Un gang des Montagnes neuchâteloises et un autre de Bienne sont à couteaux tirés depuis quelques années. Le week-end passé, un jeune Neuchâtelois de 20 ans, a été tué lors d'une altercation avec des membres du «clan ennemi». Ancien travailleur social hors murs à Yverdon-les-Bains (VD), Vincent Artison est actif dans le milieu ouvert depuis une vingtaine d'années. C'est avec ce diplômé des hautes études des pratiques sociales à la faculté des sciences de l'éducation de Strasbourg que watson a essayé de comprendre les mécanismes de cette violence chez les jeunes.
La violence entre deux gangs a engendré la mort d'un jeune de 20 ans le week-end passé. Ce phénomène de rivalité entre gangs est-il vraiment nouveau en Suisse?
Vincent Artison: Non, pas du tout. Je l'observe sur le terrain depuis le début des années 2000. Cela peut se passer entre quartiers ou entre deux villes généralement voisines.
Comment l'expliquer? Quelles en sont les causes profondes?
Chaque situation est singulière. Les principales causes pourraient se résumer ainsi: Le besoin d’appartenir à un groupe, de se sentir moins seul et de «gagner l'amitié», à tout prix, du reste du groupe. Pour le meilleur comme pour le pire. Il en découle alors des expressions d’amitié «forte» avec leur lot potentiel de partialité, de loyauté, de fierté ou de familiarité. A propos, lorsque les liens au sein de la famille se fragilisent, un certain nombre de jeunes sont davantage livrés à eux-mêmes. Face à un monde où la violence, parfois exacerbée, peut devenir une «marque de fabrique», certains d'entre eux n'ont pas la capacité suffisante de discernement pour se distancer de cette violence.
En parallèle, ce phénomène vient souligner combien le territoire s’imbrique encore subtilement dans la construction de l’identité individuelle et collective.
Peut-on parler de mimétisme par rapport à ce qui se passe dans les banlieues françaises?
C’est une question complexe. Dans l’échelle de la violence, chacun peut s’exercer à faire monter le baromètre de la haine avec l'expression «C’est la guerre». Consciemment ou inconsciemment, le groupe se doit d’exister par sa singularité. C'est ainsi qu'il faut comprendre, par exemple, le sens de la phrase «C’est pas Marseille et alors?» utilisée par des jeunes.
Quelles propositions pour provoquer une désescalade?
Les collectivités publiques doivent investir de manière drastique dans le travail social de rue et engager des professionnels formés. Pour cela, il faut mettre sur pied une formation en travail de rue adaptée à divers contextes. Mais un cadre de formation est un préalable. En Suisse, les écoles supérieures d’éducation sociale, les hautes écoles de travail social et les universités doivent se mettre autour d'une même table pour un projet commun.
Valoriser et encourager les initiatives citoyennes portées par des jeunes en quête de sens et de changement. Enfin, même s'il existe des dispositifs en matière de prévention et de réduction des risques liés à la consommation de produits stupéfiants et à l’addiction, il faudrait y intégrer la population des moins de 30 ans.