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Racisme, émeutes: les municipales lausannoises seront féroces

Siège de la Municipalité, Place de la Palud, Lausanne. Image des émeutes de Lausanne.
Siège de la Municipalité, Place de la Palud, Lausanne. Image des émeutes de Lausanne.image: watson

«Le discours antiraciste de gauche est complaisant»: ça se tend à Lausanne

Joint par watson, le syndic de Lausanne Grégoire Junod justifie l'emploi de l'expression «racisme systémique» à propos de la police municipale. Les partis de droite UDC et PLR, que nous avons contactés, sont déjà en campagne en vue des élections communales de mars 2026 et lâchent leurs coups. La Ville annonce l'ouverture de quatre autres procédures de suspension dans sa police.
01.09.2025, 17:1001.09.2025, 21:40
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Le syndic de Lausanne, le socialiste Grégoire Junod, devait être ce soir sur le plateau du téléjournal de la RTS, à 19h30. Il se sera certainement expliqué sur son emploi du mot «systémique», lundi 25 août en conférence de presse, pour qualifier le racisme dans la police de sa ville. Un mot qui passe mal au sein des forces de l’ordre lausannoises, qui dénoncent un amalgame. Le médiateur appelé pour redonner un cap au corps de police lausannois, l’ancien commandant de police neuchâtelois André Duvillard, estime également que le terme «systémique» est en l’occurrence «inadapté», comme il l’affirmait samedi dans une interview à watson.

Depuis sa prise de parole devant la presse le 25, au lendemain du premier soir des émeutes consécutives à la mort du jeune Marvin lors d’une course-poursuite avec la police, Grégoire Junod a pu donner l’impression de vouloir fuir le devant de la scène.

Convié à l’émission Infrarouge du mercredi 27 consacré aux messages racistes des groupes WhatsApp dans la police lausannoise, le syndic avait décliné l’invitation, laissant sa place au municipal chargé de la sécurité, le PLR Pierre-Antoine Hildbrand.

Joint lundi après-midi par watson, Grégoire Junod indique qu’il n’a pas pu se rendre à Infrarouge car il assistait «ce soir-là à Berne à une réunion des grandes villes suisses». Il ajoute:

«Il est normal que M. Hildbrand, en charge de la sécurité publique, s’exprime sur les affaires qui relèvent de sa direction. Il ne serait pas souhaitable qu’il donne l’impression d’être sous tutelle»
Le syndic Grégoire Junod

Réaction de Pierre-Antoine Hilbrand, également joint par watson:

«Je ne m'épancherai pas sur mes états d'âme. Cela ne fait pas partie de mon éducation»
Pierre-Antoine Hildbrand, municipal lausannois en charge de la sécurité publique

Le municipal à la sécurité publique préfère commenter l'annonce de la Ville de Lausanne faisant état de quatre procédures de suspension immédiate initiées ce lundi dans la police, en lien avec les messages racistes des groupes WhatsApp. Celles-ci s'ajoutent aux quatre procédures annoncées lundi dernier.

«Il est important que la population sache que nous agissons. Il y a là des enjeux de transparence. Nous allons à présent mettre en place des réformes et rassurer à l'interne le corps de police. Notre action ne passe pas seulement par des sanctions, il faut aussi que les policiers soient fiers de porter l'uniforme.»
Pierre-Antoine Hildbrand, municipal lausannois en charge de la sécurité publique

Sur le recours au terme «systémique», le syndic Grégoire Junod se défend. «Derrière ce mot, dit-il, il n’y a pas l’idée de dénoncer un racisme généralisé au sein de la police municipale. Il s’agit simplement de reconnaître que la structure et le fonctionnement actuels de la police ne permettent pas de détecter et de traiter les dérives de ce type.»

Grégoire Junod ajoute:

«La pénibilité du travail et une certaine perte de sens contribuent parfois à ces dérives. Il faut à présent des changements dans l’accompagnement et la culture managériale de la police»
Le syndic Grégoire Junod

Les événements et révélations dramatiques ayant eu Lausanne pour théâtre il y a une semaine vont à présent irriguer les mois qui séparent le chef-lieu et le canton de Vaud avec lui des élections communales du 8 mars prochain. Une date qui coïncidera avec la Journée internationale des droits des femmes.

