Relativement fixe depuis l'an 2000, l'horaire CFF de 2025 promet de nombreux changements. Parmi eux, la montée en importance de Renens comme nœud ferroviaire dans le transport de passagers et la fin des lignes directes Genève et Yverdon-les-bains. Et avec elle: Neuchâtel, La Chaux-de-Fonds et tout le jura via Bienne.
Déjà, les pendulaires s'agitent, notamment ceux de l'Arc jurassien. Si la cadence de leurs déplacements vers Genève est doublée, sortir et remonter à Renens est un désavantage certain, notamment si on transporte des bagages. Pour ceux qui viennent depuis Delémont, cela veut dire deux changements: à Bienne et à Renens.
Pour le patron des CFF, qui balance les critiques d'un revers de la main, le meilleur équilibre a été trouvé. Vincent Ducrot a notamment estimé sur le plateau du 19.30 de la RTS que l'augmentation de la fréquence permettra de diminuer les retards.
Il assure que les pendulaires préféreront cette solution, quitte à passer quelques minutes de plus dans le train et devoir changer deux fois. «Sondages» internes à l'appui, assure-t-il.
Mais il n'hésite pas à concéder qu'une partie des pendulaires verra sa qualité de transports réduite:
Ce n'est pas forcément l'avis de Vincent Kaufmann, professeur de sociologie urbaine et d'analyse des mobilités à l'EPFL:
Pour le chercheur, l’horaire proposé va rendre plus difficile le quotidien «des habitants de l’agglomération genevoise, du Nord Vaudois, qui s’est manifesté avec vigueur, de tout le canton de Neuchâtel et du Jura».
Pour le professeur de la haute école, il est impératif de maintenir les liaisons directes: «je ne doute pas que nous disposons d’ingénieurs agiles et créatifs qui pourraient y parvenir». Il complète:
Le problème est présent dans le canton de Vaud, mais aussi en Suisse en général, comme l'ont fait remarquer d'autres observateurs. «C’est un signe parmi d’autres que la Suisse n’a pas de politique d’équité territoriale ou de véritable projet de territoire dans le domaine de la mobilité», estime Vincent Kaufmann.
Ce n'est pas le seul élément problématique de l'horaire. L'expert loue volontiers le fait de décaler le nœud ferroviaire romand principal à Renens pour désengorger Lausanne, dont les travaux de la gare devraient occuper le centre-ville au moins ces dix prochaines années (une fois que ceux-ci auront débuté).
Au-delà de cet état de fait, beaucoup de pendulaires et de voyageurs en direction de l'aéroport de Genève auront déjà anticipé les problèmes particulièrement pratiques, que Vincent Kaufmann n'hésite pas non plus à critiquer et imager:
Pour le sociologue, c'est bien ce changement qui pose le problème principal. La prolongation des durées de trajets est, quant à lui, un problème plus superficiel: «L'allongement de quelques minutes pour des déplacements qui font une heure n’est pas pénalisant», concède-t-il volontiers. Mais de nuancer: «Ça l’est beaucoup plus pour des déplacements de 2h20 à 3h».
La grogne des passagers et les problèmes sur les quais, c'est une chose. Mais la stratégie des CFF liée à l'écologie en est une autre. Celui-ci pointe notamment du doigt l'Arc jurassien:
«Il y a un manque de vision, et surtout une stratégie incohérente par rapport à l’objectif de neutralité carbone dans le domaine de transports», estime ainsi le sociologue.