Cette fois-ci, le ministère public du canton de Vaud n’a pas hésité. Il a condamné le polémiste Alain Soral à trois mois de prison pour propos homophobes tenus à l’encontre de notre consœur de la Tribune de Genève, Cathy Macherel, qui avait déposé plainte, a-t-on appris hier par l’intermédiaire de 24 Heures. On peut même dire que la justice vaudoise a eu la main lourde en prononçant une peine ferme, en lieu et place du sursis.
Dans son ordonnance pénale rendue lundi, la justice vaudoise est très claire. Selon le procureur général vaudois Eric Cottier, Alain Soral, établi depuis 2019 à Lausanne, «"exprime non seulement un état d’esprit de détestation ou de mépris envers les personnes queers - notamment homosexuelles", (mais) son discours cherche aussi à éveiller un "sentiment homophobe" auprès de son public», rapporte 24 Heures.
Prenons acte de ce jugement qui pose des limites à la provocation à la haine en raison de l’orientation sexuelle. Alain Soral sait à présent qu’il ne réside pas dans la Russie de Poutine, mais dans un pays démocratique où prévaut un esprit de tolérance envers ceux que d’autres Etats condamnent pour déviance.
Mais, si le ministère public vaudois n’a pas tremblé en condamnant Soral pour propos homophobes, pourquoi a-t-il refusé d'entrer en matière à la suite des dénonciations visant le même Soral, pour des propos cette fois-ci antisémites, qui tombaient sans conteste sous le coup de l’article 261bis du code pénal suisse, la norme pénale antiraciste?
C’est la Cicad, la Coordination intercommunautaire contre l’antisémitisme et la diffamation, basée à Genève, qui avait adressé ces dénonciations au parquet vaudois, lui demandant d’agir pénalement. Alain Soral était alors déjà domicilié à Lausanne et, comme dans le cas des paroles homophobes lui valant aujourd’hui condamnation, il avait tenu ses propos antisémites sur son site Egalité & Réconciliation.
Alors, pourquoi ce refus de poursuivre pénalement Soral sur la base des signalements de la Cicad, comme en atteste un courrier daté du 16 avril 2021, émanant de la «Division Affaires Spéciales» du ministère public central? Parce que la justice vaudoise a estimé que les personnes dénigrées par Alain Soral dans plusieurs vidéos postées sur son site depuis Lausanne, étaient des personnalités françaises (en l’occurrence juives ou supposées telles), parmi elles, Raphaël Glucksmann, Patrick Drahi, Jacques Attali, Agnès Buzyn ou encore Bernard Kouchner.
Le ministère public faisait ensuite remarquer que le public visé par ces vidéos était français et qu’en conséquence, le «centre de gravité» de l’affaire se situait en France, non en Suisse. A l’appui de sa démonstration, il invoquait l’article 8 du code pénal suisse.
Soit, mais on ne peut s’empêcher de trouver étrange que la justice vaudoise n’ait pas considéré que des propos antisémites ont une portée universelle, peu importe la nationalité ou le lieu de résidence des personnes méprisées. Ce qui compte, ici et en fin de compte, c’est moins l’individu dénigré que le fond du message. Quand Alain Soral «se paie» le patron de presse Drahi ou l’essayiste Attali, ce n’est pas tant à eux qu’il s’en prend, qu’aux juifs en général. Cela, la justice vaudoise aurait pu, peut-être, le prendre en considération.
Il serait regrettable que le ministère public vaudois ait voulu frapper contre l’homophobie, mais que sur l’antisémitisme, il ait pu se dire que cela ne le concernait pas.