Que ce soit au nom de la révolution ou de la bienveillance, la méthode est la même: utiliser les institutions pour imposer son agenda idéologique. Deux exemples tout chauds. Une école primaire genevoise a envoyé le 18 avril une lettre aux parents d’élèves pour les informer que la Fête des mères, telle que conçue dans le cadre scolaire, disparaissait au profit de «la fête des gens qu’on aime».
Ce changement anthropologique était le fait de l’«équipe enseignante» de ladite école. La justification laisse peu de doute sur l’orientation idéologique de la démarche, entreprise «au vu de la mouvance actuelle traitant de la question des genres et de l’égalité femme/homme».
Trop aimable, l’équipe enseignante: c’est aux autres de nommer cette «mouvance actuelle», qui efface le mot «mère» du vocabulaire des liens affectifs. N’aurait-elle pas quelque chose à voir, cette mouvance, avec le wokisme, qui entend faire table rase des conventions pour en ériger d’autres à la place? Mais comme chacun sait, le wokisme n'existe pas...
On remarquera que l’instance délibérative à l’origine de cette décision n’est pas le parlement cantonal et encore moins le peuple, mais l’équipe enseignante, donc. Qui, en l’occurrence, a outrepassé ses prérogatives en modifiant les règles du vivant social. Est-on seulement sûr que la décision prise par l'équipe en question correspondait à ce que pensent vraiment ceux qui l’ont adoptée? Y a-t-il eu vote à bulletins secrets? Ou est-ce l’idéologie dominante qui a parlé? Il faut se méfier de l’autogestion: sur le papier, c’est génial. Dans la réalité, ce peut être bien plus frustrant que le suffrage universel à la papa-maman.
Pas de chance pour l’équipe enseignante de l'école primaire genevoise, la cheffe du Département de l’instruction publique (DIP), Anne Hiltpold, interrogée par Le Temps, a dit tout le mal qu’elle pensait de la décision supprimant la Fête des mères:
Même si c'est en creux, Anne Hiltpold a répliqué sur le terrain des idées pour s’opposer à une idéologie qui s'affranchit de l'onction populaire. Il faut bien que les Genevois, qui ont placé une majorité de droite au gouvernement, en aient pour leur vote.
A l’Université de Fribourg, l’entrisme du «Parti communiste révolutionnaire» (PCR) s’est heurté à la fermeté de la nouvelle rectrice, Katharina Fromm, une Germano-Suisse entrée en fonction début février. Pas de chance, là non plus, pour nos révolutionnaires marxistes-léninistes. Ils voulaient prendre appui sur une société d’étudiants existante, la Marxist Society, pour installer leur soviet dans l'enceinte de l'université fribourgeoise, en violation avec le règlement interne. Résultat, la société en question a été dissoute.
Les gens du PCR n’ont surtout pas de chance d’avoir eu affaire à une rectrice nouvellement nommée, originaire d’un pays, l’Allemagne, qui sait ce que c’est que la pensée totalitaire et ses pratiques d’entrisme dans les institutions.
On serait incomplet en n’évoquant pas la démarche entreprise par une garderie vaudoise, en 2023 déjà, reproduite cette année, semblable à celle de l’école primaire genevoise supprimant la Fête de mères, «parce qu’il existe autant de familles différentes que d’enfants» – une information révélée par le site Le Peuple. Là où cette garderie fait plus que déraper, c’est lorsque, à l’appui de son initiative, elle produit un visuel montrant un couple musulman (homme-femme, l’audace a des limites) accompagnant deux fillettes voilées. Dans quel cerveau progressiste peut-on concevoir que la famille-type musulmane est celle qui voile ses petites filles? L’Etat de Vaud a peut-être ici quelque chose à dire.
Au nom du progrès et de la bienveillance, des changements sont imposés subrepticement, comme allant de soi. Il serait temps que les institutions politiques se mêlent des dossiers sociétaux, plutôt que de les laisser à la seule appréciation des administrations et d’experts par définition non-neutres. Le «pas de vagues» s’achève souvent en tsunami.
Car si toute cette agit-prop «de gauche» peut ne pas paraître bien méchante, en quoi on se leurre, il en ira différemment le jour où la droite nationaliste s’insinuera dans les garderies et les universités. Sachons faire comprendre dès à présent que tout n’est pas permis en démocratie.