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interview watson

Les deux initiatives agricoles en votations le 13 juin avec Guy Parmelin

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Image: shutterstock

La crème solaire pollue les eaux, mais «on n’interdit pas la baignade!»

Le président de la Confédération Guy Parmelin a reçu «watson» à Berne pour convaincre les jeunes de s’opposer aux deux initiatives agricoles (contre les pesticides de synthèse et pour une eau potable propre) en votations le 13 juin. Pollution, bio, sensibilités ville-campagne: Interview!
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10.05.2021, 05:5911.05.2021, 07:49
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Peter Blunschi
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Je suis un jeune adulte qui craint pour l’avenir de la planète, qui a peut-être manifesté pour le climat. Pourquoi devrais-je voter non alors que les deux textes paraissent plutôt séduisants?
Pour une raison simple: ces textes sont mal ciblés, voire utopistes ou déclamatoires. Les mesures votées par le parlement et pour lesquelles le Conseil fédéral a mis récemment les ordonnances en consultation sont, elles, pragmatiques et ciblées. Elles permettent une diminution de 50% des charges environnementales à l’horizon 2027, sans même compter le plan d’action du gouvernement et ses 51 mesures environnementales. Si vous voulez du concret rapidement, il faut dire deux fois non.

Les initiants trouvent toutefois que ça ne va pas assez loin…
Ils ne voient pas les effets pervers de leurs textes. Celui sur les pesticides de synthèse va notamment inciter au tourisme d’achat, que ce soit pour obtenir des prix plus bas ou pour accéder à des produits qui ne seront plus disponibles en Suisse. Acheter à l’étranger implique de prendre son véhicule, de faire des trajets et, donc, de polluer. Ce n’est pas une bonne idée. Autre effet néfaste: le risque d’empêcher certaines entreprises de transformer des produits ici. Ils arrêteront par conséquent d’investir et de maintenir des places de travail dans notre pays.

Donc inciter les agriculteurs à limiter l’utilisation de produits néfastes pour la santé et l’environnement n’est pas une bonne idée?
Si, mais les deux initiatives n’y parviendront pas. Prenez l’autre texte, celui sur l’eau potable propre. Il risque paradoxalement d’inciter certains agriculteurs – même bio – à quitter le système régulé des paiements directs. Exemple: aujourd’hui, un producteur de légumes reçoit des soutiens financiers s’il n’utilise pas tel ou tel produit. Si l’initiative est acceptée, il risque de sortir du système en se tournant vers l’agriculture intensive et utiliser davantage de produits phytosanitaires en respectant quand même la loi. Il sera donc incité à endommager encore davantage l’environnement. Il me semble que ce n’est pas le but…

Il y a quand même des paysans qui sont pour ces textes. Mentent-ils?
Non. Ce qu’il faut bien comprendre, c’est que les progrès réalisés, par exemple avec les phéromones, ont permis de supprimer l’utilisation de nombreux pesticides ou fongicides et, donc, de sauvegarder l’environnement. Je rappelle en passant que l’agriculture biologique utilise le cuivre, qui est un pesticide.

Mais son utilisation restera permise…
Non, c’est un métal lourd! Dans l’initiative «Pour une eau potable propre», il est écrit «pas de pesticide». Point. C’est clair: si ce texte est accepté, un producteur bio n’aura plus la possibilité d’utiliser du cuivre à part s’il sort du système des paiements directs. On ne peut pas utiliser un texte puis en tordre l’interprétation pour faire en sorte qu’on puisse continuer comme avant.

Donc selon vous, le bio est aussi polluant que le conventionnel?
Le bio, c’est une philosophie qui utilise aussi certains moyens pour protéger les cultures. Une année où il y a du mildiou, il faut traiter préventivement tous les 4-5 jours. Dans de telles circonstances, le producteur bio sort davantage avec le tracteur, il tasse le sol, il utilise du cuivre. Au final, il y a du CO2 et des particules fines relâchées dans l’atmosphère. Quel est le bilan écologique global?

Prenons un peu de hauteur. Que dites-vous à cette partie de la Suisse qui affirme: «Les paysans nous empoisonnent.»
Je leur dis que c’est faux. On entend beaucoup parler des produits phytosanitaires dans les eaux mais jamais d’autres produits non moins néfastes.

«Est-ce qu’on interdit aux Bernois d’aller se baigner dans l’Aar parce qu’ils se sont tartinés de crème solaire qui finira dans le Rhin ou dans la mer du Nord ? Non»
Guy Parmelin

Et personne n’a l’idée d’interdire aux ménages d’utiliser des médicaments ou des contraceptifs sous prétexte qu’on en retrouve des traces dans les eaux usées et qu’ils échappent à nos stations d’épuration. Est-ce que ces initiatives auront un effet là-dessus? Aucunement.

