C'est l'éternel débat qui fait rage dans les milieux scolaires et politiques. Faut-il arrêter de noter les élèves en Suisse? La thématique brûlante s'est même étendue jusqu'à Economiesuisse et l'Union patronale. Les deux entités de droite se sont pour la première fois exprimées par le biais d'un rapport publié en février de cette année, explorant l'idée d'une refonte du système actuel.
A la suite de cette publication, le débat a été si vif que l'organisation patronale suisse a dû rappeler qu'elle était «contre la suppression des notes» dans un texte daté du 18 avril.
Ce printemps, la ville de Lucerne, aux habitudes pourtant conservatrices, a sauté le pas en annonçant une suppression des notes, écrivait le Tages Anzeiger. Le quotidien alémanique rapporte qu'à partir de l'été 2025, les 19 écoles primaires de la ville introduiront le «concept de cadre d'évaluation». Les détails de celui-ci restent pour le moment nébuleux.
Ce changement lucernois relance forcément le débat dans le reste de la Suisse. Alors, abandonner les notes à l'école est-ce vraiment une bonne idée? Interrogé par nos soins, Raphaël Pasquini, professeur associé à la HEP Vaud, explique:
Les pédagogues interrogés soulignent les problèmes rencontrés lors des évaluations étalées sur l'année. «Certains élèves sont scolaires et réussissent à obtenir un bulletin de notes avantageux, renseigne une enseignante, alors que de l'autre, des élèves ont plus de peine, mais se révèlent être très doués dans une autre branche».
Le président du Syndicat des Enseignants romands (SER), David Rey, indique que «la thématique des notes est un vieux serpent de mer qui revient régulièrement avec des tentatives d’adaptation».
Il reconnaît toutefois que le processus nécessite «des adaptations afin de correspondre aux besoins actuels ainsi qu’à l’idée de réduire le facteur stress au mieux.»
Ces exigences de calendrier existent, par exemple, pour le Français et les Maths. Entre 8 et 12 notes doivent être compilées sur l'année rien que pour ces deux branches. Selon une enseignante vaudoise interrogée:
«Une école sans note ne dégagera pas du temps pour les enseignants. Bien au contraire», tempère David Rey. A ses yeux, individualiser l'analyse des résultats risque bien de complexifier et d'augmenter la tâche de l’évaluation pour les enseignants.
Interrogée à ce sujet, la Secrétaire générale de l'Association vaudoise des parents d'élèves (APE Vaud), Christine Müller, assure avoir milité pour une diminution des évaluations.
Christine Müller regrette également «l’hyperfocalisation qui est parfois faite sur les notes et qui peut amener à douter de l’avenir des enfants, peut-être encore davantage pour ceux qui ont des besoins particuliers. Je l’ai personnellement vécu avec mon enfant lors de son cursus scolaire. Cela a été très difficile, mais maintenant, il est très bien dans ses baskets, il s’épanouit et réussit dans son apprentissage.»
Pour autant, l'abandon des notes ne serait pas le remède à tous les maux du milieu scolaire, affirme Raphaël Pasquini de la HEP:
Le spécialiste affirme qu'introduire des alternatives aux notes, par exemple des couleurs ou des signes, ne réglerait pas le problème. «Les enseignants procéderaient de la même manière qu’avec des notes chiffrées».
Face à la résistance des milieux scolaires, l'exemple de Lucerne sera un bon baromètre: «Cela va être intéressant, c'est une expérience grandeur nature», déclare, intriguée, Christine Müller.
Du côté du syndicat des enseignants, David Rey nuance:
Afin de remédier aux soucis de certains élèves, Christine Müller avance une autre idée qui anime le débat pédagogique actuellement: la fin pure et simple des devoirs à domicile. La Secrétaire générale de l'APE Vaud développe:
Christine Müller rappelle: «les devoirs et les tests sont souvent pour les parents la seule manière de voir ce que leur enfant fait à l’école. Il y a des enfants qui ne racontent pas grand-chose de ce qu'il se passe dans leur classe.»