Les crèches de Suisse romande sont confrontées à une hausse préoccupante des signalements pour maltraitance ou négligence. Selon une enquête diffusée dimanche dans l’émission Mise au Point de la RTS, ces dénonciations, portées par des éducateurs et des parents, ont presque triplé entre 2018 et 2024. À Genève, par exemple, le nombre d’alertes est passé de 11 à 47. Des hausses similaires sont observées dans d’autres cantons, comme Neuchâtel, Valais et Vaud.
Les situations rapportées vont de la négligence – un bébé oublié seul dans le noir – à des faits graves comme l’enfermement d’enfants jugés «turbulents». L’émission a recueilli plus de cinquante témoignages, en majorité de professionnelles du secteur, évoquant un manque de personnel formé, des quotas d’encadrement non respectés, et une pression croissante liée à un manque de moyens.
Des accidents graves ont aussi été rapportés. Une mère raconte comment son fils allergique au lactose a été victime d’un choc anaphylactique après avoir consommé un yaourt, malgré un protocole préalablement signé avec la crèche. Selon elle, l’instabilité des équipes, le recours massif aux remplaçants et l’épuisement du personnel ont contribué à cet incident évitable.
Dans certains établissements, notamment privés, les conditions de travail sont décrites comme particulièrement précaires: manque de matériel, budgets insuffisants, taux de rotation très élevé (jusqu’à 100% dans certaines structures en quelques mois), et utilisation de personnel non qualifié comme des stagiaires ou des apprentis pour répondre aux besoins d’encadrement – une pratique interdite dans plusieurs cantons.
Pour faire face à la pénurie de personnel et à la pression croissante, les crèches demandent de plus en plus de dérogations. Dans le canton de Vaud, leur nombre est passé de 96 en 2018 à 280 en 2024. Ces dérogations permettent notamment d'accueillir plus d’enfants que ce que l’autorisation d’exploitation prévoit. Une tendance qui inquiète les professionnels, d’autant que les contrôles restent limités.
Les établissements concernés par les dénonciations sont aussi bien des crèches associatives que des structures privées. Ces dernières, plus chères, ne garantissent pas nécessairement de meilleures conditions. Certains cadres dénoncent des stratégies marketing trompeuses, avec des projets pédagogiques affichés, mais impossibles à appliquer sur le terrain.
Malgré les problèmes, de nombreux parents hésitent à alerter les autorités, par crainte de perdre leur place.
Une réalité qui pousse certains à accepter des situations qu’ils jugent pourtant inacceptables.
Jusqu’ici, le débat politique s’est surtout concentré sur la création de places en crèche, laissant de côté la question de leur qualité. A en croire les nombreux témoignages recueillis par la RTS, il devient pourtant urgent de revoir le modèle et les moyens alloués à l’accueil de la petite enfance.
(sia)