Une impression de brasier ou de coucher de soleil, c’est selon. Alors qu’on annonce pour ce week-end des températures jusqu’à 26 degrés en plaine au Nord des Alpes, certaines cartes météos n’exagèrent-elles pas l’aspect rougeoyant du ciel, une couleur associée aux fortes températures? On peut se le demander.
Réalisées par un prestataire auquel elle fait appel, la société privée MeteoNews publie sur son compte X des cartes de masses d’air dans une palette rouge-orangée à partir de 20 degrés déjà (voir plus haut la photo illustrant le présent article). A titre de comparaison, chez Météo Suisse, à 20 degrés, on entame le passage du vert au jaune et l’on ne vire au rouge qu’à compter des 30 degrés.
Joint par watson, Frédéric Glassey, directeur de MeteoNews en Suisse romande, l'affirme:
Frédéric Glassey poursuit:
Soit, mais déjà dans l'orange intense à 20 degrés. Qu'en sera-t-il cet été? La répétition des épisodes caniculaires, ces dernières années, a fait exploser le phénomène de l’éco-anxiété lié au réchauffement climatique. L’été, on prie pour que le rouge cramoisi qui enflamme les cartes météo d’une Espagne dépassant les 40 degrés n’atteigne pas la Suisse. Les bulletins météo des télés, toujours très suivis, n'en rajouteraient-ils pas un peu dans le rouge?
Des polémiques à ce sujet ont éclaté l’été dernier en France. Des téléspectateurs se sont plaints du rouge selon eux omniprésent. Mauvais pour le commerce, qui plus est, comme l’écrivait sur X ce propriétaire d’un camping du Sud-Ouest de la France:
Remarque d’un propriétaire de camping audois aux 2/3 plein :
— Laurent Bazin (@laurentbazin) August 2, 2023
« Avant quand il faisait chaud, la météo mettait des soleils. Il faisait beau, ça faisait envie. Aujourd’hui tout est rouge, comme si on était en feu. C’est super anxiogène et coup on a plein d’annulations ! ». pic.twitter.com/7JQ1YlHb96
Teinté de complotisme, le soupçon de manipulation s’est engouffré dans la brèche des inquiétudes. Le code couleur ne serait plus le même qu’il y a 20 ans. Ce qui était jaune auparavant serait passé au rouge à présent. On chercherait à faire peur avec le «réchauffement climatique».
Présentatrice météo sur TF1, Evelyne Dhéliat, interrogée par Le Figaro, démentait tout tripatouillage. «On a les mêmes couleurs depuis des années», assurait-elle. Mises côte à côte, une carte du 24 juillet 2002, une autre du 28 juillet 2023, en apportaient la preuve.👇
Maria Mettral, qui officie à la météo sur la RTS, estime qu’une partie du public est «dans le déni».
Des téléspectateurs parfois se plaignent, relate Maria Mettral: «Cela peut arriver lorsque nous indiquons qu'un écart de température est supérieur à la moyenne. Alors, certains, cherchant peut-être à se rassurer, nous disent que ces écarts n’ont rien d’anormal.»
Contrairement à celles de TF1 ou France 2, les cartes des bulletins météo de la RTS ne sont pas colorées – seules sont colorées les cartes de masses d’air, chez Météo Suisse comme chez MeteoNews, du reste, chaque société de météorologie ayant son code couleur. On pourrait même dire que les cartes diffusées sur la RTS, préparées par Météo Suisse, ont un côté rassurant avec leur fond vert. Seules les températures et autres symboles indiquant le temps qu’il va faire – ensoleillé, couvert, pluvieux, etc. – renseignent sur la météo.
Cela dit, la RTS s’autorise des mises en perspective, comme nous l'indique Philippe Jeanneret, monsieur météo à la télé romande:
Au fait, pourquoi la RTS ne produit-elle pas des cartes en couleur comme le font les chaînes françaises? «La Suisse est un pays avec beaucoup de relief, on y change fréquemment d’altitude. Ajouter des variations de couleurs selon les températures risquerait de rendre la météo peu lisible», répond Philippe Jeanneret. Comme ses consoeurs et confrères, le présentateur météo de la RTS est à l’écoute des commentaires anxieux, mais il l’affirme:
Face à la hausse des températures en général, Philippe Jeanneret se demande toutefois s’il ne serait pas judicieux, s’agissant des cartes des masses d’air, de «décaler l’échelle du code couleur». «De façon, propose-t-il, à démarrer avec le rouge – la couleur indiquant le passage dans les fortes températures – non pas dès 30 degrés comme aujourd’hui, mais dès 35, par exemple.»
Le présentateur météo a une autre idée: «Nous pourrions réserver le violet, actuellement utilisé à partir de 36 degrés sur les cartes de masses d’air, au signalement des seuls dépassement des normales saisonnières.»
Chez MeteoNews, les cartes de masses d’air passent au violet dès les 30 degrés, comme sur cette image datant du 9 août 2023.👇
Le directeur de MeteoNews pour la Suisse romande, Frédéric Glassey, n’en disconvient pas. Les couleurs de ses cartes peuvent avoir un effet «accrocheur», de manière à attirer l’attention, «mais c’est pareil pour vos titres d’articles à watson», sourit-il.