«Qu'est-ce que vous voulez... Les visiteurs veulent longer la falaise au plus près du vide. Une barrière, aussi haute et efficace soit-elle, n'est pas une solution.» Le Creux-du-Van c'est environ quatre kilomètres de rochers suspendus dans le massif du Jura et d'une beauté à couper le souffle.
Chaque année, de mai à septembre, plus de 100 000 touristes venus du monde entier se risquent à longer, quasi en équilibre, ce célèbre cirque caillouteux histoire de s'offrir un grand bain de nature. Et un shot d'adrénaline. Forcément: les randonneurs déambulent jusqu'à 160 mètres de la terre ferme. Vertige et sensations fortes assurés.
Entre récits sportifs et souvenirs bucoliques se faufilent régulièrement des accidents mortels... et des suicides. Ce week-end, une maman de 37 ans s'y serait jetée dans le vide, en entraînant ses deux jeunes garçons avec elle.
Une tragédie qui rappelle évidemment celle du mois d'août 2015, quand un Français s'était jeté de la falaise, en emportant également ses deux enfants âgés de deux et trois ans dans sa chute. «La dernière tragédie médiatisée date de 2015. Pourtant, les gens du coin estiment entre 5 et 10 les individus qui décident de s'ôter la vie au sommet du Creux-du-Van chaque année. Mais comme ce sont des personnes seules, sans enfants, il y a moins d'émotion et personne n'en parle», déclare Johny Favre, syndic de Provence (VD), l'une des communes abritant le site du Creux-du-Van.
Dans la voix du syndic de la commune vaudoise de Provence, il y a autant de tristesse que de résignation. «A chaque drame médiatisé, on nous demande s'il ne faudrait pas sécuriser le site. A chaque fois, je dois avouer que c'est totalement irréaliste d'imaginer construire une barrière le long du cirque rocheux. C'est trop grand, trop long», nous confie-t-il au bout du fil.
Des solutions, il y en aurait pourtant, si on écoute attentivement Léonore Dupanloup, responsable communication et prévention média de l'association Stop Suicide. Si elle avoue, elle aussi, qu'une barrière ou un filet, sur un site naturel, ce n'est pas la meilleure idée, elle évoque de la «prévention situationnelle, comme des bornes d’appel, un système d’éclairage, des patrouilleurs, voire même la surveillance par caméra».
De son côté, sans botter en touche, le syndic tente une forme de pragmatisme. «C'est triste, mais je pense que si le Creux-du-Van n'existait pas, les gens qui décident d'en finir avec la vie iraient ailleurs.»
La responsable de la communication à Stop Suicide admet aussi de son côté que «c’est plus compliqué d’agir dans la nature qu’au centre-ville, mais que la résignation n'est jamais une solution. Sur un pont, par exemple, plus une barrière est difficile à franchir, plus il y existe un espoir pour que quelqu’un intervienne.»
Rappelons enfin que l'enquête est toujours en cours et qu'aucun autre élément, pour l'heure, ne sera donné sur cette affaire par les autorités neuchâteloises.