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Voici à qui profite l'aide suisse à l'Ukraine

Pourquoi l'aide suisse pour reconstruire l'Ukraine fait débat.
L'approche suisse d'aide à l'effort de reconstruction en Ukraine fait l'objet de vives critiques.Image: Imago, montage watson

Voici à qui profite l'aide suisse à l'Ukraine

La Suisse soutient l’Ukraine dans sa reconstruction. Une part importante des fonds d’aide revient toutefois à des entreprises helvétiques.
30.09.2025, 05:3230.09.2025, 08:06
Lea Hartmann / ch media

La guerre qui perdure menace des milliers d’Ukrainiens atteints d’un cancer du sein, de la prostate ou de la peau. Et ces personnes pourraient bientôt ne plus avoir accès à la radiothérapie. Trois quarts des appareils utilisés pour ces traitements fonctionnent encore au cobalt radioactif.

Une dépendance problématique à la Russie

Or, cet élément provenait auparavant de Russie et n’est désormais plus disponible en raison du conflit, explique Fedir Kirpenko. Cet Ukrainien dirige Innovatec Med, une société basée à Zoug qui commercialise des appareils de radiothérapie et possède une succursale à Kiev.

L’entreprise helvétique a reçu trois millions de francs de la Confédération, et, avec cet argent, Fedir Kirpenko veut construire dans la partie occidentale de l'Ukraine un nouveau centre de traitement et de formation en radiothérapie, équipé de machines modernes qui permettront de ne plus dépendre de la Russie.

Voici à quoi ressemblera le nouveau centre de radiothérapie financé par la Suisse.
Voici à quoi ressemblera le nouveau centre de radiothérapie financé par la Suisse.visualisation: dr

100 millions de francs de subventions

Ce projet fait partie de 12 initiatives récemment retenues par la Confédération. Pour l’aide à l’Ukraine, cette dernière mise sur la collaboration avec le secteur privé. Les sociétés suisses disposant d’une implantation dans le pays ont pu soumettre des propositions concrètes pour contribuer à la reconstruction.

L’intérêt a été très fort, bien au-delà des attentes du Secrétariat d’Etat à l’économie (Seco). Une soixantaine d’entreprises ont présenté près de 80 projets. Le Seco a donc doublé son budget, le faisant passer de 50 à 100 millions de francs. La sélection s’est faite en concertation avec les autorités ukrainiennes.

La palette de l'aide suisse à l'Ukraine est large. Parmi ces initiatives, on trouve des maisons préfabriquées pour les déplacés à l'intérieur du pays, de nouvelles fenêtres et des portes pour les bâtiments détruits, des rails et des aiguillages pour les chemins de fer ukrainiens. Le coût total des douze projets s’élève à 112 millions de francs, dont 93 millions financés par la Confédération. Les entreprises prennent à leur charge le reste, avec une petite part couverte par l’Etat ukrainien. Les sociétés doivent au minimum assumer 10% des frais de leurs projets.

Un modèle qui suscite les critiques

Le fait que la Suisse associe aussi étroitement le secteur privé à la coopération internationale est une nouveauté, et cela suscite la controverse. Sur les 1,5 milliard de francs du budget Ukraine prévu jusqu’en 2028, un tiers ne sera pas investi directement sur place, mais attribué à des sociétés helvétiques. Des organisations d’aide au développement craignent que cela ne mette sur la touche les entreprises locales, alors même que l’économie ukrainienne souffre déjà lourdement de la guerre.

Le Seco balaie ce reproche. Selon lui, l’Ukraine profite de manière directe de cette aide, ce que confirment aussi ses autorités. La Suisse et l’Ukraine ont récemment signé un accord fixant les conditions de l’aide à la reconstruction. Le Conseil fédéral vient d’en publier le texte et l’a soumis à consultation auprès des milieux concernés.

Reste à savoir si cette base juridique sera suffisante. Les commissions de politique extérieure estiment que le gouvernement les a contournées, et réclament une loi spécifique. Le Conseil des Etats a appuyé cette demande, mais au Conseil national, la décision finale a été repoussée à la fin de l’année.

Des «subventions aux exportations» dénoncées

C’est le socialiste Fabian Molina qui a demandé ce report. Le conseiller national et président de l’ONG Swissaid critique sévèrement la nouvelle approche choisie par Berne en Ukraine. Selon lui, il s’agit davantage de subventions à l’exportation que d’une véritable aide à la reconstruction.

