Aucun pays n’a protesté aussi violemment que l’Espagne lorsque la Commission européenne a demandé à ses membres de réduire leur consommation de gaz de 15%. Madrid a piqué l'Allemagne au vif en décrétant avoir fait ses devoirs. En effet, le gaz russe ne joue qu'un rôle mineur en Espagne.
Le gouvernement de gauche a toutefois fini par se rallier à l'objectif d'économie de 15% décidé la semaine dernière par les ministres européens de l'énergie. Lundi, il a présenté un plan d'économie concret. Les installations de climatisation seront notamment réduites.
On peut aussi l'interpréter autrement. L'Espagne se montre solidaire avec le reste de l'Europe face à la menace de l'embargo russe sur le gaz. La semaine dernière, Gazprom a réduit les livraisons par le gazoduc Nord Stream 1, qui venaient tout juste de reprendre, à 20% de la quantité habituelle, avec une justification fallacieuse.
Le risque que l'Europe manque de gaz naturel en hiver reste réel. L'Allemagne est particulièrement concernée. Le pays n'a pas encore de plan d'économie d'énergie, mais grâce aux appels insistants du vice-chancelier écologiste Robert Habeck, de nombreuses mesures ont été prises. En Suisse, en revanche, on ne voit guère d'efforts d'économie.
Nous sommes entièrement dépendants de l'étranger. Nous n'avons pas rempli nos «devoirs». Bien que la Suisse soit extrêmement dépendante de la solidarité de ses voisins, elle ne voulait initialement rien savoir de l'objectif de 15% de l'UE. L'Office fédéral de l'énergie (OFEN) a invoqué des raisons juridiques formelles auprès de watson.
Entre-temps, le Département fédéral de l'environnement, des transports, de l'énergie et de la communication (DETEC) semble avoir reconnu le retard helvétique habituel. La Suisse ne peut pas rester à l'écart des plans d'économie européens. Le DETEC a fait savoir à la NZZ am Sonntag qu'il allait «également examiner des mesures volontaires qui correspondent à celles de la décision de l'UE».
Une campagne «dans le domaine de l'efficacité énergétique» devrait bientôt être lancée, a déclaré un porte-parole de l'OFEN à Watson. La ministre de l'énergie Simonetta Sommaruga ne montre toutefois guère d'envie d'agir. Dans son discours du 1er août à Fribourg, ce n'est pas la menace d'une pénurie d'énergie en hiver qui a été au centre de ses préoccupations, mais son amour pour le train.
Les médias et les politiques perdent patience avec la conseillère fédérale socialiste. Elle devrait «faire plus que simplement débiter des slogans généraux d'économie dans ses interviews», s'insurge la Sonntagszeitung. Le chef du groupe parlementaire UDC Thomas Aeschi demande même que le dossier énergétique soit retiré à Sommaruga et remis à «son» conseiller fédéral Ueli Maurer.
Il s'agit là d'un populisme typique de l'UDC, car le parti n'a finalement pas non plus de recette contre la menace de pénurie de gaz en hiver. Même le «magicien» Maurer ne peut pas faire réapparaître le gaz. La dépendance de la Suisse vis-à-vis de l'étranger est une réalité. Cela pourrait se retourner contre elle, comme le montre par exemple le litige sur le stockage entre l'Allemagne et l'Autriche.
Une telle affirmation peut paraître exagérée, car le réservoir de gaz de Haidach près de Salzbourg, qui appartenait au groupe Gazprom, n'était cependant plus rempli depuis le début de la guerre en Ukraine. Le gouvernement autrichien l'a de fait exproprié et a commencé à le remplir lundi. La Bavière voisine insiste désormais pour obtenir une part.
Les fournisseurs locaux ont réservé des capacités de stockage à l'étranger sur ordre de la Confédération. La question de savoir si l'accès est possible en cas de «crise» reste en suspens. Une grande partie des réserves se trouve en France, et l'on sait que Paris est tout sauf timide lorsqu'il s'agit d'imposer ses «intérêts nationaux».
Il n'y a aucune garantie que la Suisse obtienne le gaz réservé. Les options sur le gaz «non russe» n'offrent pas non plus la garantie de pouvoir l'obtenir. La Suisse mise donc sur des «accords de solidarité» avec les pays voisins, mais c'est là qu'un nouveau problème se pose, car la Commission européenne à Bruxelles s'en est mêlée.
Selon CH Media, elle insiste pour que «la Cour de justice européenne (CJUE) tranche en cas de litige». Le DETEC tente d'occulter cet aspect, car cette revendication touche la Suisse à un point très sensible. Les «juges étrangers» de la CJUE au Luxembourg ont été l'une des principales raisons pour lesquelles la Suisse a fait capoter l'accord-cadre avec l'UE.
Si la Suisse acceptait les accords pour les livraisons de gaz, cela créerait un précédent. C'est pourquoi le DETEC minimise l'importance des accords de solidarité. Ils n'entrent en jeu qu'en cas «d'extrême urgence», a-t-il déclaré à la NZZ am Sonntag. Une urgence qui pourrait survenir rapidement si Vladimir Poutine coupait le gaz.