La bataille s’annonce féroce, d’autant plus que la droite ne compte qu’un siège sur sept dans l’exécutif lausannois, celui du PLR Hildbrand, les autres étant occupés par la gauche (PS, Verts et POP).

S’il est un parti qui n'a pas l'intention de retenir ses coups, c’est bien l’UDC, une petite formation à l’échelle lausannoise – sept siège seulement sur 100 au Conseil communal (législatif).

«Le discours antiraciste de la gauche est complaisant»

Possible futur candidat à l’exécutif lausannois, le chef du groupe UDC au Conseil communal, Valentin Christe, affirme à watson que «Lausanne vit un déclassement sécuritaire» et que la faute en incombe à la gauche majoritaire.

«Nous avons globalement un problème sécuritaire à Lausanne et en particulier un problème d’intégration, comme le prouvent les violences urbaines qui ont éclaté à la suite de la mort tragique du jeune Marvin. Le discours antiraciste tenu par la gauche est complaisant. Le fait est que la Ville dominée par la gauche n'a pas tenu ses troupes.»
Valentin Christe, chef du groupe UDC au Conseil communal

L’élu du parti national-conservateur pointe notamment du doigt «la politique des subventions aux associations confiée à la FASL (réd: la Fondation pour l'animation socioculturelle Lausannoise), richement dotée, noyautée par la gauche et l’extrême gauche».

«Qui va prendre le risque de couper dans les subventions? Personne, ce ne serait pas payant électoralement auprès d’un public souvent modeste, sur lequel la gauche mise pour gagner. N’oublions pas qu’à Lausanne, les étrangers titulaires d’un permis C peuvent voter aux élections communales.»
Valentin Christe, chef du groupe UDC au Conseil communal

Il ne fait guère de doute que l’UDC, dans son offensive sécuritaire, attaquera le siège du PLR Hildbrand. Il se dit dans le parti national-conservateur que le seul élu de droite à l’exécutif lausannois «se plie trop souvent aux décisions de la majorité de gauche» et qu’il est pour cette raison «un poids pour son propre parti». L’UDC tiendra sa prochaine assemblée générale le 8 septembre. Elle désignera à cette occasion son ou ses candidats à la municipalité de Lausanne.

Des places à prendre

Deux places au moins seront à prendre en mars, celles des sortants David Payot (POP) et Florence Germond (PS). Le PLR, lui, se lancera dans la course avec trois candidats, le sortant Pierre-Antoine Hildbrand et deux femmes, la présidente de la section lausannoise du parti, Mathilde Maillard, et l’avocate Marlène Bérard.

Comme l’UDC, cette dernière entend faire de la sécurité un axe fort de campagne.

«Il faut agir avec fermeté face aux émeutiers. On ne peut pas avoir une guerre civile à Lausanne parce qu’un adolescent meurt dans une course-poursuite avec la police»
Marlène Bérard, candidate PLR

S’agissant des comptes WhatsApp décriés, elle affirme :

«Il faut, là aussi, faire preuve de fermeté, en l’occurrence avec les policiers auteurs de messages racistes, qui sont intolérables et qui nuisent à la réputation de la police.»
Marlène Bérard, candidate PLR

Elle aussi en veut à Grégoire Junod pour le mot «systémique»:

«L’emploi de ce terme est inacceptable de la part d’un syndic. Quel employeur jetterait le discrédit sur 10% de son administration publique?»
Marlène Bérard, candidate PLR

Marlène Bérard s'en prend à son tour à la FASL, qui, dit-elle, «claque 11 millions par année en faveur des maisons de quartier et qui organise des ateliers pour savoir comment voter». Pour autant, ajoute-t-elle, «il est important de travailler en faveur de l’intégration des étrangers, il ne faut en aucun cas les exclure».

