’InterCity reliant Genève à Saint-Gall par le pied du Jura. Dès décembre 2024, les passagers de cette ligne se rendant à Genève devront, sauf «aux heures de pointe» du matin et du soir, changer de train à Renens (VD). Les temps de parcours en seront rallongés. C’est toute une ligne qui sera bientôt démonétisée, craint-on.
Mauro Moruzzi, chef de la mobilité dans l'exécutif neuchâtelois, contient sa colère:
Mauro Moruzzi, en accord avec les autres villes pénalisées par le nouvel horaire, Genève, Morges, Yverdon, La Chaux-de-Fonds, Bienne et Delémont, entend faire son possible pour obtenir d’«éventuels ajustements». Trop tard? Des travaux parfois titanesques vont perturber le réseau ferroviaire romand pendant au moins dix ans. Le nouvel horaire a été conçu dans cette optique.
Jean-François Steiert et ses six collègues de la CTSO ont rencontré, lundi soir, à Berne, le chef du Département fédéral des transports, Albert Rösti. Les conseillers d’Etat lui ont fait part de leurs doléances, qu'énumère ci-après le ministre fribourgeois:
On le devine, c'est le couteau sous la gorge que les cantons de la Suisse occidentale ont négocié ce qui leur était proposé. Les marges de manœuvres étaient réduites. La faute à des équipements vieillissants côté romand:
Ces retards plus importants s’expliquent en partie par des capacités de redondance insuffisantes. Redondance? Le fait de pouvoir emprunter des itinéraires de délestage en cas de problème sur la voie habituellement utilisée. Le fait, aussi, de pouvoir se déporter momentanément sur la voie d’à côté pour éviter d’avoir à s’arrêter ou à trop ralentir en cas de travaux, par exemple. «Par mesure d’économie, affirme Jean-François Steiert, la précédente direction des CFF a ôté des aiguilles, davantage en Suisse romande qu’en Suisse alémanique. Ces aiguilles, qui permettent de permuter de voie et qui demandent de l'entretien, sont des dispositifs importants pour assurer la stabilité de l’horaire en cas de pannes ou de chantiers.»
«Le défaut de redondance est majeur entre Genève et Lausanne. Le trafic ferroviaire est à son maximum, il n’y a pas d’itinéraire de délestage», constate un collaborateur de la conseillère administrative chargée de la mobilité à la ville de Genève, Frédérique Perler.
Avec le nouvel horaire CFF, Genève perd beaucoup au profit de Lausanne sa rivale. Un InterCity sur deux pour Zurich lui file sous le nez. La compensation ne paraît pas être à la hauteur du préjudice subi: trois arrêts supplémentaires des RegioExpress dans la périphérie genevoise. La ville du bout du lac: jamais surnom n’avait été aussi bien porté. Le chef-lieu vaudois et son EPFL, qui verra bientôt arriver la RTS, perdue par Genève, prend des allures de capitale romande.
Le maire de Bienne la bilingue, Erich Fehr, soumet une idée de compromis:
A ce propos, dans le but de gagner du temps, deux conducteurs sont présents à chaque extrémité dans les trains effectuant les trajets entre Neuchâtel et La Chaux-de-Fonds, comprenant un changement de sens à Chambrelien. A ceci près que le canton de Neuchâtel paie le salaire d’un des deux conducteurs.
La démonstration du maire de Bienne n’est pas terminée. La suite devrait modérément plaire à Lausanne:
Cette proposition en forme de jugement équitable est-elle seulement réalisable? Ce serait un moindre mal.