Dans un peu plus de deux mois, cet hôtel de luxe dans le canton de Nidwald avec une vue magnifique sur le lac des Quatre-Cantons se transformera en centre névralgique de la diplomatie internationale de crise: les 15 et 16 juin, la conférence de paix sur l'Ukraine organisée par le Conseil fédéral aura lieu au Bürgenstock Resort Lake Lucerne.
La liste définitive des invités n'est pas encore établie, mais la Confédération a invité plus de 100 chefs d'Etat et de gouvernement. Le président ukrainien Volodymyr Zelenksy viendra certainement, alors que la Russie sera absente. Le président américain Joe Biden devrait également faire le déplacement. Le Conseil fédéral espère en outre recevoir des visiteurs de haut rang de pays comme l'Arabie saoudite, l'Inde ou la Chine.
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Outre les participants diplomatiques, la conférence attirera vraisemblablement aussi des personnes non invitées. Les rencontres de ce genre sont naturellement très intéressantes pour les espions de tous poils.
Le Service de renseignement de la Confédération (SRC) – responsable du contre-espionnage dans notre pays –, estime que la menace qui pèse sur la Suisse dans le domaine reste «élevée». Elle émane en particulier des services secrets russes et chinois, mais même des Etats en principe amis, comme les Etats-Unis, déploieraient leurs services de renseignement sur le sol suisse.
Le journal Schweiz am Wochenende a posé une série de questions détaillées au SRC concernant l'évaluation des risques et les mesures de prévention autour de la conférence de paix au Bürgenstock. Leur réponse? Pas de réponse:
Le SRC ne partagerait ces informations qu'avec la direction de la politique de sécurité, les services concernés de la Confédération et des cantons ainsi que les organes de surveillance du SRC.
En avril 2023, le SRC a néanmoins admis auprès CH Media (dont watson fait partie) que les «manifestations dans les hôtels de congrès» étaient en principe «pertinents en matière d'espionnage», sans toutefois se référer à un cas concret. La conférence de paix au Bürgenstock correspond à ce type de manifestation. Selon le SRC, la «pertinence en matière d'espionnage» dépend de différents éléments comme:
Ces deux facteurs rendent la conférence de paix attrayante pour les services de renseignement.
Selon le SRC, les services de renseignement étrangers ont souvent recours à une combinaison de plusieurs méthodes pour espionner des événements internationaux. Ils envoient des agents directement sur place pour observer, posent des micros, des caméras et de microphones et déploient des cyberattaques contre des téléphones portables et les réseaux informatiques.
Pour contrer cela, le SRC recommande aux lieux d'accueil une série de mesures de protection. Il est ainsi important de sensibiliser le personnel de l'hôtel, d'effectuer des contrôles efficaces de l'accès aux chambres d'hôtel et aux salles de réunion et de procéder à des échanges réguliers avec les autorités compétentes.
Le Bürgenstock Resort Lake Lucerne appartient à un fonds d'investissement public de l'émirat du Qatar. Ce fonds possède également l'hôtel de luxe Schweizerhof à Berne. Selon la NZZ am Sonntag, une rencontre entre Michael Lauber, le procureur général de la Confédération, et Gianni Infantino, le président de la Fifa, aurait été enregistrée en juin 2016 dans une salle de réunion de cet hôtel – sur ordre du Qatar. Le Qatar ainsi que les personnes concernées contestent avec véhémence cette information.
Contacté par CH Media, le Bürgenstock Resort n'a pas souhaité prendre position. En avril 2023, le SRC a écrit qu'il n'y avait pas d'indications spécifiques selon lesquelles les hôtels de luxe appartenant à des investisseurs étrangers proches de l'Etat seraient en général particulièrement vulnérables à l'espionnage: «Le risque doit être évalué à chaque fois sur la base des circonstances du cas concret». Et au Bürgenstock, il devrait être élevé.
Traduit et adapté de l'allemand par Léa Krejci