Quelle est votre principale préoccupation en tant que nouveau président de l'Association des propriétaires fonciers (APF)?
Gregor Rutz:
La garantie de la propriété est la base de notre prospérité. Mais aujourd'hui, la propriété est de plus en plus limitée, parfois inconsciemment. Cela me fait mal. Il est important que les jeunes et la classe moyenne puissent également s'offrir un logement en propriété.
La propriété du logement est-elle désormais réservée uniquement aux personnes aisées ou riches?
Dans les zones rurales, les prix sont encore raisonnables.
A Zurich, Genève et Lausanne par exemple?
Dans les villes en général, mais aussi dans des endroits comme Saint-Moritz, Davos ou Zermatt. C'est le revers du succès.
D'autre part, on constate aussi que le marché est totalement surrégulé. Chaque intervention de l'Etat renchérit encore le coût de la propriété du logement. Nous devons sortir de cette spirale dangereuse.
Le taux de propriétaires a baissé ces dernières années, passant de 38,5 à 35,9%, et est nettement plus bas qu'en Allemagne par exemple.
Ce taux est nettement plus bas que dans de nombreux pays. Cela va à l'encontre de la Constitution fédérale. Celle-ci stipule que la Confédération doit créer des incitations pour que l'on puisse acquérir un logement. Notre problème est le déséquilibre entre l'offre et la demande. Si nous nous attaquons à la demande, cela concerne l'immigration. Cela ne peut pas continuer ainsi. Nous ne pouvons pas construire autant de logements qu'il y a de personnes souhaitant s'installer en Suisse.
Que faut-il faire à court terme?
Nous devons modifié cela, mais aussi corriger ce qui concerne l'offre: nous devons déréglementer afin de pouvoir construire plus de logements, mieux et plus intelligemment. Le gouvernement rouge-vert de la ville de Zurich critique à juste titre l'ISOS, l'Inventaire fédéral des sites construits à protéger. A Zurich, les trois quarts de la surface urbanisée sont en quelque sorte sous protection: on ne peut pas modifier le caractère de certaines rues ni le style architectural de certains quartiers. Cela rend impossible la densification des constructions; c'est une véritable interdiction de construire. Le conseil municipal l'a bien compris. Il y a sept ans déjà, j'ai déposé une motion dans ce sens.
Vous voulez déréglementer très largement, en matière de protection contre le bruit, de protection des monuments et du patrimoine ou de possibilités d'opposition.
Exactement. Ce sont les dispositions relatives à la protection contre le bruit qui font que l'on ne peut plus construire dans les villes. Pourtant, dans les villes, il y a du bruit partout...
Vous souhaitez également renforcer le lien entre le travail et le logement?
A Zurich, il a été demandé de supprimer des emplois dans certains quartiers parce que les travailleurs feraient trop de bruit. C'est absurde. Ce sont des approches communistes. Nous ne pouvons pas dire aux gens où ils doivent travailler et où ils doivent vivre.
En dérégulant ainsi, ne mettez-vous pas en péril des acquis en matière de santé publique?
Non. Les zones d'habitation doivent pouvoir continuer à se développer, le besoin de logements est urgent. Les investissements permettent le progrès, notamment en matière d'efficacité énergétique et de protection contre le bruit. Aujourd'hui, nous nous enfonçons dans la bureaucratie. Certaines exigences sont insensées, par exemple des initiatives qui exigent un droit de préemption de l'Etat sont en suspens.
Cela entraîne une bureaucratie absurde et des retards dans le temps. Le climat d'investissement se détériore. Pour créer des logements, il faut des investisseurs privés et des initiatives personnelles. Ceci n'est pas une tâche de l'Etat.
L'augmentation des coûts du logement est un problème pour les propriétaires comme pour les locataires. Comment évaluez-vous ce phénomène?
Les coûts du logement représentent une part substantielle du budget pour les deux, c'est évident. Les nouvelles obligations réglementaires, les coûts de construction plus élevés, la hausse des prix de l'énergie sont autant de facteurs qui font grimper les prix, en plus de l'immigration et de la raréfaction de l'offre qui en découle.
Souhaitez-vous faire quelque chose à ce sujet?
Oui, la complexité et la durée des procédures entraînent des coûts inutiles. Heureusement, nous discutons enfin, au Parlement, des contradictions entre la loi sur l'aménagement du territoire et la loi sur la protection de la nature et du patrimoine, mais aussi de la problématique de la protection contre le bruit.
Souhaitez-vous collaborer davantage avec l'association des locataires?
Bien sûr, il faut maintenir un dialogue. En toute objectivité, nous avons des intérêts très similaires. Les propriétaires privés qui sont organisés au sein de l'Association des propriétaires fonciers ont intérêt à conclure des contrats équitables et à long terme, et à avoir des locataires satisfaits.
Bien entendu, un propriétaire a besoin d'un rendement pour pouvoir réaliser des investissements. Mais il veut aussi que le locataire se sente traité de manière juste. Nous devons aussi chercher le dialogue avec les bailleurs institutionnels ou avec les maîtres d'ouvrage.
Pourquoi?
La pandémie l'a montré: lorsque des micro-entreprises comme les studios de yoga ont fait faillite ou presque, c'était très souvent lié aux bailleurs institutionnels. Les bailleurs institutionnels doivent être conscients qu'ils ne peuvent pas travailler uniquement avec des tableaux Excel. Une relation de location a toujours lieu entre des personnes. Le droit de la location devrait fonctionner comme le partenariat social dans le domaine du travail. Les conditions juridiques sont réunies pour cela, mais la sensibilité nécessaire fait souvent défaut. La semaine dernière, le président de la Fédération des entrepreneurs a formulé diverses exigences. Qu'il faille libéraliser le marché locatif et supprimer la valeur locative, c'est vrai. Mais exiger que les grandes surfaces d'habitation soient davantage taxées est absurde.
Souhaitez-vous corriger l'image de l'Association des propriétaires fonciers?
Je ne crois pas beaucoup à la promotion de l'image. Le fait est que l'APF est une organisation de taille moyenne. Nous avons de nombreux membres qui possèdent une seule maison.
Traduit et adapté par Tanja Maeder