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Ferroutage: la Suisse s'attend à «des défis majeurs»

Pourquoi «100 000 camions de plus» risquent de débouler en Suisse

La fin du ferroutage et la restructuration de CFF Cargo vont entraîner une augmentation du nombre de camions sur les routes suisses. Le trafic transalpin pourrait bientôt franchir la barre du million.
09.07.2025, 05:3209.07.2025, 05:32
De nombreux camions font le transit � travers les Alpes suisses � bord d'un train (Archives).
Des camions sur un train? C'est le ferroutage ou chaussée roulante.Keystone
Gerhard Lob
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C'est l'un des piliers de la politique suisse des transports: le transfert du trafic poids lourd transalpin de la route au rail. Depuis l'acceptation de l'initiative des Alpes en votation populaire il y a un peu plus de 30 ans, l'article 8, alinéa 2, de la Constitution fédérale stipule que «le trafic de marchandises à travers les Alpes de frontière à frontière s'effectue par le rail». Et la loi sur le transfert du trafic fixe un plafond de 650 000 trajets par an, «à atteindre au plus tard deux ans après la mise en service du tunnel de base du Gothard».

Cela ayant eu lieu en décembre 2016, l'objectif aurait dû être atteint fin 2018. Le peuple suisse a financé le percement du tube à hauteur de dizaines de milliards dans le cadre du projet des Nouvelles lignes ferroviaires alpines (NLFA), en premier lieu comme mesure visant à amener le trafic marchandises vers le rail.

Or, la réalité ne correspond pas à la loi. Près de 70% des marchandises passent certes par le rail à travers les Alpes. Une très bonne valeur, surtout en comparaison avec l'Autriche. La Suisse reste cependant encore loin du but. Selon les chiffres de l'Office fédéral de la statistique, 960 000 camions ont franchi la barrière alpine l'an dernier. Après plusieurs années de recul, on constate une inversion de tendance depuis 2020. La présence de poids lourds s'accroît ainsi à nouveau sur les axes transalpins. Entre 2023 et 2024, on enregiste +4,8%. En 2023, il y avait encore 916 000 camions.

Et rien ne laisse présager un gros chamboulement. Il faut s'attendre à franchir prochainement le cap du million de passages de poids lourds. L'arrêt anticipé de la chaussée roulante à la fin 2025 entre Fribourg-en-Brisgau (Allemagne) et Novare (Italie) via la Suisse aura des conséquences. A cela s'ajoute la restructuration de CFF Cargo, qui entraînera la fermeture de huit des dix points de chargement. L'offre de transport combiné (TC) sera ainsi réduite dans des activités intérieures hautement déficitaires ou concentrée sur la ligne Dietikon (ZH) - Stabio (TI). Chez Pro Alps, le nouveau nom de l'initiative des Alpes, on s'inquiète:

«Nous tablons sur environ 100 000 camions supplémentaires sur les routes suite à ces deux décisions»
Nara Valsangiacomo, présidente de Pro Alps

De facto, la chaussée roulante a jusqu'à présent transporté près de 80 000 camions par an en chargement ferroviaire à travers la Suisse. Responsable de Ralpin, l'exploitant de la chaussée roulante, Ludwig Näf ne s'attend toutefois pas à ce que tous les véhicules passent à l'avenir par la Suisse:

«Une partie choisira d'autres voies, par exemple via le col du Brenner ou la France»

Chez CFF Cargo, on s'attend à 25 000 camions supplémentaires sur les routes en raison de la restructuration.

L'Office fédéral des transports (OFT) tente de relativiser. Selon lui, la chaussée roulante a servi à en moyenne 140 véhicules par jour depuis le début de l'année. Près de 16 500 circulent chaque jour sur l'A2, dont 15% de véhicules lourds contenant des marchandises. Cela correspond à 2475 camions.

«Dans le cas improbable où tous ceux de la chaussée roulante passeraient sur l'A2, cela signifierait environ 0,85% de trajets supplémentaires et 5,5% de poids lourds en plus.»
Michael Müller, porte-parole de l'OFT

Cette charge en plus n'aurait d'effets mesurables ni sur la sécurité routière, ni sur le tourisme, ni sur les coûts d'infrastructure et d'entretien.

Malgré tout, on peut se demander si la politique de transfert se situe à un tournant, ou même si elle a déjà échoué? Le porte-parole refuse d'aller aussi loin, même s'il reconnaît «des défis majeurs». Les raisons sont bien connues, notamment les problèmes sur les voies d'accès nord de la NLFA, c'est-à-dire sur l'axe Karlsruhe-Bâle. Des retards d'aménagement et de nombreux chantiers sur l'infrastructure existante entravent l'exploitation à ce niveau. Cela se répercute sur la ponctualité et la fiabilité. Une fois ces goulets d'étranglement supprimés, cela aura, selon l'OFT, une influence positive sensible sur les chiffres du transfert modal.

Il faudra Néanmoins faire preuve de patience. Le gestionnaire allemand du réseau, DB Infra Go, a laissé entrevoir à l'OFT des «améliorations» avant 2030, poursuit Michael Müller.

Mais il n'y a pas que les problèmes d'infrastructure. Le marasme économique en Allemagne a également des effets. Il a réduit la demande de transport de marchandises en général, ce qui a fait baisser les prix du transport routier. Ce dernier est donc désormais plus attractif pour les entreprises par rapport au ferroviaire ou au transport combiné. Dans le secteur, de nombreux chauffeurs d'Europe de l'Est travaillent pour des salaires de misère. Et cela ne se limite pas à l'Allemagne. Dans un rapport spécial sur le sujet, la Cour des comptes européenne a conclu en 2023 que «l'UE est encore loin d'une sortie complète du transport de marchandises de la route».

C'est en tout cas avec une grande inquiétude que l'entreprise Hupac constate un transfert persistant vers la route. A l'occasion de son assemblée annuelle 2025, elle a exigé des contre-mesures fermes pour inverser la vapeur. Basée à Chiasso, Hupac effectue des transports combinés dans toute l'Europe, c'est-à-dire qu'elle achemine des conteneurs et des semi-remorques entre le nord et le sud de l'Europe avec des trains de marchandises via la Suisse.

La RPLP sera développée

La redevance sur le trafic des poids lourds liée aux prestations (RPLP) joue également un rôle important dans la politique suisse de transfert du trafic, en tant que système d'incitation. Depuis 2001, la Confédération perçoit la RPLP pour tous les trajets de véhicules destinés au transport de marchandises et de personnes de plus de 3,5 tonnes sur le réseau routier suisse. Fin mai 2025, le Conseil fédéral a présenté le développement de la RPLP. Il est prévu de reclasser certaines catégories d'émissions dans une catégorie plus chère et d'inclure les camions à propulsion électronique à partir de 2029, avec un système de rabais jusqu'en 2035.

Jusqu'à présent, les camions électriques sont exonérés de la RPLP. Avec cette nouveauté, le Conseil fédéral veut s'assurer que le trafic lourd continue à supporter ses coûts et que le transfert du transport de marchandises sur le rail soit soutenu à l'avenir également. Une augmentation générale de la RPLP, comme le demandent certains parlementaires, n'est pas prévue. Les taux maximaux de la RPLP sont fixés dans l'accord sur les transports terrestres conclu avec l'UE. Il y a quelques jours, la commission des transports et des télécommunications du Conseil national est entrée en matière à l'unanimité sur le projet.

Traduit et adapté par Valentine Zenker

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