Pas de blockbusters et pas de pop-corn. Les salles de cinéma helvétiques font face à une drôle d'équation pour leur réouverture. «Je suis curieux de savoir ce qu'ils vont programmer pour tenter d'attirer les gens», souligne Charles-Antoine Courcoux, historien du cinéma, à l'Université de Lausanne.
L'ensemble des grosses productions américaines ayant été mises au frigo le temps de la pandémie, la situation est très particulière pour les exploitants suisses. Surtout que les sorties françaises sont, elles aussi, en pause, les salles hexagonales restant pour le moment fermées.
«Certains blockbusters sont tellement coûteux à produire que les studios ne prennent pas le risque de ne pas rentrer dans leurs frais. Ils ont besoin que les cinémas américains, mais aussi ceux du reste du monde, soient ouverts», analyse Charles-Antoine Courcoux.
Les grosses sorties seront donc rares avant l'été mais elles devraient s'accélérer en juillet-août puis à l'automne:
Pas de quoi abattre Daniel Chaignat, administrateur du Cinématographe, à Tramelan (BE), l'un des plus vieux cinémas de Suisse. Une diffusion d'Adieu les Cons, primé aux derniers Césars, est d'ailleurs prévue dès ce lundi soir. «Depuis le temps qu'on attend, on saute sur la première occasion, c'est un peu la fête», rigole-t-il tout en précisant que la séance, exceptionnellement gratuite, est déjà complète.
S'il reconnait que les blockbusters sont habituellement la locomotive financière du cinéma, Daniel Chaignat voit dans l'absence de ceux-ci l'occasion de mettre en avant d'autres films, moins connus. «Et ce serait embêtant de passer un James Bond avec seulement 50 personnes dans la salle», pointe-t-il.
Du côté de Cinérive qui gère six cinémas, notamment à Orbe (VD), Vevey (VD), Montreux (VD) et Monthey (VS), Laurence Gammuto souligne le pouvoir d'attraction des grosses productions américaines. «Cette semaine, on a dix sorties mais ce sont des films moins connus. C'est plus difficile pour nous.»
Pas de quoi la décourager pour autant. «On sent quand même une attente, les gens ont envie de revenir parce qu'il ne se passe pas grand-chose d'autre.» Directeur de publication du magazine suisse Daily Movies, Carlos Mühlig approuve: «Le public est tellement désespéré de cinéma que certains vont se lâcher et aller voir des films par simple curiosité.»
À ses yeux, les semaines à venir serviront de période de test pour les distributeurs qui attendent d'avoir un retour réel sur les fréquentations avant de lancer leurs grosses productions dans la bataille. Mais alors, qu'est-ce que le critique nous recommande d'aller voir d'ici là?