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«Tout le monde peut mourir dans le Léman»

Les plongeurs et gendarmes de la brigade du lac Léman.
Les plongeurs et gendarmes de la brigade du lac Léman.Image: Police cantonale vaudoise

«Tout le monde peut mourir dans le Léman»

Sombres et imprévisibles, les eaux du lac intriguent, et il faut prendre certaines précautions quand on s'y aventure pour éviter la noyade. Mais que se passe-t-il lorsqu'un drame survient? La Police cantonale vaudoise nous éclaire sur le sujet.
24.07.2022, 11:5926.07.2022, 10:53
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LA MORT, éternel tabou
Vous venez de cliquer (ouiii!) sur un article de notre série d’été sur la mort (euh…?!). Qu’elle soit racontée avec émotion, tristesse, second degré, humour noir ou sérieux, la mort fascine autant qu’elle effraie. Et plutôt que de faire comme si elle n’existait pas (spoiler alert: on va tous y passer), chez watson, on a décidé de l’aborder pendant le break estival. Pourquoi en été? D'un, pourquoi pas, et de deux, il n’y a jamais de bon moment pour en parler, alors autant le faire sous le soleil!

Pour cette série d'été un peu particulière, j'ai souhaité plonger dans les tréfonds de notre Léman adoré. Mais ce ne sont pas les poissons, crustacés ou algues d'eau douce qui m'ont intéressée, mais toutes celles et ceux qui ne sont malheureusement jamais remontés à la surface.

Comment éviter un drame? Quel est le profil des baigneurs à risque? Comment travaille la police lors de recherches dans le Léman? Florence Frei, chargée de communication à la Police cantonale vaudoise, nous dresse le portrait du plus grand lac de Suisse.

Les sauveteurs du Léman

Que se passe-t-il lorsqu'on signale une noyade?
Souvent, ce sont les proches ou des témoins oculaires qui donnent l'alerte. Ensuite, c'est au cas par cas. C'est soit la brigade du lac qui entre en jeu – 14 gendarmes sont actuellement en service, dont le rôle est d'assurer la sécurité et l'ordre, sur ou dans l'eau – soit les services de sauvetage – ils sont des centaines de bénévoles et sont présents 24h/24 sur le lac.

Et ensuite?
Plus nous avons l'information rapidement, plus nous avons de chances de retrouver le corps de la personne disparue. La brigade du lac commence ses recherches aux environs de la zone de disparition et étend le périmètre si elle ne trouve rien. Si elle ne peut évidemment pas maîtriser le courant, qui risque de déplacer le défunt, en général, la brigade sait comment l'eau va se comporter.

Ça doit être encore plus difficile d'effectuer les recherches de nuit.
Oui. Evidemment, on ne voit rien, même avec du matériel. C'est aussi risqué pour les gendarmes. Souvent, on reporte les recherches au lendemain... et ça augmente le délai! Lorsque nous faisons de la prévention, nous expliquons qu'il est important de ne pas se dire: «J'attends ce soir avant de m'inquiéter.»

«Il faut donner l'alerte disparition rapidement, de préférence de jour»
Florence Frei, chargée de communication à la Police cantonale vaudoise

Et avec quel matériel les gendarmes plongent?
Ils peuvent par exemple être équipés de scooters, qui les aident à se déplacer quatre fois plus vite que des palmes. Ils peuvent également plonger avec des recycleurs, des appareils qui permettent de réaliser des plongées plus longues.

Mais encore?
Parmi les différents équipements de recherches électroniques, nous avons une torpille-sonar (ou poisson), qui peut descendre jusqu’à 200 mètres de profondeur. Pilotées depuis le bateau, elles permettent d'estimer la distance et la direction de la cible et sont équipées de deux caméras.

Avec tout ce matériel, est-ce qu'en général vous retrouvez les personnes?
De nouveau, plus le délai de signalement est long, plus les chances sont restreintes. Mais normalement, on retrouve les corps, même dans les profondeurs. Ils peuvent également remonter à la surface, flotter, voire dériver vers le rivage. En 20 ans de carrière, le chef de la brigade du lac n'a pas retrouvé dix noyés. Et puis, il y a également le «chiffre noir».

Qu'est-ce que c'est?
Tous ceux qui n'ont jamais été retrouvés parce que la disparition n'a pas été signalée ou parce qu'ils ont voulu disparaître. Et puis, le lac est partagé entre la France, Genève, Vaud et Valais.

