L'hiver tristounet en terme d'enneigement a ravivé les craintes d'un avenir en pointillé pour les stations de ski, surtout celles de moyenne montagne, exposées au dérèglement climatique. Selon des recherches de l'Université de Neuchâtel et l’Institut fédéral de recherches sur la forêt, la neige et le paysage (WSL) en 2016, la durée d’enneigement dans les Alpes suisses s’est raccourcie dans toutes les régions et à toutes les altitudes comprises entre 1100 et 2500 mètres.
En France, la station de Super-Besse en France, située à 1300 mètres, est touchée par le manque de neige. Mais elle a trouvé une parade au réchauffement climatique. A l'aide de quatre caissons, semblables à des containers, les modules de production cachent un système de refroidissement (allant jusqu'à -26 degrés) qui permet la production de glace, raclée et dispersée à l'extérieur.
Mais quelle différence avec les canons à neige? Ces derniers ne peuvent produire de l'or blanc que lorsque la température est négative - à partir de -3 degrés, mais ils deviennent réellement efficaces avec des températures comprises entre -6 et - 10 degrés. Une contrainte que ne connaissent pas les usines à neige. Ce facteur froid si limitant désormais affranchi, c'est une aubaine pour l'exploitation des domaines, pour ses saisonniers et son tourisme hivernal.
Mais la question de consommation d'énergie, surtout en période d'économie, vient sur la table. Dans la station française, dix machines ont été achetées, pour une consommation électrique totale de 1,5 million de KWH par saison. Comme le rappelle TF1, c’est l’équivalent du besoin annuel de 300 foyers.
Antoine Micheloud, directeur Gruyères-Moléson-Vudalla SA, n'est pas vraiment partant pour ces «usines à neige, trop gourmandes en énergie».
Au contraire de Super-Besse, vous ne verrez donc pas ces caissons fleurir dans la station du Moléson. «Nous ne comptons pas nous en munir dans un avenir proche. Nous cherchons plutôt des solutions palliatives au manque de neige pour faire venir les gens l’hiver.» En clair: d'autres activités permettant d'attirer les touristes en station.
Du côté des Alpes vaudoises, plus précisément dans la station de Villars et des Diablerets, son directeur Christian Dubois nous explique que ce n'est pas dans les plans: «Nous n'avons pas encore analysé cette technologie particulière», concède-t-il.
En Valais, la station de Crans-Montana n'est, elle non plus, pas amatrice d'une telle installation. Bertrand Cassignol, directeur général des remontées mécaniques de Crans-Montana Aminona (CMA SA), parle d'un coût trop élevé:
Une facture trop salée pour la station. M. Cassignol explique que «ces systèmes plus onéreux à l’achat, nécessitent également des infrastructures électriques beaucoup plus lourdes.» Et de conclure: «Ces systèmes ne sont pas pour l’instant à l’ordre du jour dans nos priorités d’investissement.»
La neige naturelle se raréfie et l'enneigement technique est désormais nécessaire. Il couvre bientôt, si ce n'est déjà fait, une plus grande surface pour subvenir aux besoins des domaines, pour réagir avec agilité et surtout proposer un confort pour la pratique du ski. De plus, la neige de culture tient plus longtemps que l'or blanc naturel et est plus facile à travailler.
Pour Christophe Clivaz, conseiller national valaisan et professeur associé à mi-temps à l'Institut de géographie et durabilité de l'Université de Lausanne (Unil), les équipements installés par la station française sont un non-sens complet. «L’utilisation de ces caissons pour enneiger des pistes entières comme à Super-Besse est une aberration écologique», souffle-t-il.
Le politicien déplore la forte utilisation d’énergie pour la production. A cela s'ajoutent les émissions de gaz à effet de serre (GES) liées au transport de la neige sur les pistes. Surtout, M. Clivaz se désole de l'exemple donné par la station française:
Une manière de renforcer la défiance de nombreux militants écologistes. L'hiver 2022/2023 s'est avéré sec, on parle même de sécheresse hivernale, et compliqué pour les stations. Le phénomène de «ski bashing» risque d'enfler si des stations se lancent dans une production de neige avec des usines à neige. Thomas Egger, directeur du Groupement suisse pour les régions de montagne (SAB), concédait à la fin de l'année 2022 que «les stations de ski en dessous de 1600 mètres doivent trouver des alternatives au ski», chez nos confrères de Blick.
Un signal d'alarme pour un tourisme hivernal suisse qui va devoir revoir son modèle économique. Certains domaines ont commencé la transition, si bien que la station du Moléson a réalisé 70% de son chiffre d'affaires en été.