L’étau se resserre sur la Conférence universitaire des associations d'étudiant.e.x.s, la CUAE, l’interlocuteur du rectorat de l’Université de Genève (UNIGE). Ce syndicat estudiantin, réputé d’extrême gauche, est dans le collimateur de l’UDC genevoise, entre autres.
Cette attention fait suite à l’incident survenu le 21 décembre, au cours duquel une dizaine d’activistes antifas ont tenté d’entarter la conseillère nationale UDC Céline Amaudruz. L'élue genevoise participait ce jour-là à une joute oratoire sur la neutralité suisse organisée dans l’enceinte universitaire par deux associations étudiantes, Foraus et le Club genevois de débat. Selon notre confrère Blick, un membre du comité de la CUAE figurerait parmi les perturbateurs. Choquée, la députée a déposé plainte pour agression.
Joint mercredi par watson, le directeur de la communication de l’UNIGE, Marco Cattaneo, indique que le rectorat recevra «au début de la semaine prochaine» les organisateurs de la réunion du 21 pour entendre leur version des faits.
Selon le conseiller national UDC genevois Yves Nidegger, son parti pourrait donner une suite politique au coup de force antifa qui visait spécifiquement Céline Amaudruz. L’affaire basculerait alors dans le giron du Grand Conseil genevois. Dans un premier temps, ce mois-ci encore, la formation de droite pourrait déposer une question urgente au Conseil d’Etat, en l’occurrence au Département de l’instruction publique, auquel l’UNIGE est financièrement et administrativement rattachée.
Dans un deuxième temps, à compter de la prochaine législature – les élections cantonales auront lieu en avril –, l’UDC, explique Yves Nidegger, pourrait proposer une coupe dans le budget de l’UNIGE, soit une suppression égale à la subvention accordée par le rectorat à la CUAE: sur 65 francs de taxes fixes par semestre et par étudiant, 3,50 francs sont réservés aux salaires des secrétaires permanents de la CUAE, selon des chiffres fournis par le service de communication de l'UNIGE.
L’opération déstabilisatrice du 21 décembre, revendiquée par le site d’extrême gauche Renversé, qui traite Céline Amaudruz de «fasciste» et qui promet de revenir «plus nombreuxses, plus organiséexs, plus déterminéexs» la prochaine fois afin d'«en découdre», était la troisième de même type mise sur pied à l’UNIGE en 2022. Lors des deux premières, en avril et mai, des activistes, également le visage masqué, étaient parvenus à leurs fins en empêchant la tenue de conférences sur des questions de genre jugées «transphobes».
Suite à cela, le rectorat avait décidé de déposer plainte contre X. La CUAE avait répliqué en déployant une banderole dans le hall d’Uni Mail, portant cette inscription : «ÉTUDIANT-E-X-S RÉPRIMÉ-E-X-S: LE MALAISE» Sur ce, le rectorat et la CUAE signaient une «déclaration commune» reconnaissant la liberté de parole et proscrivant toute forme de violence sur le campus. L’UNIGE renonçait à déposer plainte.
Si aucune preuve n’établit pour l’heure la présence d’un membre du comité de la CUAE parmi les activistes qui ont tenté d’entarter Céline Amaudruz, le syndicat faîtier pourrait devoir «payer» pour son militantisme, au motif d’un mélange des genres incompatible, selon ses détracteurs, avec sa mission première: représenter l’ensemble des étudiants de l’UNIGE.
La CUAE était-elle dans le coup, le 7 décembre, lors de l’élection de l’UDC Albert Rösti au Conseil fédéral? «Ce jour-là, une banderole hostile au nouveau conseiller fédéral a été déployée le long de la passerelle traversant le hall d’Uni Mail, nous l’avons fait ôter», rapporte Marco Cattaneo, le directeur de la communication de l’UNIGE.
Que penser de l’affichette faisant la promotion d’un ciné-club nommé ACAB, collée sur la vitrine de la CUAE ? ACAB est un slogan anarchiste en vogue chez les black-blocks, signifiant «All Cops Are Bastards» (tous les flics sont des salauds). «La présence à cet endroit de cette affichette n’est pas très heureuse», répond le directeur de la communication. Non qu’une association étudiante ne puisse pas avoir des idées d’extrême gauche, c’est son droit, mais est-ce là ce qu’une université romande attend d’un partenaire institutionnel?
Les partis gouvernementaux approchés par watson condamnent toute forme de violence commise dans une enceinte universitaire. «L’université est un lieu du débat, pas de combat», affirme le président du Parti libéral-radical genevois, Bertrand Reich. De la CUAE, du moins de la CUAE qui avait apporté son soutien aux transactivistes du printemps dernier, il dit qu’«on ne peut pas être en même temps membre d’une instance universitaire et interdire à l’université d’être un lieu de débat». Il est encore plus dur avec le site Renversé:
Le président du Parti socialiste genevois, Thomas Wenger, se veut légaliste:
Sur les réseaux sociaux, le soutien à Céline Amaudruz est principalement le fait de membres ou sympathisants libéraux-radicaux. Tel Bryan Lo Giudice, vice-président du PLR en Ville de Genève et candidat au Grand Conseil cette année:
L’épreuve traversée par Céline Amaudruz augure-t-elle d’un rapprochement entre l'UDC et le PLR à trois mois des élections cantonales? De son côté, et sur l’incident du 21 décembre proprement dit, l’UNIGE, aux prises avec une succession difficile à la tête du rectorat, n’a toujours pas fait connaître clairement sa réponse, sinon qu’elle condamne, mais on le savait déjà, «toute violence».