Midi sonne à Lausanne ce vendredi. Devant les marches de l’église Saint-Laurent parsemées de badauds profitant du soleil, un jeune homme chétif aux cheveux longs apparaît, entouré de pancartes. Après les avoir étalées par terre, il s’assied au centre, reprenant ainsi la place qu’il occupe résolument depuis plus d’une semaine maintenant.
Lui, c’est Robin, 18 ans, activiste du climat. Accompagné de la zadiste chinoise Howey Ou et d’un autre militant anonyme, il entame un neuvième jour de grève de la faim pour demander l’acquittement des 46 zadistes du Mormont (qui risquent jusqu'à deux mois de prison). «On ne boit que de l’eau, du thé ou des jus. Aujourd’hui ça va pas mal, mais dans quelques heures je vais sûrement verser», rigole-t-il.
Pourquoi une telle implication, alors même que ce Français originaire de Grenoble n’a pas pris part à la mobilisation du Mormont, ni même ne fait partie du groupe Extinction Rebellion (qui promeut pourtant l’action)?
C’est donc aussi simple que ça. Il s’étonne aussi lorsqu’on l’interroge sur la radicalité de son action: «Je ne sais pas si c’est radical. Je me mets en danger pour signaler la disproportionnalité de la peine encourue par les zadistes». Et d'ajouter: «Qui sont les vrais criminels? Les activistes qui se basent sur des données scientifiques ou la cimenterie Holcim contre laquelle se mobilisent les zadistes?». Il tempère cependant ses propos: «Cette action est encadrée, nous sommes suivis par des médecins d’Extinction Rebellion. Le but n’est pas de mourir».
Mourir serait en effet bien radical pour Robin, qui se dit justement «revivre» depuis que l’activisme a donné un sens à son existence. Sensible dès tout petit à la cause environnementale, cet outsider solitaire souffrant de troubles du spectre autistique voit sa vie bouleversée par la découverte de Greta Thunberg en 2019. Il s’implique dès lors corps et âme dans le mouvement activiste «Youth For Climate» et prend part à toutes sortes d’actions allant «de la grève au sabotage». Après l’obtention de son bac en 2020, il tente une insertion professionnelle qui se révèle catastrophique.
Il y a un mois, il décide donc de tout quitter pour vivre pleinement son engagement. Là, au milieu de ses pancartes, il se déclare plus heureux que jamais: «J’ai besoin d’une raison d’avancer, même si je dois dormir dans la rue. L’activisme m’a permis de rencontrer des gens comme moi, de trouver des amis. Mais c’est aussi une bulle, un milieu cloisonné dont j’essaie de sortir en voyageant».
C’est donc à Lausanne que Robin a posé son sac dos pour tenter d’instaurer un dialogue avec la population. Et si les autorités politiques et judiciaires n’ont jusque là pas donné suite à la requête des grévistes, cette mobilisation publique dans un point névralgique de la ville provoque de nombreuses réactions.
Positives pour la plupart selon Robin qui désigne un bouquet de fleurs offert par une passante. «Un jour, une femme a éclaté en pleurs tant elle était émue», raconte-t-il alors qu’une autre s’arrête pour lui assurer son total soutien.
Mais tout n’est pas si rose et les grévistes s’attirent également de nombreux regards interloqués, voire des propos haineux. Robin raconte ainsi les menaces proférées à leur encontre par des individus masqués de noirs vêtus, une nuit que les militants dormaient sur les marches de l’église.
Leur présence insistante semble également déplaire aux forces de l’ordre, comme en témoigne l’interruption d’un policier demandant l’autorisation pour la tenue de cette «manifestation».
Mais rien, de la faim ou de l’adversité, ne semble pouvoir grignoter la détermination de ce frêle jeune homme. Nous le laissons au pied de l’Eglise Saint Laurent. Affamé, seul, mais résolu.