Les CFF ne sont que des soldats. Les patrons, ce sont les politiques. Vincent Ducrot a rappelé jeudi, lors de la conférence annuelle des CFF, que son entreprise ne décide rien. En revanche, elle peut et doit communiquer. En présentant sa stratégie 2030, le directeur de l’ex-régie fédérale a oublié de parler du trou. Ce sont les questions des journalistes présents sur place qui lui ont forcé la main.
La veille d’un retour à la normale (annoncé) du trafic entre Lausanne et Genève, le trou lémanique, le plus célèbre de Suisse romande et pour un bon bout de temps, n’aura donc jamais eu le porte-voix nécessaire pour que cet incident soit considéré à juste titre comme une catastrophe.
Dans l’émission Forum de la RTS jeudi soir, Vincent Ducrot n’a pas non plus eu de quoi éviter le trou. Il a en revanche évité de s’y intéresser pour de vrai. «Il faut bien pondérer le risque. Il y a un processus en cours qui doit amener les politiques à déterminer, en 2026, quel sera le futur du réseau ferroviaire et les objectifs prioritaires. On a 50 Tolochenaz potentiels en Suisse». Demander à des dizaines de milliers de pendulaires de pondérer quoi que ce soit, eux qui se sont retrouvés plusieurs jours durant privés de leur ICN, c’est être totalement à côté des rails.
On ne parle même plus ici de l'indispensable nouvelle voie demandée fermement par la classe politique genevoise et vaudoise. Non. On parle ici d’un traumatisme émotionnel commun que le patron des CFF aurait dû prendre la peine de panser, de comprendre. Voire même de partager.
L’Arc lémanique n’en a eu que pour le trou pendant une semaine. Dans les médias, sur les réseaux sociaux, au boulot, entre les tournées de bières à l’apéro. Les transports publics ne sont pas seulement des défis techniques, des horizons 2030 ou 2050 ou encore des tarifs et des horaires qu’il faut maîtriser. C’est une contrainte professionnelle hautement sensible. C’est même l’unique fil rouge d’un jour ouvrable. Arriver à l’heure ou arriver tout court au bureau impacte la personnalité, le moral et la crédibilité d’un citoyen qui se lève tous les matins pour gagner son pain.
Les Suisses n’ont pas complètement repris leurs habitudes ferroviaires depuis le semi-confinement de 2020. Entre juillet et septembre, 30% des voyageurs manquaient toujours à l’appel. Si les CFF veulent un jour regagner la confiance de leurs utilisateurs, ils vont devoir apprendre à communiquer. Jeudi, le patron des CFF s’est contenté de dévoiler 50 nuances de trou, mais zéro empathie. Et maintenant, on le sait: avoir un Romand à la tête du réseau ferroviaire national ne nous aidera pas à éponger nos colères.