Il est d'apparence discrète, plutôt petit, cheveux noirs courts, une barbe et une moustache. Mardi matin, ce Français de bientôt 36 ans a été conduit par deux policiers devant le tribunal de grande instance d'Uri pour y être jugé. À Altdorf, le procès s'est déroulé selon la procédure abrégée. Ce qui signifie que le prévenu reconnaissait les accusations portées contre lui par le ministère public. L'audience n'a donc pas duré longtemps.
L'homme portait une veste noire, verte et grise ainsi qu'un pantalon noir. Il parlait à voix basse et répondait aux questions du tribunal toujours par la même phrase: «Oui, je reconnais». Il n'a rien laissé paraître d'autre.
Le tribunal l'a condamné à 17 mois de prison ferme pour encouragement à l'entrée illégale et infractions au code de la route. A cela s'ajoute une amende de 820 francs, pour laquelle une peine de substitution de 9 jours est possible. Les frais de procédure, d'un montant total de 22 500 francs, ont également été mis à sa charge. L'affaire est ainsi close. En mai, l'homme aura purgé sa peine. Il se trouve actuellement dans une prison à Zoug.
Le Français tentait de faire passer des migrants par la Suisse jusqu'à Munich pour le compte d'un réseau de passeurs. Le dangereux voyage a débuté le 14 décembre 2023 dans la localité croate de Lipovac. Le matin, 14 Syriens sont montés à l'arrière de sa camionnette.
Via la Slovénie, le Français a conduit le Fiat Ducato jusqu'à Padoue, dans le nord de l'Italie. Le lendemain, au poste-frontière de Novazzano, il s'est soustrait à un contrôle de la Guardia di Finanza italienne et est entré en Suisse.
Les gardes-frontière suisses ont alerté la police cantonale uranaise. Celle-ci a tenté d'arrêter le Français vers 10 heures à la sortie du tunnel routier du Gothard. Mais celui-ci a ignoré plusieurs sommations, a roulé en excès de vitesse et a tenté d'échapper à la police par de dangereuses manœuvres. Finalement, au terme d'une course-poursuite de plus de 30 kilomètres, il s'est retrouvé dans une impasse à Flüelen, près de l'ancien embarcadère.
Un policier l'a interpellé en brandissant son arme. Mais le fuyard n'a pas obtempéré, sautant dans le lac glacé des Quatre-Cantons. C'est là que sa fuite s'est terminée. La police lui a lancé une bouée de sauvetage, l'homme a regagné la rive et a été arrêté.
Le chauffeur a encaissé 4000 francs d'un réseau de passeurs pour ses services illégaux. Les Syriens ont quant à eux dû débourser entre 2000 et 9000 francs. Ils n'ont pas été blessés lors de cet épouvantable voyage et ont par la suite déposé une demande d'asile. On ne possède pour l'heure pas plus d'information à leur sujet.
Le nombre de trajets de passeurs qui passent inaperçus en Suisse est difficile à définir. Mais ce qui est certain, c'est que ces trafiquants d'êtres humains sans scrupules prennent des risques inconsidérés. Des accidents mortels sont notamment survenus à plusieurs reprises en Allemagne et en Autriche. Derrière tout cela se cache une affaire se chiffrant à plusieurs milliards, selon les informations d'Europol.
En septembre 2022, un cas en Suisse a fait sensation, lorsqu'un Gambien résidant dans le nord de l'Italie a tenté de faire passer 23 migrants à travers la Suisse. Les personnes se trouvaient dans la soute du véhicule, dans 5,4 mètres carrés, et risquaient d'étouffer. La police cantonale de Nidwald avait par chance arrêté le véhicule, ce qui a probablement permis d'éviter un drame. Le conducteur a été condamné à trois ans de prison. Devant le tribunal, il a exprimé des regrets pour son acte, expliquant qu’il avait lui-même des difficultés financières. Souvent, les réseaux de passeurs recrutent des personnes ayant un besoin urgent de liquidités.
En Suisse, le nombre d'entrées illégales a diminué l'an dernier. L'Office fédéral de la douane et de la sécurité des frontières a enregistré jusqu'en novembre dernier 28 202 cas de séjours illégaux et 269 passeurs présumés. En 2023, les statistiques indiquaient encore 50 185 entrées illégales et 388 passeurs présumés. Une raison de cette diminution: beaucoup moins de personnes arrivent en Italie via la Méditerranée. Parallèlement, l'UE et l'Italie ont versé des millions à la Tunisie afin qu'elle limite l'immigration. (aargauerzeitung.ch)
Traduit et adapté par Noëline Flippe