«C'est tout à fait probable que la France ne puisse plus exporter de l'électricité vers la Suisse», prévient Stéphane Genoud, alors que 32 réacteurs sur les 56 que compte le parc nucléaire hexagonal sont actuellement à l'arrêt.
Pour le professeur, responsable du management de l'énergie à l'Institut Entrepreneuriat & Management de la HES-SO Valais/Wallis contacté par l'agence AWP, la Suisse prend conscience de sa «faiblesse», quand «le tissu économique s'attend à des pénuries cet hiver».
Tout début septembre, la ministre française de la Transition énergétique Agnès Pannier-Runacher a beau avoir rappelé qu'EDF s'était «engagé à redémarrer tous les réacteurs pour cet hiver», la fébrilité reste de mise.
Le producteur et fournisseur d'électricité hexagonal a indiqué à AWP être lié par des contrats d'allocation de production avec des opérateurs helvétiques. Il s'agit de «mettre à disposition des partenaires la part de l'énergie produite leur revenant effectivement, en fonction de la part de la puissance qui leur est réservée», a précisé un porte-parole.
Dans ce système fortement interconnecté, le gestionnaire du réseau de transport d'électricité Swissgrid est relié par 41 lignes transfrontalières aux gestionnaires du continent. Anna Creti, professeure d'économie à l'Université de Paris Dauphine-PSL, estime que:
«De plus, les flux se dirigent là où les prix sont les plus élevés. En ce moment, ils sont très hauts de manière généralisée, et cela va continuer. Même si l'hiver est doux, le système est à sa limite. Les marges de sécurité sont faibles.»
Au 30 août, le prix de l'électricité payé pour l'année prochaine, pendant le pic de 8h à 20h, atteignait 1195 euro par mégawattheure en France, contre 666,63 euros le 6 juillet. L'an dernier, il était autour de 40 euros. «Il s'agit du prix de la dernière transaction. Des gens sont d'accord pour acheter à ce prix-là. C'est le reflet d'une situation dramatique en France où les acteurs du marché pensent qu'EDF ne va pas réussir à relancer ses centrales. S'ils croyaient EDF, ils ne tracteraient pas de tels prix», a assuré M. Genoud.
Malgré ce contexte, «prendre une décision politique, administrative, de fermer les frontières de l'électricité est impossible», a ajouté Anna Creti. «Après, il peut y avoir des règles techniques en cas de difficulté d'approvisionnement, gérées par les opérateurs.»
Dans son point de situation, l'Office fédéral pour l'approvisionnement économique du pays (OFAE) relève que la fourniture en électricité est actuellement assurée. Il insiste toutefois sur le fait que la sécheresse en Europe, la disponibilité réduite des centrales nucléaires en France et les conséquences de la guerre en Ukraine «continueront de générer des tensions sur les marchés de l'électricité ces prochains mois, avec des cotations de prix vraisemblablement élevées et volatiles.» (ats/asi)