Ce dimanche, Helene Budliger Artieda, secrétaire d’Etat suisse à l’économie, s’est envolée pour Washington. Sollicité par les médias, le Secrétariat d’Etat à l’économie (Seco) l'a confirmé: tous les canaux sont activés pour entrer en contact avec les autorités américaines. D’ici mercredi, Helene Budliger doit enchaîner les rendez-vous, avec pour objectif de «clarifier la position de la Suisse auprès de nos partenaires aux Etats-Unis et dissiper d’éventuels malentendus».
Elle prépare également la venue prochaine du ministre de l’Economie, Guy Parmelin, et de la présidente de la Confédération, Karin Keller-Sutter. Tous deux participeront fin avril aux réunions de printemps du Fonds monétaire international et de la Banque mondiale. Ils espèrent pouvoir y rencontrer des responsables américains de haut niveau – dans le meilleur des cas, Donald Trump lui-même. Pour Helene Budliger, c’est donc l’heure du porte-à-porte diplomatique.
Le Conseil fédéral, de son côté, continue de privilégier la discrétion. Samedi, dans une interview accordée à La Liberté, Karin Keller-Sutter appelait à garder son sang-froid:
Plus facile à dire qu’à faire. Deux mois et demi après le retour de Trump à la Maison-Blanche, ni la présidente de la Confédération, ni le ministre des Affaires étrangères Ignazio Cassis, ni Guy Parmelin n’ont encore réussi à établir un lien direct avec le premier cercle du président. Karin Keller-Sutter affirmait jeudi qu’il n’y avait «jusqu’ici aucune raison d’appeler Donald Trump», ajoutant qu’«au téléphone, on ne peut pas discuter de grand-chose».
Ignazio Cassis n’a pas non plus eu de contact avec son homologue américain, le secrétaire d’Etat Marco Rubio. Il faut dire que depuis la purge menée par Elon Musk dans l’administration américaine – surnommée le «massacre à la tronçonneuse» –, c’est la confusion la plus totale. Les canaux diplomatiques habituels sont en grande partie inopérants. Même les «bons offices» que la Suisse fournit depuis des décennies aux Etats-Unis en Iran n’ont, jusqu’à présent, servi à rien.
Quelques jours après l’annonce de la hausse des droits de douane, le constat s’impose: le Conseil fédéral a été pris de court par la brutalité des mesures imposées par Donald Trump. Sauf improbable revirement, les nouvelles taxes douanières entreront en vigueur mercredi. A partir de là, chaque couteau suisse, chaque montre, chaque pièce mécanique exportée vers les Etats-Unis coûtera 31% plus cher. C’est le niveau des nouveaux tarifs douaniers. Pire: les produits suisses seront bien plus chers que ceux de leurs concurrents européens, qui écopent de droits de douane limités à 20%.
A Berne, on s’était visiblement laissé bercer par les propos rassurants tenus par Washington. On croyait la Suisse à l’abri, précisément parce qu’elle n’est pas membre de l’Union européenne – la bête noire de Trump et de son vice-président J.D. Vance. La visite à Berne, en mars, de six membres du Congrès américain, accueillis notamment par Ignazio Cassis et Guy Parmelin, avait encore renforcé l’idée que malgré la tempête à Washington, les affaires entre la Suisse et les Etats-Unis suivaient leur cours normal.
D’autant que les arguments helvétiques semblent solides: la Suisse est le sixième investisseur étranger aux Etats-Unis, numéro un mondial en recherche et développement, créatrice de centaines de milliers d’emplois bien rémunérés. Par ailleurs, 99% des produits américains entrent sur le marché suisse en franchise de droits de douane. Même Donald Trump devrait comprendre cela: du moins, c'est ce qu'on pensait.
Mais non. Pour le calcul des droits de douane, Donald Trump a appliqué à la Suisse la même formule – jugée absurde par la majorité des économistes – qu’à tous les autres pays. Résultat: une gifle économique. Pour le Conseil fédéral, c’est un réveil brutal. Et tardif.
Il semble très improbable qu'Helene Budliger parvienne à inverser la tendance d’ici mercredi. Lors de sa dernière visite à Washington, il y a moins de trois semaines, elle a déjà multiplié les rendez-vous – notamment avec le chef de cabinet du représentant au commerce Jamieson Greer. Mais il s’est avéré que ces interlocuteurs ne faisaient pas partie du petit cercle qui a préparé la décision sur les droits de douane.
Dès lors, obtenir pour Karin Keller-Sutter un tête-à-tête avec Donald Trump en marge du sommet de Bretton Woods qui aura lieu fin avril s’annonce très compliqué. D’autant que des dizaines d’autres chefs d’Etat et de gouvernement convoitent cette entrevue. Si la Suisse parvient à obtenir ce rendez-vous, ce serait déjà un succès diplomatique en soi.
Traduit et adapté de l'allemand par Tanja Maeder