En vertu de la Constitution fédérale, les Eglises jouissent du droit de régler elles-mêmes leurs affaires internes. Cela se fait par le biais du droit ecclésiastique, qui existe parallèlement au droit étatique.
Ce qui fait de l'Eglise une institution à part. Andreas Thier, professeur de droit ecclésiastique à l'Université de Zurich, explique:
Le droit de l'Eglise catholique romaine est également connu sous le nom de droit canonique. L'ordinaire, dans la plupart des cas l'évêque, est tenu d'ouvrir une enquête préliminaire dès qu'il a connaissance d'un probable délit de droit canonique.
Une fois l'enquête préliminaire terminée, pour certains délits – notamment les soupçons d'abus sexuels sur mineurs – et quel que soit le résultat de l'enquête, l'ensemble du dossier doit être transmis au Dicastère pour la doctrine de la foi. Le dicastère est une autorité de l'Eglise catholique romaine. Celle-ci poursuit la procédure et peut également, le cas échéant, prononcer une sanction.
Dans d'autres cas, l'ordinaire peut décider lui-même d'entamer un procès ou au contraire d'émettre un décret pénal extrajudiciaire.
Andreas Thier précise:
Le jugement final est rendu par un tribunal ecclésiastique.
Mais tous les cas d'abus ne sont pas portés devant le Dicastère pour la doctrine de la foi, c'est-à-dire l'autorité ecclésiastique compétente. Andreas Thier continue:
Mais que se passe-t-il si aucune plainte n'est déposée et que l'affaire est traitée en interne par l'Eglise? «En cas d'abus sexuel, l'auteur risque d'être démis de ses fonctions, de perdre son statut de clerc et d'être excommunié de l'Eglise», explique Andreas Thier. Il s'agit de la peine maximale prévue par le droit canonique.
Des accusations selon lesquelles le droit canonique protégerait les membres du clergé coupables de délits sexuels ont été lancées de divers côtés.
Selon Andreas Thier, le droit pénal canonique a longtemps donné à l'ordinaire une très grande marge de manœuvre pour décider d'engager une procédure pénale ou même d'infliger une peine. «Mais cela a de plus en plus changé», ajoute le professeur de droit:
Y a-t-il un moment où la justice de l'Etat doit être informée? «Le droit laïc ne prévoit pas d'obligation générale d'informer. C'est pourquoi les règles ecclésiastiques, qui fixent justement ce devoir d'information, sont importantes. Elles ont été édictées entre autres par la Conférence des évêques et l'Association des Supérieurs Majeurs de Suisse.»
Pourtant, le système juridique laïc n'intervient souvent pas dans les cas d'abus sexuels au sein de l'Eglise. Selon Andreas Thier, différents facteurs interviennent:
Le professeur à l'Université de Zurich ajoute: «La réputation locale des responsables ecclésiastiques a probablement contribué en partie à la formation d'un mur de silence. Mais comme dans le contexte du droit laïc, la honte et le traumatisme empêchent également les victimes de dénoncer les coupables.»
Or, plus de 1000 cas ont désormais été rendus publics. La justice étatique peut-elle maintenant agir de son propre chef? Andreas Thier répond: «Je dirais que oui. Les règles du code de procédure pénale s'appliquent également aux responsables de l'Eglise catholique romaine.»
Interprété de l'allemand par Tanja Maeder