A l'ère des réseaux sociaux, les choses prennent parfois une dynamique effrayante: des détails sont exploités dans la campagne électorale et une tempête de critiques se déclenche.
Elias Erne en a fait récemment l'expérience. Ce candidat de la Jeunesse socialiste, âgé de 20 ans, a indiqué sur la liste électorale qu'il était «bénéficiaire de l'aide sociale». Cela correspond à sa situation: il ne peut actuellement ni travailler ni étudier pour des raisons de santé et se trouve depuis quelques semaines en traitement à l'hôpital. Mais «bénéficiaire de l'aide sociale» reste quand même une désignation de profession inhabituelle et suscite la curiosité – et des critiques.
Vivienne Huber, candidate des Jeunes UDC, en a profité pour s'en prendre aux Jeunes socialistes. Sa publication sur le réseau social X, ex-Twitter, a été vue plus de 40 000 fois, et parmi les presque 90 commentaires, on retrouve les propos attendus tels que «pour moi, il est tout simplement une personne paresseuse» ou «inapte à la politique».
Wie finanziert man eigentlich ein Wahlkampf ohne Job liebe Juso? 😂 pic.twitter.com/w80ZkYo0QQ
— Vivienne Huber (@vivienne_huber) August 15, 2023
Comme d'habitude, certains oublient de réfléchir aux raisons qu'Elias Erne a pu avoir lorsqu'il a choisi de se désigner ainsi. A-t-il simplement voulu faire de la provocation? Pourrait-il assumer les responsabilités de conseiller national dans sa situation actuelle?
Ces dernières semaines, des journaux nationaux ont courtisé Elias Erne; une journaliste a même sonné à sa porte à l'improviste, chez lui à Suhr (AG). Il a consenti à une rencontre à Aarau, dans un cadre verdoyant et calme.
Sa co-candidate Zoe Sutter est là pour le soutenir. Elle est en tête de la liste électorale de la Jeunesse socialiste, alors qu'Elias Erne est en 15e et dernière position. Il dit avoir délibérément demandé cette position lorsqu'il a accepté de se porter candidat, justement parce qu'il n'est actuellement pas en bonne santé.
Il était conscient qu'il provoquerait des réactions en indiquant «bénéficiaire de l'aide sociale». Il veut déstigmatiser le sujet, dit-il. Selon les données de la Confédération, environ 3% de la population du pays bénéficie de l'aide sociale. Ces personnes sont sous-représentées en politique, regrette Elias Erne.
Elias Erne évoque les préjugés, les personnes qui ne se posent pas de questions critiques, le manque de compréhension. Il n'aime pas trop entrer dans les détails lorsqu'on l'interroge sur ses propres expériences auprès des services sociaux. Mais il souligne: «On vous fait clairement comprendre que vous êtes un quémandeur», dit-il.
Lors de l'entretien, Elias Erne choisit ses mots avec soin et essaie d'être aussi précis que possible. Lorsqu'il parle de sujets dont il se sent sûr, il expose son point de vue de manière claire et précise. Pour ceux qu'il ne connaît pas suffisamment, il admet son ignorance et ne se prononce pas à ce sujet. Les militants de la Jeunesse socialiste le décrivent comme quelqu'un de très intelligent, qui lit beaucoup, qui partage volontiers des explications et avec qui on aime questionner le monde.
A l'école, ce sont plutôt les matières scientifiques qui étaient son point fort, comme il le raconte. Il a grandi dans le sud du canton d'Argovie et a dû abandonner le gymnase en raison de ses problèmes de santé. Il a déménagé dans la région d'Aarau, car c'est là que résident nombre de ses contacts sociaux. Il dit s'être intéressé très tôt à la politique.
A seize ans, il est devenu membre des Jeunes socialistes.
Selon Elias Erne, la Jeunesse socialiste tient à ce que la protection du climat soit socialement acceptable, contrairement aux Jeunes Verts. Une protection du climat socialement acceptable signifie qu'il ne faudrait pas que ce soit principalement ceux qui ont moins d'argent qui réduisent leur consommation de viande ou leurs kilomètres parcourus en voiture. «L'accent devrait plutôt être mis sur une répartition plus juste de la propriété», dit-il.
Alors que les «super-riches» sont surreprésentés au Parlement, comme il le dit, environ une personne sur cinq en Suisse ne peut pas se permettre de recevoir une facture inattendue de plus de 2500 francs – par exemple à cause des frais de santé. «La participation personnelle aux frais de maladie est à mon avis trop élevée.»
Erne ne craint pas l'autocritique: la gauche a commencé trop tard à s'engager pour les questions de politique du handicap, affirme-t-il. Aujourd'hui, il constate lui-même à quel point les institutions de santé sont souvent surchargées.
La protection du climat, considérée sous l'angle de la justice sociale, ainsi qu'une politique sociale équitable, sont ses principales préoccupations.
Il estime qu'une élection au Conseil national est peu probable. Il considère que le chemin qu'il parcourt est aussi un peu son but.
Traduit et adapté de l'allemand par Léa Krejci