Sa décision était attendue comme une preuve de vie. Elle vient de tomber. Le rectorat de l’Université de Genève (Unige) dépose plainte pénale contre inconnus pour violation de domicile, a-t-on appris mercredi en début de soirée. Cette démarche fait suite à l’incident du 21 décembre, au cours duquel neuf individus masqués ont tenté de s’introduire dans une salle de l’Unige, où se tenait une joute oratoire organisée par deux associations étudiantes. Ils avaient l’intention d’entarter la conseillère nationale genevoise de l’UDC Céline Amaudruz, qui participait à cette réunion en tant que membre d’un jury. Motif de cette tentative d’agression: les idées d’«extrême droite» de la conseillère nationale, qualifiée de «fasciste» par le site d’extrême gauche Renversé, qui semblait endosser ce coup de force.
Le rectorat justifie sa décision arguant que c’est la troisième fois, en 2022, que de telles violences étaient perpétrées. Ne voulant pas laisser s’installer un sentiment d’«impunité», il porte à présent plainte. Après les deux premières agressions, celles d'avril et mai, commises par des transactivistes à l'encontre de conférenciers jugés «transphobes», il avait privilégié le dialogue, renonçant à déposer plainte, signant à la place une déclaration commune avec le syndicat étudiant CUAE, réputé d’extrême gauche et qui avait soutenu les transactivistes. Les parties s’engageaient au respect de la liberté d’expression, ainsi qu'au refus de toute forme de violence.
Suite à l’incident du 21 décembre, le rectorat s’estime trompé. Il pensait que la signature de la CUAE sur la déclaration commune suffirait à prévenir tout acte de la sorte venant de l’extrême gauche. Le rectorat parle d’«espoir déçu». D’où l’annonce, ce jour, d’un dépôt de plainte pénale contre inconnus, qui s'ajoute à la plainte déjà déposée, de son côté, par Céline Amaudruz.
Précisant que les dispositifs de sécurité seront adaptés, le rectorat conclut son communiqué en ces termes: «L’Université est et restera ce lieu de débat ouvert où les désaccords peuvent s’exprimer dans le respect des personnes et des opinions, où tous les thèmes peuvent être abordés et étudiés, où la liberté académique est garantie. Le Rectorat prendra toutes les mesures nécessaires pour protéger ces valeurs et lutter contre toute forme de censure ou d’autocensure.»
Le syndicat étudiant CUAE (Conférence universitaire des associations d’étudiant.e.x.s) avait anticipé la décision du rectorat de déposer plainte en publiant une heure plus tôt son propre communiqué. Affirmant pour commencer que «la CUAE n'a pas organisé cette action (réd: du 21 décembre)», ni «ne la revendique», le syndicat dit soutenir «l'existence de contestations politiques au sein de l'université». Pour lui, la tentative d'entartage de Céline Amaudruz entre dans cette catégorie d'action.
Il réfute le terme d'agression, considérant que l'entartage est «un moyen de condamnation publique qui utilise l'humour plutôt que la violence». La CUAE estime que «la plainte pénale de Mme Amaudruz ainsi que les menaces de plainte pénale (réd: c'est désormais chose faite) et de sanctions disciplinaires du rectorat de l'UNIGE sont une réelle menace à la liberté d'expression à l'UNIGE».
On notera que le rectorat s'abstient à ce jour de toute sanction disciplinaire à l'encontre d'étudiants de l'UNIGE potentiellement impliqués dans le coup de force du 21 décembre. Un témoignage faisait état de la présence de l'un d'eux parmi les neuf activistes qui ont tenté d'entarter Céline Amaudruz. Il n'a visiblement pas pu être étayé.