Le monde politique vaudois est agité depuis quelques jours par l'«affaire Dittli», du nom de sa jeune et fraîchement élue conseillère d'Etat, qui a économisé plusieurs milliers de francs de taxation ces dernières années en gardant son domicile principal dans son canton d'origine. Et ce n'était pas n'importe quel canton: Zoug, la Mecque de l'imposition basse.
Un acteur vaudois bien connu a réagi à ce «sacré micmac». Toto Morand s'est fendu d'un long message sur Facebook, poétiquement titré «Valérie Dittli, l’optimisation fiscale et moi et moi et moi».
Il y tacle la conseillère d'Etat:
En réponse à un commentaire de Françoise Piron, conseillère communale libérale-radicale à Lausanne, il dit également:
Mais avec son célèbre franc-parler, Toto Morand s'en prend aussi, et surtout, directement à la politique fiscale du canton. Il estime que «le canton de Vaud est un enfer fiscal pour les propriétaires d’entreprises résidents dans le canton» et quand il repense à tous ceux qui lui ont proposé de poser ses papiers à Zoug, il écrit: «Des fois je me dis que chuis con.» Vraiment? Nous avons voulu en savoir un peu plus.
Valérie Dittli a fait des siennes entre Zoug et Lausanne. Cela vous dérange?
Toto Morand: Elle devrait surtout arrêter de se justifier. Elle devrait dire: «Ok, c'était une connerie, j'espère que vous allez me pardonner», puis assumer et payer ce qu'elle doit au canton et voilà, on passe à autre chose. Et se cacher derrière sa jeunesse et son prof de thèse alors qu'elle est conseillère d'Etat...
Dans votre message, vous indiquez qu'à l'époque, on vous avait conseillé d'enregistrer votre entreprise à Zoug...
C'est sûr, quand vous payez tellement d'impôts, vous vous renseignez sur la façon d'en payer un peu moins, notamment pour financer la croissance de votre entreprise.
Les spécialistes fiscaux vous conseillent alors souvent de créer des structures à l'étranger ou dans un autre canton. C'est hypocrite, c'est sûr. En même temps, le canton de Vaud a une politique destinée à attirer les entreprises avec un forfait fiscal et à taxer les fortunes individuelles. A l'époque, j'avais beaucoup de collègues du monde de la mode qui me poussaient à le faire.
Vous l'avez envisagé?
J'aurais pu le faire très facilement. Valérie Dittli vient du canton de référence de l'optimisation fiscale. Tout le monde baigne là-dedans, là-bas. Dans ce canton, la grande différence avec Vaud, c'est que le taux d'imposition est très bas pour les entreprises, mais aussi les particuliers.
Vous n'avez pourtant jamais pu vous résoudre à quitter le canton de Vaud. Pourquoi?
Je ne voulais pas de ce système. D'autant que, si j'avais fait ça, je n'aurais jamais pu l'ouvrir comme je le fais, me mettre en avant sur les sujets qui m'intéressent. Je suis bien à Epalinges et je ne regrette pas d'être resté. Cela ne m'empêche pas, depuis douze ans, de parler de l'impôt sur la valeur de la société pour faire évoluer les choses. Ces choses fiscales sont dures à faire comprendre aux gens.
Et vous continuez à critiquer la gestion fiscale du canton.
C'est la politique mise en place depuis 20 ans par Pascal Broulis: une croissance du canton exogène avec une fiscalité basse pour les entreprises, mais des impôts sur le revenu très élevés pour les particuliers.
Tout ça pour attirer les entreprises et faire croître le canton à tout prix en pompant les gens qualifiés des autres pays européens comme main-d'œuvre. On prévoit d'augmenter la population, pour atteindre 1,2 million de personnes pour 2040. Il faut de la place pour 200 000 personnes dans les 15 ans. En prenant la sortie d'autoroute de la Blécherette ce matin, j'ai vu tous ces immeubles en construction.
Et je sais ce que dis, j'y étais, en Chine, dans les années 1990. On construit comme des ânes, c'est sans fin. Il faut arrêter d'être obsédé par la croissance et tout bétonner. Vis-à-vis de l'environnement, du climat, c'est la cata. Le béton pollue. On est pris là-dedans.
Quelle serait la solution?
Celle que je présente depuis des années: remonter l'imposition des entreprises et baisser celle des personnes privées pour limiter l'arrivée des entreprises et augmenter la qualité de vie des gens qui sont là.
Vous êtes indépendant, mais associé aux Verts'libéraux au Conseil communal d'Epalinges. Vous n'êtes pas tenté de les rejoindre pour être candidat au National à l'automne? Avec vos bons scores lors des dernières élections au Conseil d'Etat, vous auriez vos chances.
Non, je reste indépendant et ne suis qu'associé aux Verts'libéraux dans ma commune, ce sont des gens de qualité. Mais partir à Berne ne m'intéresse pas, je suis bien ici. Je suis toujours resté sur la même ligne. Et très peu de choses ont changé. On a quand même réussi à sauver la forêt du Flon, ça a été mon plus grand succès.