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Le côté obscur de la production d'œufs en Suisse

Le côté obscur de la production d'œufs en Suisse

Le côté obscur de la production d'œufs en Suisse
Pour satisfaire la forte demande, des milliers de poussins mâles à peine éclos sont tués chaque jour au dioxyde de carbone.Image: getty
En Suisse, des milliers de poussins mâles à peine éclos sont tués pour ne garder que les femelles. Une pratique à laquelle l'industrie des œufs dit stop et réfléchit à des solutions.
25.01.2024, 16:4925.01.2024, 18:49
Chiara Stäheli / ch media
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En Suisse, la consommation annuelle s'élève à plus de 180 œufs par personne par an. Pour satisfaire cette demande, des milliers de poussins mâles à peine éclos sont tués chaque jour au dioxyde de carbone. En effet, les mâles de l'élevage de poules pondeuses n'ont pas d'utilité économique: contrairement aux femelles, ils ne pondent pas d'œufs et ne produisent que peu et lentement de viande par rapport aux poulets dits d'engraissement.

Des pays voisins comme l'Allemagne et la France ont interdit la mise à mort des poussins pour des raisons éthiques, mais la Suisse s'est jusqu'à présent abstenue d'inscrire une telle interdiction dans la loi. Le pays compte sur le volontariat de l'industrie des œufs qui souhaite abandonner la mise à mort des poussins. Gallo Suisse, l'association des producteurs d'œufs suisses, s'est engagée, il y a trois ans déjà, à mettre fin à cette pratique au profit du bien-être animal.

En déterminant le sexe des poussins dès que l'œuf est couvé, seuls des poussins femelles devraient éclore à l'avenir – les œufs contenant des embryons mâles devraient être utilisés pour l'alimentation animale ou envoyés dans une usine de biogaz.

La Confédération adapte l'ordonnance

S'il était prévu d'introduire la détermination du sexe dans les deux grands couvoirs suisses à partir de janvier 2024, l'implémentation a pris du retard, comme le confirme Daniel Würgler, président de Gallo-Suisse, interrogé par CH Media.

«Nous travaillons intensivement pour pouvoir bientôt commencer à déterminer le sexe dans l'œuf. C'est une étape très importante pour nous. Mais il y a encore quelques facteurs d'incertitude»
Daniel Würgler

L'un d'entre eux concerne les appareils qui seront utilisés à l'avenir dans les couvoirs pour déterminer le sexe des animaux. Comme la technologie se développe «rapidement», il faut choisir le fournisseur avec soin, selon Daniel Würgler. «Nous en sommes aux négociations finales.»

Daniel Würgler, président de Gallo-Suisse.
Daniel Würgler, président de Gallo-Suisse.Image: Gallo-Suisse

Selon Daniel Würgler, les deux grands couvoirs dans lesquels les poules pondeuses sont couvées pour la production d'œufs conventionnelle nécessitent des adaptations architecturales qui constituent également un défi. L'un des couvoirs construit un nouveau bâtiment qui pourra être mis en service au plus tôt en automne. L'autre couvoir étudierait des solutions avec des conteneurs.

Parallèlement, une modification de l'ordonnance sur la protection des animaux est actuellement en consultation. Selon ce texte, il sera désormais permis de trier et d'«homogénéiser» les poussins mâles sur la base de la détermination du sexe avant qu'ils n'éclosent, mais seulement jusqu'au douzième jour de la période d'incubation.

Car comme l'écrit la Confédération dans son rapport sur la modification de l'ordonnance, les poussins peuvent ressentir de la douleur au plus tôt à partir du treizième jour de la couvaison. C'est ce que montreraient les résultats d'institutions de recherche reconnues. Le broyage des poussins vivants reste interdit.

Bio Suisse mise sur une autre solution

Bio Suisse suit une autre voie que Gallo Suisse. L'association mise sur des poules à deux fins et des coqs frères, car la détermination du sexe dans l'œuf n'est pas envisageable pour les agriculteurs bio. Selon leur porte-parole David Hermann, cette méthode ne résout pas le problème. «On ne fait que le déplacer dans l'œuf». Bio Suisse mise donc plutôt sur une solution «intégrale».

«Tous les poussins doivent vivre. La manière d'atteindre cet objectif reste ouverte: c'est donc au marché de décider si à l'avenir on élèvera davantage de frères de poules pondeuses ou si l'élevage misera davantage sur des poules à deux fins.»
David Hermann, porte-parole de Bio Suisse.

De nombreuses exploitations bio se sont déjà converties. La proportion d'œufs bio sans abattage de poussins mâles mis sur le marché augmente. «Nous nous attendons à ce que la majorité des poussins mâles soient élevés et non tués dans le courant de cette année», explique Herrmann. D'ici fin 2025, les agriculteurs de Bio Suisse veulent avoir éliminé l'abattage des poussins mâles.

Une poule pondeuse moyenne pond environ 320 œufs au cours de sa vie et est abattue après environ 500 jours.
Une poule pondeuse moyenne pond environ 320 œufs au cours de sa vie et est abattue après environ 500 jours.Image: keystone

Il est d'ores et déjà clair que la fin de cette pratique aura des répercussions sur le prix des œufs, tant dans la production biologique que dans la production conventionnelle. Selon Daniel Würgler, ce sont d'une part les coûts d'acquisition et de licence pour la technologie de détermination du sexe dans l'œuf qui pèsent dans la balance. D'autre part, les coûts liés à la transformation des couvoirs.

Si le président de Gallo Suisse ne peut pas encore dire à quel point le coût par œuf va augmenter, il s'attend à «des augmentations de prix de l'ordre du centime». Ainsi, il espère que les consommateurs reconnaîtront la plus-value en faveur du bien-être animal et continueront de consommer les œufs suisses, et y mettre le prix, plutôt que des œufs importés pour des raisons de coûts.

David Herrmann de Bio Suisse mentionne lui aussi une «certaine nervosité». Après tout, l'œuf détient la plus grande part de marché dans l'assortiment bio. Mais l'élevage de poules à deux fins et de coqs frères est coûteux et les hausses de prix sont donc inévitables.

Ce dernier considère donc qu'il est du devoir de sa fédération de «montrer la valeur ajoutée que nous apportons en renonçant à tuer les poussins». Mais en fin de compte, les agriculteurs dépendent de la clientèle. C'est ce qu'affirme également Daniel Würgler de Gallo Suisse: «Le changement de pratique ne fonctionne que si tous les participants apportent leur contribution en faveur du bien-être animal».

Traduit et adapté de l'allemand par Léa Krejci

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