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Faut-il supprimer les notes à l'école? «C'est du temps perdu»

Faut-il supprimer les notes?
Les notes vont-elles être supprimées? Les spécialistes refusent cette hypothèse.Image: watson

Faut-il supprimer les notes en Suisse? «C'est du temps perdu»

Le système de notation anime depuis longtemps les débats en Suisse. Lucerne a remis une pièce dans la machine en annonçant la suppression des évaluations pour la rentrée 2025. Une solution qui est loin de convaincre les spécialistes.
20.05.2024, 18:4520.05.2024, 22:39
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C'est l'éternel débat qui fait rage dans les milieux scolaires et politiques. Faut-il arrêter de noter les élèves en Suisse? La thématique brûlante s'est même étendue jusqu'à Economiesuisse et l'Union patronale. Les deux entités de droite se sont pour la première fois exprimées par le biais d'un rapport publié en février de cette année, explorant l'idée d'une refonte du système actuel.

«Les bulletins scolaires ne fournissent pas assez d’informations pertinentes et ne sont pas comparables»

A la suite de cette publication, le débat a été si vif que l'organisation patronale suisse a dû rappeler qu'elle était «contre la suppression des notes» dans un texte daté du 18 avril.

Ce printemps, la ville de Lucerne, aux habitudes pourtant conservatrices, a sauté le pas en annonçant une suppression des notes, écrivait le Tages Anzeiger. Le quotidien alémanique rapporte qu'à partir de l'été 2025, les 19 écoles primaires de la ville introduiront le «concept de cadre d'évaluation». Les détails de celui-ci restent pour le moment nébuleux.

Ce changement lucernois relance forcément le débat dans le reste de la Suisse. Alors, abandonner les notes à l'école est-ce vraiment une bonne idée? Interrogé par nos soins, Raphaël Pasquini, professeur associé à la HEP Vaud, explique:

«Cela dépend: le problème est moins la note que la façon dont elle est construite. Quand la note se base sur des éléments qui ne sont pas toujours en rapport avec ce qui a été appris, quand elle est élaborée en comparant les scores des élèves ou à l’aide de barèmes standardisés, elle ne communique rien d’intéressant à part un chiffre. C’est malheureusement souvent le cas. En revanche, si elle se base sur des critères explicites, avec des barèmes en cohérence avec l’enseignement dispensé, elle permet de montrer ce qui est réussi et ce qui doit encore être travaillé. Elle devient alors un outil de communication clair et cohérent.»

Les pédagogues interrogés soulignent les problèmes rencontrés lors des évaluations étalées sur l'année. «Certains élèves sont scolaires et réussissent à obtenir un bulletin de notes avantageux, renseigne une enseignante, alors que de l'autre, des élèves ont plus de peine, mais se révèlent être très doués dans une autre branche».

Le président du Syndicat des Enseignants romands (SER), David Rey, indique que «la thématique des notes est un vieux serpent de mer qui revient régulièrement avec des tentatives d’adaptation».

«Au final, il (réd: le sytème) n’évolue pas vraiment parce qu’il est bien ancré et accepté par la majorité des acteurs»
David Rey

Il reconnaît toutefois que le processus nécessite «des adaptations afin de correspondre aux besoins actuels ainsi qu’à l’idée de réduire le facteur stress au mieux.»

«La formule de l’annualisation (réd: une note unique est attribuée en fin d'année, les évaluations menées en classe n'ont qu'une valeur indicative) des notes est une des pistes proposées qui permettrait notamment de réduire le facteur stress et mieux vérifier l’évolution des compétences sans devoir faire face aux exigences de calendrier parfois absurdes.»
David Rey

Ces exigences de calendrier existent, par exemple, pour le Français et les Maths. Entre 8 et 12 notes doivent être compilées sur l'année rien que pour ces deux branches. Selon une enseignante vaudoise interrogée:

«C'est chronophage et c'est tout simplement du temps perdu»
Une enseignante vaudoise

«Une école sans note ne dégagera pas du temps pour les enseignants. Bien au contraire», tempère David Rey. A ses yeux, individualiser l'analyse des résultats risque bien de complexifier et d'augmenter la tâche de l’évaluation pour les enseignants.

«Penser que l’on peut enseigner, éduquer et en plus évaluer individuellement n’est tout simplement pas possible dans le système actuel. Il faudrait pour cela diminuer les effectifs ou opter pour un système de co-enseignement, par exemple.»
David Rey

Interrogée à ce sujet, la Secrétaire générale de l'Association vaudoise des parents d'élèves (APE Vaud), Christine Müller, assure avoir milité pour une diminution des évaluations.

«Les parents mettent pas mal de pression concernant les notes. Dans la tête des gens, il faut être le meilleur pour avoir une chance de réussir. C'est un prolongement de notre société très compétitive.»
Christine Müller

Christine Müller regrette également «l’hyperfocalisation qui est parfois faite sur les notes et qui peut amener à douter de l’avenir des enfants, peut-être encore davantage pour ceux qui ont des besoins particuliers. Je l’ai personnellement vécu avec mon enfant lors de son cursus scolaire. Cela a été très difficile, mais maintenant, il est très bien dans ses baskets, il s’épanouit et réussit dans son apprentissage.»

«Parfois les notes, ça ne correspond pas à la réalité. Ça ne mesure pas toujours l’acquisition réelle des compétences à long terme»
Christine Müller

Pour autant, l'abandon des notes ne serait pas le remède à tous les maux du milieu scolaire, affirme Raphaël Pasquini de la HEP:

«Toutes les réformes qui les ont supprimées (réd: les notes) à large échelle ont échoué. De plus, la recherche montre que délaisser les notes n’a pas que des bénéfices: le stress de certains élèves augmente, la communication avec les parents devient plus compliquée, certains enseignants ne savent plus comment juger les apprentissages des élèves.»
Raphaël Pasquini

Le spécialiste affirme qu'introduire des alternatives aux notes, par exemple des couleurs ou des signes, ne réglerait pas le problème. «Les enseignants procéderaient de la même manière qu’avec des notes chiffrées».

Face à la résistance des milieux scolaires, l'exemple de Lucerne sera un bon baromètre: «Cela va être intéressant, c'est une expérience grandeur nature», déclare, intriguée, Christine Müller.

Du côté du syndicat des enseignants, David Rey nuance:

«Le processus mis en place par la Ville de Lucerne n’apporte à mon sens pas grande information. On ne sait même pas exactement comment cela va être intégré»
David Rey

La fin des devoirs plutôt que l'abandon des notes?

Afin de remédier aux soucis de certains élèves, Christine Müller avance une autre idée qui anime le débat pédagogique actuellement: la fin pure et simple des devoirs à domicile. La Secrétaire générale de l'APE Vaud développe:

«Les devoirs devraient être préparés en classe et pouvoir être réalisés de manière autonome par l’enfant. Mais ce n’est souvent pas le cas et les parents doivent donc aider leur enfant. Or, certains le peuvent et d’autres pas. Cela crée pas mal d’inégalités.»

Christine Müller rappelle: «les devoirs et les tests sont souvent pour les parents la seule manière de voir ce que leur enfant fait à l’école. Il y a des enfants qui ne racontent pas grand-chose de ce qu'il se passe dans leur classe.»

Que fait-on en Suisse contre le harcèlement scolaire ?
Video: watson
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