Reste que dans l’eau, on retrouve régulièrement des substances qui viennent des produits utilisés en agriculture, comme le Chlorothalonil…
Avec les mesures annoncées par le Conseil fédéral, nous limitons les risques générés non seulement par l’agriculture, mais aussi par l’ensemble des secteurs privés et publics. Elles devraient empêcher un nouveau cas de Chlorothalonil (réd: de nombreux cas de valeurs trop élevées ont été découverts récemment).

Pour cette substance, nous avons fixé la norme à 0,1 µg/l (microgrammes/litre). C’est drastique, car la science dit que c’est à partir de 15 µg/kg (microgrammes par jour et par kilo de poids corporel) que cela devient dangereux. Autrement dit, il faudrait boire 150 litres d’eau par jour et par kilo de poids corporel pour atteindre cette limite quotidienne! Vous avez toutes les chances d’être mort avant d’avoir fini votre huitième litre.

Mais les initiatives vont dans le même sens.
La différence, c’est que voter non permettra une application immédiate des mesures du Conseil fédéral. Un non ne maintient pas le statu quo. De plus, le Conseil fédéral encourage les évolutions technologiques qui demandent moins de pesticides et d’engrais, tout comme elles encouragent de meilleures collaborations entre les organismes de recherche en Suisse. Ce ne sont pas des déclarations d’intention. Je suis conscient que c’est difficile à expliquer à la population et le débat actuel me donne l’opportunité de le dire.

Justement, on sent une mécompréhension entre la population, notamment urbaine, et le monde agricole. Quel est le problème entre ces deux «mondes»?
Le contact a été perdu. A l’époque, tout le monde avait un membre de sa famille dans l’agriculture ou, au moins, passait ses vacances à la ferme ou allait aux vendanges. Ce n’est plus le cas. Depuis 20-25 ans, les paysans ont fait des progrès phénoménaux pour mieux respecter l’environnement. Mais le monde agricole – et moi y compris – n’est pas parvenu à l’expliquer au public. Pour nous, ce progrès allait de soi.

Ce fossé qui s’agrandit, ça vous inquiète?
Cela m’inquiète, oui. Mais la pandémie a paradoxalement permis de recréer un certain lien entre l’urbain et l’agricole. La population a découvert que près de chez elle, il y avait des agriculteurs qui se comportaient très bien avec leurs animaux, qui travaillaient leurs cultures dans le respect de l’environnement, en bio ou non. Malheureusement, je pense que dès que la situation va redevenir normale, ce lien se perdra à nouveau.

Est-ce qu’il y aura, un jour, une agriculture sans produit néfaste?
Quelqu’un comme Urs Niggli, pionnier du bio, chercheur et ancien directeur de l’Institut de recherche de l'agriculture biologique, affirme que c’est utopique de nourrir le monde entier avec de l’agriculture bio dans un proche avenir. Je rappelle que c’est notamment grâce à l’utilisation d’engrais, même de manière modérée, que des famines ont pu être évitées par le passé. Tout est question d’équilibre. Surtout, si nous voulons défendre notre sécurité alimentaire, menacée par les initiatives.

Souvenez-vous: au début de pandémie, tous les pays manquaient de masques et c’était chacun pour soi. Aujourd’hui, la Suisse produit 50% de l’alimentation qu’elle consomme. Nous avons certes quelques réserves en stock, mais s’il y a une crise, nous n’aurons plus d’amis.

«Nous aurons peut-être les moyens de nous payer de la nourriture, mais personne pour nous la vendre»
Guy Parmelin

Nous votons presque tous les trois ans sur l’alimentation et l’agriculture. Quand est-ce que ce sera fini ?
Je ne sais pas. Mais ce qui me gêne, c’est cette espèce d’«agriculture bashing» qui se concentre sur le monde agricole. Dans le Rhin, seule une petite partie du problème de pollution vient de l’agriculture Et dans le lac Léman, les analyses se concentrent essentiellement sur les pesticides.

C’est un autre problème. Si nous commençons à nous pencher là-dessus, nous risquons de nous attaquer des industries ô combien importantes pour le pays, comme la pharma…
Oui. Mais ça me rappelle tout le débat sur le génie génétique. Quand c’est bon pour la santé humaine, on ferme les yeux. Quand ce sont les plantes ou le développement de technologie pour l’alimentation, on est plus sévère.

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