Une vingtaine de personnes, la plupart âgées, se sont réunies sur le parvis du tribunal de Lausanne pour soutenir le militant pacifiste Samuel Crettenand. Celui-ci comparaissait pour avoir refusé de quitter le hall de la gare de Lausanne le 27 décembre 2023 alors qu'il tenait un panneau indiquant le nombre d'enfants palestiniens tués depuis le début de la guerre.
Danièle, vaudoise qui soutient la démarche explique: Samuel a osé dire ce que personne ne voulait entendre, c'est quelqu'un de courageux». Les soutiens du militant pacifiste restent silencieux, ils portent des kieffiehs en signe de solidarité à la cause palestinienne. Le public est appelé à entrer dans la salle et invité à laisser les drapeaux et autres affiches à l'entrée, l'audience va débuter.
Le juge énonce les faits figurant dans le rapport de police et demande au militant de raconter sa version rappelant qu'il était en train de manifester dans la gare ce jour-là, le terme a fait réagir Samuel Crettenand, «Je considère que je ne manifestais pas, j'exprimais mon opinion», corrige-t-il. Le greffier en prendra note.
Mais revenons aux événements, le 27 décembre 2023, vers 13h: l'homme qui était en grève de la faim tenait un panneau comptabilisant le nombre d'enfants tués à Gaza. Des agents de la police ferroviaire l'observent et à leur second passage, lui signifient qu'il n'avait «pas le droit d'être à cet endroit» et lui demande de «quitter la gare sous peine de forte amende». Le militant a refusé, argumentant qu'il avait tenu la même action à la gare de Genève et qu'un policier cantonal avait assuré aux agents de la police des transports qu'il avait «tout à fait le droit d'être là».
Samuel Crettenand se dit convaincu qu'il n'enfreint pas le règlement de la gare et refuse de se déplacer comme lui demande les agents. «Dans le règlement, c'est noté qu'il est interdit de nourrir les oiseaux ni de fumer dans l'enceinte de la gare, je vous promets que je n'ai rien fait de cela, j'étais juste debout en silence», raconte-t-il, suscitant l'approbation et les sourires du public.
Le militant pacifiste explique qu'il avait déjà effectué cette action dans plusieurs gares de Suisse, provoquant des réactions policières parfois totalement opposées.
Le juge écoute attentivement, lui demandant surtout de préciser l'endroit exact où il se trouvait, «gênait-il le passage?»; «s'agissait-il du centre du hall de la gare ou d'un coin ne gênant pas le passage», demande-t-il, provoquant la curiosité et l'étonnement du public.
Maître Dimitri Paratte, explique qu'il ne gênait personne, il lui demande de montrer la taille de sa pancarte en format A3. «Ce que reproche le policier ayant dénoncé mon client c'est de «faire de la propagande et d'avoir eu une attitude susceptible de gêner la clientèle, ce qui est une interprétation erronée du règlement qui ne doit servir qu'à garantir la sécurité et pas limiter l'expression légitime d'opinions», argumente-t-il.
Maître Paratte et son client n'hésitent pas à nommer les CFF qui, selon eux, «ne sont pas à leur coup d'essai concernant la critique politique». En effet, l'avocat cite l'arrêt du Tribunal fédéral, qui considère que les gares sont des lieux publics dans lesquels les libertés publiques sont garanties.
L'audience touche à sa fin et Samuel Crettenand a l'occasion de s'exprimer. Il exprime ce qu'il considère comme une nécessité, «celui d'informer sur le génocide à Gaza».
L'homme de 52 ans clôt son discours sous les applaudissements fournis de ses soutiens. Le juge reviendra dans une heure.
Le juge annonce sa décision: «A admettre que vous ayez effectué une manifestation le 27 décembre 2023, votre comportement courtois constitue un exercice de liberté d'expression». On entend le soulagement du public.
Le juge poursuit en expliquant que l'exercice de la liberté d'expression n'est pas absolu et qu'il peut être limité. Il tient à préciser un point interpellant les soutiens de Samuel Crettenand:
Il conclut en prononçant l'acquittement du militant sous les applaudissements de la salle. A la sortie du tribunal, Samuel Crettenand se montre plus que satisfait et nous lâche: «Maintenant, nous allons aller un par un dans les gares de Suisse et montrer la réalité de Gaza», alors que nous lui rappelons les dernières paroles du juge qui sonnaient comme un avertissement. Il nous répond que les actions seront conformes à ce qui a été dit durant son audience. «Nous allons rester silencieux, nous aurons des panneaux conformes avec des informations crédibles et respecter toutes les conditions énoncées, mais on ne peut pas priver les gens d'exprimer leur opinion, même dans les gares.»