Vous êtes devant le rayon viande du supermarché, à la recherche d'un beau filet mignon de porc pour le repas de Noël. La viande doit être suisse, ça vous tient à cœur. Vous avez le choix entre le produit de fabrication traditionnelle (1,60 francs/100 grammes), le produit labellisé Naturafarm (2,55 francs/100 grammes) ou la viande bio (4,85 francs/100 grammes). Par viande labellisée, on entend la viande d'animaux élevés selon les directives d'IP Suisse, de Naturafarm, de Weidebeef ou d'autres labels pour le bien-être animal. Leurs exigences vont au-delà de la loi sur la protection des animaux. Que choisissez-vous?
Le prix reste le principal critère d'achat pour la majorité de la clientèle. Sachant qu'il faut payer trois fois plus pour un produit carné biologique que pour un produit issu de l'élevage traditionnel, ce critère est compréhensible. Ainsi:
Même discours chez Coop: certes, «les dévalorisations sont rares», mais même chez le deuxième plus grand détaillant de Suisse, la viande labellisée Naturafarm se retrouve dans les rayons réfrigérés au prix de la viande issue de l'élevage traditionnel.
Cet argument a été avancé à plusieurs reprises lors du débat sur l'initiative sur l'élevage intensif au Conseil national la semaine dernière. Le conseiller national tessinois centriste Fabio Regazzi a déclaré:
Les chiffres de l'Union suisse des paysans confirment cette affirmation: selon l'espèce animale, 60 à 95% des bêtes vivent dans des étables particulièrement respectueuses des animaux (SST) et 40 à 85% bénéficient de sorties régulières en plein air (SRPA). La part des labels dans la vente varie en revanche entre 10 et 40%. SST et SRPA sont des programmes de subventions directes de la Confédération et ne sont pas assimilables à des labels. Mais ils sont considérés comme des critères d'admission pour la plupart des labels. Ainsi, les agriculteurs qui produisent selon les normes IP-Suisse doivent, par exemple, participer à la fois au programme SRPA et au programme SST.
L'Union des paysans voit deux raisons à la demande trop faible de viande labellisée:
En d'autres termes, le client décide d'acheter de la viande issue d'un élevage particulièrement respectueux des animaux, mais il se ravise ensuite devant le rayon – sans doute aussi en raison des prix nettement plus élevés.
Pour les agriculteurs, il est frustrant «de vouloir répondre à un prétendu besoin de la population» et de devoir malgré tout vendre la viande au prix conventionnel «parce que les gens ne s'y intéressent pas assez», écrit l'Union des paysans.
Raphael Helfenstein fait le même constat. Cet agriculteur lucernois est spécialiste du marché chez Suisseporcs, l'association suisse des éleveurs et producteurs de porcs:
La marge des détaillants, beaucoup plus élevée pour la viande labellisée que pour la viande traditionnelle, est également responsable de cet état de fait. Helfenstein estime qu'il y a un retard à rattraper au niveau de l'emballage et de l'étiquetage des produits:
Selon lui, les propositions des représentants de la branche n'ont pas eu beaucoup de succès jusqu'à présent.
Une étude de la Protection des animaux Suisse datant de 2020 a examiné de plus près les marges sur les produits carnés. Elle arrive à la conclusion suivante: les marges sont très élevées, surtout pour la viande labellisée et bio:
Ce constat met les détaillants dans l'embarras. «Les assortiments de viande produits de manière durable et respectueuse des animaux ne sont pas injectés de manière attractive sur le marché», affirment les auteurs de l'étude. Ils concluent:
L'étude fait référence à ce que l'on appelle la «part du producteur», c'est-à-dire la part du prix de vente qui revient, au final, à l'agriculteur. Alors que les producteurs labellisés et bio bénéficient certes de subventions directes plus élevées de la part de la Confédération, leur part en tant que producteur est nettement plus faible que pour la viande produite de manière traditionnelle.
Ainsi, un éleveur de bovins qui respecte les directives bio reçoit tout juste un tiers du prix de vente. En revanche, une exploitation conventionnelle reçoit plus de la moitié du prix de vente. La question se pose donc de savoir si c'est finalement le commerce de détail qui profite des subventions de la Confédération. (saw/ch media)
Traduit de l'allemand par Anaïs Rey