Après la victoire de la socialiste jurassienne Elisabeth Baume-Schneider et de l'UDC Albert Roësti, tous deux issus de milieux très ruraux, la Suisse urbaine n'est plus guère représentée au Conseil fédéral. Un collègue zurichois est allé se plonger dans le village des Franches-Montagnes où vit la nouvelle conseillère fédérale, bien loin de chez lui.
Quelque part entre Bienne et Les Breuleux doit se trouver une machine à remonter le temps. Il ne faut qu'une demi-heure entre la sortie de l'A5 et le lieu de résidence de la nouvelle conseillère fédérale PS Elisabeth Baume-Schneider. Mais ces 30 minutes en voiture suffisent pour faire un voyage dans le passé. Dans cette commune de 1500 habitants, le temps semble s'être arrêté. Quelque part dans les années 1970 ou 1980.
La «Grand-Rue» traverse tout le village. On y trouve quelques magasins, des restaurants et la maison de commune. La plupart des bâtisses semblent vieillissantes. Au premier coup d'œil, le village semble austère.
Mais lorsqu'on franchit le seuil de la porte, cette impression change rapidement. Les habitants des Breuleux sont extrêmement accueillants et dégagent cette chaleur dont on a bien besoin en cette fraîche journée de décembre.
Marino Filippini, par exemple, qui apparaît le visage radieux derrière les billets de loterie de son kiosque. Lui est très «heureux» de l'élection de Baume-Schneider. La nouvelle conseillère fédérale vient régulièrement dans son magasin, raconte-t-il. «Chaque dimanche, soit elle, soit son mari viennent ici acheter des journaux», raconte le Jurassien. Il révèle une particularité de la nouvelle conseillère fédérale:
Marino Filippini avait déjà pressenti que Baume-Schneider serait élue. Après tout, elle a toujours gagné les élections au niveau cantonal, pour le Conseil d'Etat et le Conseil des Etats.
Une cliente qui se trouve dans le magasin le contredit: «Pour moi, c'était une grande surprise.» Mais elle aussi se réjouit d'accueillir la première conseillère fédérale jurassienne de l'histoire suisse. Baume-Schneider est très appréciée dans le village, car elle a un caractère si simple et ouvert, raconte-t-elle.
Un peu plus bas dans le village se trouve le restaurant de Hakan Yildiz. Il montre fièrement les murs fraîchement peints de l'établissement qu'il a récemment repris. Il y a environ trois ou quatre restaurants dans le village que les gens fréquentent, raconte Hakan Yildiz. Le pub, le restaurant chinois et son kebab.
Jusqu'à présent, le vendeur de kebabs n'avait jamais eu l'occasion de servir la résidente la plus en vue de la localité.« Je ne suis ici que depuis quelques mois», dit-il. Et d'ajouter:
Nous continuons à descendre la rue. Nous passons devant un restaurant asiatique qui sert des plats chinois et japonais. Le chef recommande, entre autres, des langoustes frites à 38 francs, comme on peut le lire sur la carte de menu jaunie dans la vitrine.
Juste à côté se trouve le salon de coiffure de Nathalie. Dans un coin, il y a un juke-box sur lequel on peut écouter de la musique contre un peu de monnaie. Nathalie aussi s'extasie lorsqu'elle parle de Baume-Schneider, à qui elle a déjà coupé les cheveux à plusieurs reprises. On connaît bien la politicienne dans la localité. «Elle est toujours présente lors des fêtes de village», raconte la coiffeuse. Elle est très proche du peuple.
Depuis l'élection de mercredi, la Suisse urbaine n'est plus représentée au Conseil fédéral. De nombreux politiciens se demandent si c'est une bonne chose pour le pays. Le contraste entre les centres urbains comme Bâle ou Zurich et Les Breuleux ne pourrait, en tout cas, pas être plus grand. L'agriculture est omniprésente au centre du village. A quelques pas en dessous du salon de coiffure se trouvent des écuries.
De l'autre côté de la rue se trouve un grand tas de fumier. Rien d'inhabituel pour Baume-Schneider: elle est fille de paysan et a grandi à la campagne.
Les voies ferrées traversent la localité. Cependant, les barrières ne s'abaissent pas trop souvent. Pendant la journée, le train ne s'arrête que deux fois par heure. Une fois en direction du Noirmont (JU) et une fois en direction de Tavannes (BE).
De l'autre côté du passage à niveau, Jacqueline Frésard et Raymond Prongué tiennent une petite boulangerie. Ils nous accueillent aimablement et nous offrent une tournée de café. Il coûte normalement 3,50 francs. Pour ce prix, on obtient, tout au plus, une paille en bambou chez un barista zurichois.
On ne trouve pas d'alternatives au lait de vache dans les rayons de la boulangerie. En revanche, on y déniche des légumes en conserve, du thon en boîte et du chocolat. Le duo de boulangers ne tarit pas non plus d'éloges sur Baume-Schneider qui vient toujours acheter du pain.
Jacqueline Frésard espère que la région sera mieux connue et que le tourisme augmentera. Il y a, en effet, beaucoup à y découvrir. «Par exemple l'étang de la Gruère», lance son partenaire. «Il se trouve à dix minutes d'ici.»
Il y a aussi un téléski avec quatre pistes aux Breuleux, disent-ils. On peut aussi faire du ski de fond, des randonnées et du vélo. Nous commençons à comprendre pourquoi les gens se sentent bien ici, loin de la vie trépidante de la ville.
Le dernier arrêt se fait à la maison communale des Breuleux. Nous y rencontrons Alyson Tramaux, qui fait actuellement un apprentissage à la commune. Aujourd'hui, il n'y a pas encore de fête pour la conseillère fédérale fraîchement élue, dit-elle, «elle est prévue pour le 15 décembre».
Comme toutes les personnes rencontrées ce mercredi, Alyson Tramaux est séduite par le travail de Baume-Schneider. La conseillère fédérale socialiste peut aussi convaincre des gens qui ne se considèrent pas forcément de gauche, explique la jeune Jurassienne. «Ainsi, elle peut aussi marquer des points auprès des agriculteurs.»
Alyson Tramaux ne souhaite pas travailler définitivement à la commune des Breuleux. Elle veut bientôt commencer des études et devenir avocate. Elle envisage également une carrière de politicienne. «C'est ce que j'aimerais faire», dit-elle en riant, ajoutant qu'elle a un modèle dans le village.
(traduction par sas)