«C'est donc impossible de connaître le nombre exact de personnes qui sont encore dans l'eau»
Florence Frei, chargée de communication à la Police cantonale vaudoise

Est-ce qu'ils sont encore identifiables?
Ça dépend de l'état du corps. Des poissons peuvent se nourrir du défunt, il peut être malmené par les eaux et s'écorcher sur des rochers ou encore rester coincé dans des branchages. Parfois, il ne reste plus grand chose.

Les causes scientifiques de la noyade
La doctoresse Claudia Castiglioni, responsable de l'unité de médecine forensique du Centre universitaire romand de médecine légale (CURML), explique en détail les causes scientifiques de la noyade: «C'est une forme d'asphyxie mécanique, caractérisée par l'impossibilité de l'oxygène d'entrer dans les poumons à cause de la force de l'eau.» Le cerveau est donc privé d'air pendant plusieurs minutes, ce qui entraîne le décès. «Jusqu'à trois minutes, nous pouvons sauver la personne. Entre 4 et 6 minutes, il y a encore de l'espoir, mais les dommages risquent d'être irréversibles, comme par exemple une perte de motricité. Après 6 minutes, c'est trop tard.»

Dès le décès, le défunt commence alors lentement à couler dans l'eau. Mais comme le confirme la doctoresse, il finit toujours par remonter à la surface. Pourquoi? «Avec le temps qui passe, l'altération cadavérique entraîne la production de bactéries et de gaz – et donc d'air – de la part du corps. C'est à cause de ça qu'il remonte.» Au bout de combien de temps? «Ça dépend de la température de l’eau. Si elle est froide, ça ralentit la putréfaction et le processus peut donc prendre quelques semaines. Dans les endroits chauds, en revanche, ça ne prend que deux ou trois jours.»

Personne n'est à l'abri

Pour éviter un tel drame, à quoi faut-il être attentif lorsqu'on se baigne?
En général, ce sont les mêmes recommandations pour les adultes que pour les enfants: ne jamais nager sans surveillance, être conscient des risques d'hydrocution ou de malaise – qui pourraient causer la noyade, en particulier lors de périodes de fortes chaleurs – ne pas prendre de substances, alcool ou drogue, et surtout ne pas surestimer ses capacités de natation.

Comment ça?
Tout le monde peut mourir dans le lac, les bons comme les moins bon nageurs.

«Il suffit que la personne s'éloigne trop et soit ensuite trop faible pour revenir sur le rivage»
Florence Frei, chargée de communication à la Police cantonale vaudoise

Ça veut dire qu'il n'existe pas de «profil type» à risque?
Non. Il n'existe pas non plus de classe d'âge à risque. Certes, une personne de plus de 70 ans a plus de chances de rencontrer des difficultés lors de la baignade qu'une personne d'une vingtaine d'années par exemple. Mais à nouveau, nous n'avons pas de statistiques officielles.

Donc tout le monde doit faire attention.
Exactement. Personne n'est à l'abri. Lors de la baignade, nous restons tributaires de la nature. Le lac est d'apparence calme, les personnes sont donc moins méfiantes. Mais les courants restent présents et un accident est vite arrivé.

Est-ce qu'on observe une hausse des décès ces dernières années?
La situation est plus au moins stable depuis plusieurs années, «heureusement», si je peux dire ça comme ça.

Quels sont les chiffres?
En moyenne, on dénombre entre six et sept décès par noyade annuellement.

«Il n'y pas de monstre qui vit dans le lac»

Pour conclure, est-ce que ça vous étonne qu'on soit intrigué par les tréfonds du Léman?
Oui assez! Pour nous, policiers, le travail reste le même, que les disparitions surviennent sur terre ou dans l'eau. Pour le chef de la brigade du lac, le quotidien ne change pas.

«La priorité reste la même: retrouver le corps au plus vite pour que la famille puisse faire son deuil, et pour que nous puissions comprendre ce qu'il s'est passé»
Florence Frei, chargée de communication à la Police cantonale vaudoise

Une enquête peut ensuite être ouverte – ou pas – si la mort semble suspecte. C'est le procureur qui décide au cas par cas.

Il faut faire attention lorsqu'on se baigne, mais il ne faut pas avoir peur: le lac n'est pas hanté?
Non (rires). Les gens doivent rester vigilants, par exemple en inscrivant leurs nom et prénom au stylo indélébile sur leur bras, ou en ayant toujours un sac étanche avec de la crème solaire, de l'eau et un téléphone portable lorsqu'ils font du paddle ou de la bouée. Autrement, vous prouvez profiter cet été: il n'y a pas de monstre dans le Léman.

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