Fabian Molina, SP-ZH, spricht zur Grossen Kammer, an der Sommersession der Eidgenoessischen Raete, am Dienstag, 4. Juni 2024 im Nationalrat in Bern. (KEYSTONE/Alessandro della Valle)
Fabian Molina.Keystone

L'élu zurichois cite l’exemple de Glas Trösch. Cette entreprise bernoise, implantée en Ukraine sur plusieurs sites, reçoit 9,9 millions de francs pour remplacer les fenêtres détruites dans l’est du pays. Fabian Molina souligne:

«Des organisations internationales pourraient tout autant s’en charger et peut-être à un prix inférieur»

Miser sur le secteur privé suppose donc d’imposer des critères stricts d’attribution afin d’éviter d'être inefficace.

Un immeuble endommagé dans la ville ukrainienne de Kharkiv. Glas Trösch souhaite y installer de nouvelles fenêtres, financées par la Confédération.
Un immeuble endommagé dans la ville ukrainienne de Kharkiv. L'entreprise Glas Trösch souhaite y installer de nouvelles fenêtres, financées par la Confédération.Image: dr

Une obligation d'employer des Ukrainiens

Malgré un débat qui n'a pas encore été tranché quant à leur base légale, les 12 projets de reconstruction sont déjà actés. Pour la Confédération, ils peuvent donc être lancés, car ils reposent sur des entreprises suisses déjà actives en Ukraine. La situation est plus délicate pour les sociétés qui n’y ont pas encore de filiale. Elles pourront néanmoins elles aussi soumettre des projets lors de la prochaine étape.

Pour obtenir un mandat, les entreprises suisses doivent créer ou maintenir des emplois et des opportunités de formation pour les Ukrainiens. Elles sont également tenues de collaborer avec des partenaires locaux. Selon l’accord interétatique, la préférence sera donnée aux entreprises qui emploient en Suisse des personnes bénéficiant du statut de protection S.

La société de Fedir Kirpenko vise par exemple une coopération avec l’Hôpital universitaire de Zurich. Des employés d'une clinique ukrainienne devront y suivre des formations continues. L’établissement zurichois s’est déjà dit intéressé, et le centre de radiothérapie en Ukraine devrait lui aussi devenir un lieu de perfectionnement.

Des WC suisses dans les écoles ukrainiennes

Un autre exemple est celui de Geberit, spécialisé dans le sanitaire. Le groupe reçoit 3,7 millions de francs de la part de la Confédération afin de moderniser les installations sanitaires de 140 écoles professionnelles ukrainiennes. Les nouveaux WC adaptés aux personnes handicapées seront installés par les élèves eux-mêmes, sous la supervision de leurs formateurs et de collaborateurs de Geberit.

Reconstruction en Ukraine: Geberit souhaite installer des toilettes dans des écoles professionnelles. Comme dans le cadre de ce projet mené il y a quelques années, où des apprentis ont rénové des toil ...
Geberit souhaite installer des toilettes dans des écoles professionnelles. Comme dans le cadre de ce projet mené il y a quelques années, où des apprentis ont rénové des toilettes dans une école d'Odessa sous la supervision de professionnels.Image: dr / Oleg Kutskiy

«Un projet gagnant-gagnant», affirme Olga Agalidi, la responsable du projet en Ukraine pour Geberit. Le ministère ukrainien de l’Education, explique-t-elle, souhaite disposer d’infrastructures modernes afin de rendre ses établissements attractifs pour les jeunes adultes. Et pour les élèves, le chantier représente une occasion de se former.

Il reste encore à signer les contrats entre la Confédération et les entreprises, ce qui devrait être fait d’ici à la mi-octobre, selon le Seco. Geberit veut démarrer avant la fin de l’année, et installer environ 5300 WC et lavabos l'année prochaine.

Le centre de thérapie anticancéreuse doit lui aussi voir le jour rapidement. La rénovation d’un bâtiment existant à Ivano-Frankivsk (ouest) devrait commencer dès cet automne. Les premiers patients atteints de cancer devraient être accueillis en avril prochain.

Traduit de l'allemand par Joel Espi

La Fondation suisse de déminage (FSD) est active en Ukraine pour lutter contre les mines.
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La Fondation suisse de déminage (FSD) est active en Ukraine pour lutter contre les mines.
La formation de démineurs locaux est au centre de l'action de la FSD en Ukraine.
source: fsd
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Video: watson
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