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Les CFF devront accepter ce militant silencieux dans leurs gares

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Les CFF devront accepter ce militant silencieux dans leurs gares

Samuel Crettenand, militant pacifiste, a été jugé par le tribunal de Lausanne pour avoir refusé d'obtempérer aux ordres d'un agent de la police des transports. Cet événement survenu à la gare de Lausanne en décembre 2023 montre selon lui que «les CFF ne respectent pas la liberté d'expression». Il a été acquitté.
15.08.2025, 19:1515.08.2025, 19:15
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Une vingtaine de personnes, la plupart âgées, se sont réunies sur le parvis du tribunal de Lausanne pour soutenir le militant pacifiste Samuel Crettenand. Celui-ci comparaissait pour avoir refusé de quitter le hall de la gare de Lausanne le 27 décembre 2023 alors qu'il tenait un panneau indiquant le nombre d'enfants palestiniens tués depuis le début de la guerre.

«Je suis convaincu que rester seul, silencieux en montrant un panneau dans un coin de la gare n'est pas une infraction, c'est ma liberté d'opinion»
Samuel Crettenand

Danièle, vaudoise qui soutient la démarche explique: Samuel a osé dire ce que personne ne voulait entendre, c'est quelqu'un de courageux». Les soutiens du militant pacifiste restent silencieux, ils portent des kieffiehs en signe de solidarité à la cause palestinienne. Le public est appelé à entrer dans la salle et invité à laisser les drapeaux et autres affiches à l'entrée, l'audience va débuter.

Les soutiens de Samuel Crettenand au tribunal de Lausanne.
Les soutiens de Samuel Crettenand au tribunal de Lausanne.watson

«J'exprimais mon opinion»

Le juge énonce les faits figurant dans le rapport de police et demande au militant de raconter sa version rappelant qu'il était en train de manifester dans la gare ce jour-là, le terme a fait réagir Samuel Crettenand, «Je considère que je ne manifestais pas, j'exprimais mon opinion», corrige-t-il. Le greffier en prendra note.

Mais revenons aux événements, le 27 décembre 2023, vers 13h: l'homme qui était en grève de la faim tenait un panneau comptabilisant le nombre d'enfants tués à Gaza. Des agents de la police ferroviaire l'observent et à leur second passage, lui signifient qu'il n'avait «pas le droit d'être à cet endroit» et lui demande de «quitter la gare sous peine de forte amende». Le militant a refusé, argumentant qu'il avait tenu la même action à la gare de Genève et qu'un policier cantonal avait assuré aux agents de la police des transports qu'il avait «tout à fait le droit d'être là».

Samuel Crettenand se dit convaincu qu'il n'enfreint pas le règlement de la gare et refuse de se déplacer comme lui demande les agents. «Dans le règlement, c'est noté qu'il est interdit de nourrir les oiseaux ni de fumer dans l'enceinte de la gare, je vous promets que je n'ai rien fait de cela, j'étais juste debout en silence», raconte-t-il, suscitant l'approbation et les sourires du public.

Le militant pacifiste explique qu'il avait déjà effectué cette action dans plusieurs gares de Suisse, provoquant des réactions policières parfois totalement opposées.

«A Berne on m'a arrêté, menotté et blessé, tandis qu'à Lausanne certains policiers m'ont félicité de mon action»
Samuel Crettenand

Le juge écoute attentivement, lui demandant surtout de préciser l'endroit exact où il se trouvait, «gênait-il le passage?»; «s'agissait-il du centre du hall de la gare ou d'un coin ne gênant pas le passage», demande-t-il, provoquant la curiosité et l'étonnement du public.

Maître Dimitri Paratte, explique qu'il ne gênait personne, il lui demande de montrer la taille de sa pancarte en format A3. «Ce que reproche le policier ayant dénoncé mon client c'est de «faire de la propagande et d'avoir eu une attitude susceptible de gêner la clientèle, ce qui est une interprétation erronée du règlement qui ne doit servir qu'à garantir la sécurité et pas limiter l'expression légitime d'opinions», argumente-t-il.

«Dans le domaine public, on doit pouvoir avoir un t-shirt, un tatouage ou une pancarte soutenant la Palestine et exprimant son opinion. M. Crettenand fait un acte expressif.»
Dimitri Paratte, avocat de Samuel Crettenand.

Les CFF «pas à leur coup d'essai»

Maître Paratte et son client n'hésitent pas à nommer les CFF qui, selon eux, «ne sont pas à leur coup d'essai concernant la critique politique». En effet, l'avocat cite l'arrêt du Tribunal fédéral, qui considère que les gares sont des lieux publics dans lesquels les libertés publiques sont garanties.

«La liberté d'expression y prime, notamment celui de s'exprimer sur la politique internationale»
Dimitri Paratte, avocat de Samuel Crettenand.
Arrêt du Tribunal fédéral sur l'interdiction des affiches politiques en gare
Début 2009, une affiche qui s’opposait à la politique de colonisation de l’Etat d’Israël a été placardée dans la gare principale de Zurich à deux endroits différents. Invoquant leur règlement et leurs conditions générales qui interdisent la publicité et les messages à propos de thèmes délicats de politique extérieure, les CFF en ont ordonné le retrait immédiat après trois jours seulement. Le mandant de la campagne d’affichage a recouru avec succès auprès du Tribunal administratif fédéral, qui a obligé les CFF à autoriser l’affichage. Après un nouveau recours des CFF, cette décision est maintenant confirmée par le Tribunal fédéral.

L'audience touche à sa fin et Samuel Crettenand a l'occasion de s'exprimer. Il exprime ce qu'il considère comme une nécessité, «celui d'informer sur le génocide à Gaza».

«Cette action, je l'avais effectuée il y deux ans et la population n'était pas encore alertée de la situation. On me traitait de terroriste à l'époque. Aujourd'hui, le génocide n'est plus discutable. Peu importe votre jugement, je ne me tairai pas, il en va de notre humanité.»

L'homme de 52 ans clôt son discours sous les applaudissements fournis de ses soutiens. Le juge reviendra dans une heure.

Placement et comportement

Le juge annonce sa décision: «A admettre que vous ayez effectué une manifestation le 27 décembre 2023, votre comportement courtois constitue un exercice de liberté d'expression». On entend le soulagement du public.

Le juge poursuit en expliquant que l'exercice de la liberté d'expression n'est pas absolu et qu'il peut être limité. Il tient à préciser un point interpellant les soutiens de Samuel Crettenand:

«Le jugement que je rends aujourd'hui ne peut être interprété comme une autorisation de manifester»

Il conclut en prononçant l'acquittement du militant sous les applaudissements de la salle. A la sortie du tribunal, Samuel Crettenand se montre plus que satisfait et nous lâche: «Maintenant, nous allons aller un par un dans les gares de Suisse et montrer la réalité de Gaza», alors que nous lui rappelons les dernières paroles du juge qui sonnaient comme un avertissement. Il nous répond que les actions seront conformes à ce qui a été dit durant son audience. «Nous allons rester silencieux, nous aurons des panneaux conformes avec des informations crédibles et respecter toutes les conditions énoncées, mais on ne peut pas priver les gens d'exprimer leur opinion, même dans les gares.»

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