La candidate PLR décoche ses flèches contre la municipale Émilie Moeschler (PS), en charge des sports et de la cohésion sociale, à ce titre responsable des mesures d’accompagnement des toxicomanes. «C’est à elle qu’on doit l’antenne d’injection de la Riponne, qui amène de l’insécurité sur la place», dénonce celle qui s’était opposée «avec succès» en 2007 à une initiative municipale en vue de l’installation d’un premier local de ce type dans le chef-lieu vaudois.

«Nous sommes prêts à prendre les coups»

On a dit féroce? La bataille électorale promet d’être rude. «Nous sommes prêts à prendre les coups et à les rendre», prévient l’actuel président du groupe socialiste au Conseil communal, Louis Dana. Ce dernier défend l’expression «racisme systémique» employée par le syndic.

«Ce n’est absolument pas affirmer que toute la police est raciste, cela veut dire qu’il y a dans la police un fonctionnement qui ne permet pas de faire apparaître et combattre des propos ou comportements racistes.»
Louis Dana, président du groupe socialiste au Conseil communal

L'affaire de la photo du policer au pouce levé

Louis Dana était membre en 2019 de la commission de gestion du Conseil municipal. Comme l’a révélé la RTS, cette commission avait eu connaissance cette année-là de la photo montrant un policier pouce levé à côté d’un tag en mémoire de Mike Ben Peter, mort un an plus tôt à la suite d'une interpellation policière en raison d'un soupçon de trafic de drogue. Le municipal Hildbrand chargé de la sécurité ne devait prendre connaissance de ce cliché qu’en 2023. Pourquoi un tel retard dans la transmission de cette information, à l'origine du scandale des groupes WhatsApp?

Louis Dana:

«Une personne lanceuse d’alerte avait montré cette photo à la commission de gestion dont je faisais partie. Elle tenait à attirer notre attention sur des comportements inacceptables au sein de la police municipale. Mais elle ne nous avait pas laissé physiquement cette photo pour que nous ne la transmettions pas, nous demandant de nous consacrer à un rapport sur l’école de police de Savatan (réd: Valais), afin qu'y soient apportées des réformes dans la formation des aspirants policiers.»
Louis Dana, président du groupe PS au Conseil communal de Lausanne

Moudon, dans le canton de Vaud, accueillera bientôt la formation des policiers en lieu et place de Savatan. «Un défi pour le canton de Vaud», reconnaît Louis Dana.

Afin de répondre à la crise qui frappe la police lausannoise, et pour répondre aux offensives électorales de la droite, le président du groupe socialiste au Conseil communal lausannois entend agir sur deux plans au moins dans les prochains mois:

«Il faudra réformer la police, afin qu’une partie d'entre elle ne tienne plus à l’avenir de propos racistes. Par ailleurs, parce que la sécurité publique est un bien pour l’ensemble des citoyens, il importe de respecter le travail de la police, comme il importe que celle-ci agisse en faveur de toutes les populations.»
Louis Dana, président du groupe PS au Conseil communal de Lausanne
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Video: instagram
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Joint par watson, le syndic de Lausanne Grégoire Junod justifie l'emploi de l'expression «racisme systémique» à propos de la police municipale. Les partis de droite UDC et PLR, que nous avons contactés, sont déjà en campagne en vue des élections communales de mars 2026 et lâchent leurs coups. La Ville annonce l'ouverture de quatre autres procédures de suspension dans sa police.
Le syndic de Lausanne, le socialiste Grégoire Junod, devait être ce soir sur le plateau du téléjournal de la RTS, à 19h30. Il se sera certainement expliqué sur son emploi du mot «systémique», lundi 25 août en conférence de presse, pour qualifier le racisme dans la police de sa ville. Un mot qui passe mal au sein des forces de l’ordre lausannoises, qui dénoncent un amalgame. Le médiateur appelé pour redonner un cap au corps de police lausannois, l’ancien commandant de police neuchâtelois André Duvillard, estime également que le terme «systémique» est en l’occurrence «inadapté», comme il l’affirmait samedi dans une interview à watson.
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