Au lendemain de la tempête à Dubaï, il fait grand beau et le ciel bleu donne cette impression que la veille n'était qu'un cauchemar pour ses habitants. Mais en regardant l'état des routes et de certains bâtiments, on réalise la vulnérabilité de cette ville si high-tech face aux catastrophes naturelles. Il a plu en 24 heures l'équivalent d'une année de précipitations. Les Emirats arabes unis n'avaient pas enregistré de telles pluies depuis 75 ans.
Les camions qui pompent l'eau ont massivement aidé à sécher certaines zones, mais d'autres endroits étaient encore sous l'eau, comme Mudon, un quartier prisé des expatriés. Difficile de savoir si on peut prendre sa voiture, moyen de transport indispensable pour la plupart des gens dans cette ville. On se renseigne auprès d'amis, on se partage une vidéo TikTok d'un animateur radio qui fait le point sur la situation, on tente de trouver la réponse sur les réseaux sociaux. Une chose est sûre, au lendemain du mardi 16 avril, Dubaï a la gueule de bois.
Sheikh Zayed Road, cette autoroute à sept voies qui traverse Dubaï et les Emirats, est la priorité des autorités. Plusieurs tronçons ont été fermés pendant trois jours et se sont transformés en terrain de jeux pour les habitants. Certains sont venus y promener leur chien, d'autres y ont fait du vélo, d'autres encore y ont joué au foot. Il fait doux et l'ambiance est bon enfant. Pour Mathilde, 30 ans, une Française qui vit depuis 8 ans à Dubaï, l'heure n'est pas à la rigolade.
En effet, quand il pleut à Dubaï, les gens reçoivent une alerte sur leur téléphone, même ceux qui n'ont pas un numéro local. Mais cette fois-ci, rien, comme si cette tempête avait pris tout le monde par surprise. «On savait qu'il allait pleuvoir, mais on ne s'attendait pas à ça», confirme Julie, une Suissesse de 37 ans. La veille de la tempête, elle s'amusait avec son mari à imaginer ce qu'ils emporteraient s'il y avait des inondations.
Sa maison, située à Jumeirah 1, quartier près de la mer, a été inondée.
Aux alentours de 13 heures, quand la deuxième vague frappe Dubaï, Julie et son mari s'affairent à vider les seaux d'eau qui se remplissent à vue d'œil.
Vers 18 heures, Julie quitte sa maison avec ses deux enfants et va se réfugier chez des amis qui habitent normalement à 20 minutes de chez elle. Elle mettra 3 heures. Un quart d'heure après son arrivée, le quartier est inondé, plus aucune voiture, même le plus gros des 4x4 ne peut passer.
Son mari est resté sur place pour sauver ce qu'il y avait à sauver si ça empirait. Il a par exemple demandé à des voisins de conserver les trois litres de lait maternel de sa femme dans leur congélateur. Mais quelques heures plus tard, c'est tout le quartier qui se retrouve sans électricité. Finalement, une amie viendra chercher le précieux lait.
Il faudra cinq jours pour que la maison de Julie sèche. Elle n'est pas propriétaire, mais elle harcèle l'agence immobilière pour qu'ils viennent réparer les dégâts. «On a des enfants en bas âge, on ne veut pas que ce soit insalubre.»
Célia, une Suissesse de 38 ans a acheté un appartement il y a quelques années et à cause de la tempête, elle a désormais des infiltrations d'eau. Emaar, promoteur immobilier de son immeuble et des principaux gratte-ciels dans le quartier de Downtown (le Burj Khalifa et le Dubai Mall, c'est lui), a annoncé qu'il allait réparer les dommages gratuitement.
Pourtant, Célia dont l'appartement est détrempé, a contacté Emaar par mail et selon le promoteur, ses dégâts sont considérés comme secondaires.
Marion, 37 ans, une Suissesse qui vit à Dubaï depuis une dizaine d'années, a carrément eu de nouveaux colocataires chez elle: «Je vis dans un compound construit par Emaar. Autour, il y a des petits lacs. Évidemment, tout a débordé. On s'est retrouvé avec des poissons dans notre piscine.» Elle a acheté une maison à Meadows, le premier quartier qui a été ouvert aux investisseurs étrangers.
Mais Marion affirme que pendant les inondations, elle n'a pas été abandonnée. Elle a tout de suite eu un contact chez Emaar et depuis, ils mettent les bouchées doubles pour nettoyer les parties communes.
Vendredi 19 avril, les routes sont pratiquement sèches. Il reste encore quelques tronçons sous l'eau et c'est toujours la croix et la bannière pour se rendre à Abu Dhabi. Certains endroits sont méconnaissables, comme le parc de Dubai Hills. Il a été transformé en lac si massif (et presque joli) qu'on dirait qu'il a toujours été là.
Un article de Gulf News du 19 avril met en garde contre les risques sanitaires liés à l'eau stagnante, notamment le choléra, la fièvre typhoïde et l'hépatite A. Des maladies qui, en l'absence de traitement, peuvent être mortelles.
Selon Avinash Babur, un courtier d'assurance des Émirats arabes unis interrogé par CNN, les dégâts causés par la tempête s'élèveraient à plusieurs milliards de dirhams (1 dirham = 0.25 fr). Il a déclaré que la situation actuelle présentait une opportunité pour Dubaï «de démontrer sa résilience et ses capacités de récupération rapide, similaires à sa gestion efficace pendant la pandémie de Covid-19.»
Dubaï a été l'une des premières villes à sortir du confinement. En novembre 2021, le pays est l'un des premiers à atteindre un taux de vaccination de 100%. Il ne serait donc pas étonnant de voir la ville et les Emirats rebondir après ce mémorable 16 avril. En 2023, le Sheikh Hamdan, prince héritier de Dubaï (il est l'un des trois Sheikh des Emirats) a approuvé un plan d'assainissement de 22 milliards de dollars sur 100 ans.