A l’avenir, il sera plus compliqué pour le Parti socialiste suisse de dénoncer le racisme lorsqu’il se manifestera à l’UDC ou ailleurs. En décidant de ne prendre aucune sanction contre Mountazar Jaffar, le PS Vaud envoie le message qu’on peut liker des tweets antisémites lorsqu’on est socialiste sans être sanctionné d'une manière ou d'une autre. Il suffit de s’excuser platement, comme un ado surpris en train de faire une bêtise. Certes, la procédure disciplinaire engagée contre l’élu lausannois vaut «avertissement», a spécifié le président des socialistes vaudois, Romain Pilloud. Mais cela suffit-il?
Contrairement à ce qu’on a pu lire depuis que le PS Vaud a annoncé mercredi sa décision, les tweets likés ne sont pas «polémiques», «controversés» ou «anti-Israël». Ils sont antisémites, dans une veine soralienne qui redevient tendance depuis le 7 Octobre et la répression à Gaza – on apprend ce jeudi que la justice vaudoise a ouvert une enquête contre Alain Soral pour antisémitisme. A la décharge de Mountazar Jaffar, celui-ci a reconnu le caractère antisémite des tweets qu’il lui était reproché d’avoir likés tout en se défendant lui-même de tout penchant antisémite, selon Romain Pilloud. Faute avouée, à moitié pardonnée.
Très bien, mais on ne peut pas se retrancher derrière une contrition toute vaudoise pour écarter ce qu’il y a d’universel et de très actuel dans la présente problématique. Il n'est pas impossible que le drame en cours à Gaza, accablant pour Israël, ait retenu le bras de la direction socialiste vaudoise. Sanctionner eût pu être interprété comme en complet décalage avec la priorité du moment qu’est la condamnation d’Israël.
C’est pourtant dans ces moments houleux qu’il importe de continuer à faire la part des choses: exiger d’Israël l’arrêt de ses bombardements à Gaza, sanctionner un élu quand il dépasse les limites du tolérable – Romain Pilloud avait parlé de «ligne rouge franchie». Dans l’affaire des likes, entre l’absence de sanction et l’exclusion, il y avait le blâme, un moyen-terme acceptable.
Que retiennent les médias dans leurs titres suite à l’épisode des likes? Que le PS Vaud «ne prend pas de sanctions», qu'il «abandonne les sanctions». C’est embêtant pour l’image des socialistes, qui peuvent donner l'impression de ne pas prendre toute la mesure du problème. Sur un autre plan, faute de clarification, on peut penser que la frange «gauche radicale», pareille à La France insoumise chez nos voisins et résolument «antisioniste», a pris le pouvoir, du moins dans certaines sections. Retarder cette clarification pourrait un jour coûter cher au PS.
Quant à l’UDC, elle aura beau jeu de dénoncer le «côté moralisateur du PS», quand, comme le dit un membre du parti national-conservateur, «les socialistes ne sont pas capables de faire le ménage chez eux».