La santé est affaire d’Etat pour les Romands, elle est affaire privée pour les Alémaniques. On n’explique pas un si net röstigraben entre francophones et germanophones sur la question du financement des soins, autrement que par un fort biais culturel.
Les aspects économiques ont bien sûr joué un rôle dans cette cassure à l’échelle nationale: payant des primes moins élevées que les Romands, les Alémaniques n’ont pas autant redouté le pouvoir accru des caisses maladie dans la nouvelle configuration du financement des soins acceptée dimanche.
Financement des prestations de santé
Dépouillés: 26/26 | Etat: Résultats
53,3% oui
46,7% non
17 cantons
6 cantons
Gemeinde
Mais, même sur le pouvoir accru des caisses qui ne rebuterait pas les Alémaniques, ce serait prendre l’effet pour la cause. Si les germanophones de Suisse dépensent moins pour la santé, comme eux-mêmes ne manquent pas de le faire remarquer aux francophones, c’est parce qu’ils vont moins chez le médecin, pour dire les choses rapidement.
En Suisse alémanique, on aura tendance à considérer que tout ce qui relève du corps – la maternité comme la santé – doit échapper aux pouvoirs publics. En Suisse romande, on craint moins – l’histoire des votations sur ces objets le montre – la participation de l’Etat.
Le politologue lausannois René Knüsel, interrogé par watson au lendemain de l’acceptation de la réforme de l’AVS en septembre 2022, mais rejetée par tous les cantons latins, notait :
A propos des Alémaniques, il constatait:
Personne n’aime passer une nuit à l’hôpital. Mais, sur ce point, il est possible que les Romands, dans leur hostilité à la nouvelle formule de soins qui privilégie les parcours ambulatoires aux hospitalisations, aient considéré que l’hôpital participe tout à la fois d’une protection et d’un acquis social. D’autant plus lorsque la santé leur coûte si cher chaque mois. A l’inverse, la promotion des parcours ambulatoires correspond à l’idée que les Alémaniques se font de la responsabilité individuelle.
L’aspect quasi caricatural du röstigraben, sur cet objet de votation, n’est pas nécessairement à l’avantage des Romands, car cela traduit chez eux un pessimisme face à une formule présentée comme gagnante à tous les coups. Les voilà comme à la traîne sur quelque chose de capital, dans tous les sens du terme: être bien dans sa peau.