Suisse
Drogue

Suisse: la consommation de crack explose à Genève

La consommation de crack explose à Genève et se propage en Suisse

La présence de crack prêt à l'emploi a fait bondir la consommation à Genève, où la situation est devenue tendue. Dans d'autres villes également, cette substance gagne du terrain.
17.07.2023, 06:0317.07.2023, 08:37
Julian Spörri / ch media
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En l'espace d'un an, le nombre de consommateurs de crack à Genève a doublé. Le Quai 9, local d'injection situé juste à côté de la gare Cornavin, a enregistré plus de 17 000 visites de personnes venues fumer cette substance hautement addictive à base de cocaïne en 2022.

Depuis début juillet, l'établissement ferme ses portes aux consommateurs de crack pendant la journée. Ceci parce que la situation dans et autour de l'espace est devenue ingérable. En l'espace de 45 jours, la police et l'ambulance ont dû être appelées 33 fois pour comportement agressif, personnel menacé, bagarres, etc.

La population a manifesté son mécontentement à plusieurs reprises dans la presse. Le hotspot du crack se trouve en effet dans le quartier résidentiel des Pâquis et la drogue est vendue autour d'une école. La fermeture de l'espace de consommation ne va probablement pas faire diminuer les altercations.

En bref, le crack est actuellement un problème de taille à Genève. Aucune autre ville suisse ne connaît une situation comparable.

10 francs pour se shooter

Une récente étude mandatée par le canton de Genève conclut que le boom de cette drogue est dû à l'arrivée de nouveaux dealers. Selon les données de la police, ces derniers proposent du crack «prêt à l'emploi» pour la modique somme de dix francs. Un caillou permet une inhalation. A différence des autres types de cocaïne que l'on sniffe ou que l'on s'injecte, le crack se fume.

Le Quai 9, à Genève. Suisse: la consommation de crack explose à Genève
Le Quai 9, à Genève.Image: KEYSTONE

Il est également possible de fabriquer soi-même son caillou de crack, une pratique courante dans les milieux de la drogue en Suisse. Pour cela, il faut brûler de la cocaïne, de la poudre à lever et de l'eau dans une cuillère. Cette procédure n'est pas nécessaire pour les doses «prêtes à l'emploi». Cela explique, avec le prix bas, leur succès à Genève, selon Thomas Herquel. Le directeur de l'association Première Ligne, qui gère le Quai 9, fait l'analogie suivante:

«On pourrait sans problème préparer un burger chez soi. Mais si on veut quelque chose rapidement, on se tourne plus volontiers et plus souvent vers un fast-food»

L'étude menée dans le canton de Genève a montré que les cailloux de crack vendus présentaient une «grande pureté». Les experts supposent par ailleurs que les produits vendus par les dealers pourraient être dosés de manière à ce que l'état de satisfaction s'évapore très rapidement.

La consommation de crack est de toute façon très brève. En effet, la cocaïne, absorbée par les poumons, déploie ses effets stimulants en quelques minutes. Mais cet effet disparaît tout aussi rapidement – et le besoin d'une nouvelle dose est immédiat.

Cet enchaînement de stimulations brèves et intenses a de graves conséquences, explique Thomas Herquel. Les toxicomanes en oublient de boire, de manger et de dormir.

«Je connais des personnes qui ont perdu 25 kilos en l'espace de deux semaines. D'autres ont passé quatre à cinq jours sans dormir»
Thomas Herquel

Dans ce contexte, le comportement agressif n'a rien d'étonnant, estime le travailleur social. Il rapporte également une «forte augmentation des phénomènes de violence» qui l'ont obligé à interdire de fumer du crack pendant la journée pour protéger le personnel du Quai 9.

Suisse: la consommation de crack explose à Genève
Un consommateur de crack au Brésil.Keystone

L'UDC zurichoise s'inquiète

Le boom du crack à Genève alimente les craintes jusqu'en Suisse alémanique. Se référant à la situation dans la cité de Calvin, deux parlementaires de l'UDC demandent au conseil municipal de Zurich d'empêcher «par tous les moyens» une propagation de la substance à Zurich, d'autant plus que les premiers cailloux circulent déjà à Lausanne. «Quand fera-t-elle son apparition à Zurich?», demandent les politiciens dans le postulat déposé en mars.

En fait, elle est déjà là. Interrogée à ce sujet, la ville de Zurich indique que les cailloux de crack sont consommés dans les centres de contact et d'accueil, tout comme des doses «faites maison». La situation est suivie de près, des mesures sont prises si nécessaire. Le conseil municipal s'exprimera de manière plus approfondie sur le sujet dans sa réponse au postulat.

A Lucerne aussi, les cailloux de crack prêts à l'emploi gagnent du terrain: «Le local de consommation est conçu de manière à ce que les utilisateurs consomment seulement du crack qu'ils ont eux-mêmes préparé», explique le responsable de la sécurité de la ville, Christian Wandeler.

«Mais les cailloux sont de plus en plus commercialisés, et seuls quelques consommateurs font désormais eux-mêmes la "cuisine"»
Christian Wandeler

L'une des conséquences de ces produits abordables et faciles à utiliser est que la consommation de crack «se fait de plus en plus dans l'espace public». En raison de l'évolution du comportement des consommateurs, la ville réexamine actuellement le concept de son centre d'accueil et de contact.

«Il est important de réagir immédiatement»

Selon les autorités, d'autres villes comme Berne et Saint-Gall n'ont jusqu'à présent pas connaissance de ventes de crack prêt à l'emploi. A Bâle aussi, les consommateurs préparent leur cocaïne fumable eux-mêmes. Difficile de prédire si cela va changer. En tout cas, la situation de départ n'est pas la même partout. A Berne, une modification du marché n'est pas à exclure. Mais comme les consommateurs mélangent depuis des années leur crack eux-mêmes, on ne s'attend pas à une «situation aussi difficile qu'à Genève».

Genève a en effet relativement peu d'expérience en matière de crack artisanal. Pendant longtemps, la scène de la drogue a été davantage marquée par l'héroïne et moins par la cocaïne, ce qui pourrait partiellement expliquer l'ampleur des problèmes actuels.

Thomas Herquel est néanmoins convaincu que les villes alémaniques feraient bien d'apprendre des difficultés rencontrées par Genève. «Il est important de réagir immédiatement, même si ça ne commence qu'avec quelques cailloux», explique l'expert en toxicomanie.

«A Genève, la réaction aurait dû être plus rapide»
Thomas Herquel

Il n'y a pas de recette miracle, selon Thomas Herquel. La distribution d'eau et de nourriture est tout de même un petit pas pour réduire les tendances de consommation. Un dortoir mis en place à Genève avec des places pour les consommateurs de crack s'est également montré efficace. Par ailleurs, il est important que la police intervienne dans le marché des dealers aussi fermement que possible.

Reste à savoir comment mieux gérer la situation à Genève pendant la journée. Thomas Herquel voit une solution dans la création d'un espace de consommation spécifique au crack. Cela permettrait d'éviter les conflits entre les toxicomanes de substances stimulantes et calmantes, comme l'héroïne. Le directeur de la santé publique genevois Pierre Maudet s'est toutefois déjà prononcé contre cette initiative. Le canton veut se donner jusqu'à l'automne pour développer une stratégie de lutte contre la drogue avec tous les acteurs concernés. D'ici là, l'été risque d'être chaud.

Traduit et adapté de l'allemand par Tanja Maeder

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