C'est un procès sous haute tension qui s'est ouvert à Granges-Paccot (FR), où le Tribunal pénal de la Gruyère s'est «expatrié» pour l'occasion dans une salle pouvant accueillir la quinzaine de journalistes présents, dont trois dessinateurs de presse et une quinzaine de spectateurs.
Sur le banc des accusés: un agriculteur fribourgeois de 33 ans, détenu en exécution anticipée de peine à la prison de Bellechasse. Il est apparu les yeux fixes dans le vague, un peu hagard, tout au long des témoignages très denses émotionnellement qui se sont succédé lundi.
«Cela fait trois ans que j'attends ce jour», a déclaré la mère de famille qui a perdu son mari et son fils dans le drame. Elle a lancé:
Elle a également déclaré, en larmes:
«C'est très difficile, je n'arrive pas à me concentrer sur le travail, j'ai interrompu le premier apprentissage que j'avais commencé à l'époque du drame», a renchéri le fils et frère des disparus. Et de lancer aussi:
L'origine du drame remonte à une vente de deux tracteurs qui n'a jamais été réalisée. En proie à de graves difficultés financières, l'accusé, qui travaillait depuis dix ans sans véritable salaire dans l'exploitation familiale de son père, était censé livrer ces tracteurs d'occasion à un Macédonien de 47 ans, domicilié à Cugy (VD), et à son fils aîné de 23 ans. Ceux-ci lui avaient versé 34 000 francs.
Mais, prétextant des problèmes d'immatriculation dû aux effets de la crise sanitaire sur l'Office de la circulation, l'agriculteur n'a pas livré les véhicules. Et pour cause: ils n'étaient en réalité pas à lui.
Quant à l'argent reçu, il l'avait dépensé pour acheter notamment un cheval à sa petite amie et le fusil de chasse qui servira à exécuter ses victimes.
Pour solder le litige, un rendez-vous avait été fixé le 24 mars 2020 à 20h00 dans le chalet d'alpage isolé que la famille de l'accusé possède à Sorens. C'est là que les choses ont dégénéré.
L'accusé assure que l'ainé des Macédoniens l'aurait projeté au sol. Suite à cela, il a tiré quatre coups sur les deux hommes.
Puis, à court de munitions et les deux victimes gisant à terre, il les a violemment frappés à la tête avec la crosse de l'arme, au point de briser celle-ci.
L'agriculteur a ensuite placé les corps dans un filet à foin lesté d'une plaque d'égout, puis les a jetés dans la fosse à purin, alors remplie d'eau, qu'il avait pris soin d'ouvrir avant l'arrivée de ses victimes.
De son propre aveu, il indique avoir vu des bulles remonter à la surface. L'autopsie a, en effet, montré que le père de famille vivait encore à ce moment-là.
Après avoir pris soin de cacher toutes traces du double meurtre et de se constituer un alibi, notamment en envoyant divers SMS à sa petite amie ou en se confectionnant une fausse quittance signée de sa victime, l'agriculteur a repris sa vie comme si de rien n'était, jusqu'à son arrestation le lendemain soir. Ses aveux avaient suivi presque immédiatement.
La phase d'instruction se poursuit mardi avec le témoignage du prévenu. Le réquisitoire et les plaidoiries suivront mercredi. Le verdict tombera le 1er mars.
L'émotion restait vive, au tribunal. La veuve du fils assassiné, qui vit avec leurs deux filles de 4 et 7 ans dans une nouvelle maison, a souligné à quel point son mari était un bon père. «Je veux que cet homme soit jugé au plus vite. Je n'ai pas envie de croiser son regard», a-t-elle déclaré.
Parmi les autres témoignages, le frère du père disparu a décrit la souffrance et la stérilité relationnelle dans laquelle le drame a plongé toute la famille, jadis si soudée.
L'homme a témoigné plus loin que prévu du prévenu, tant sa présence risquait d'attiser sa colère. Il a aussi raconté la panique qui avait saisi le «clan» lorsque père et fils n'étaient pas rentrés dormir et ne répondaient pas au téléphone la nuit du meurtre.
(ats/acu)