Les soutiens et accompagnements qui visent à questionner l'orientation sexuelle d'une personne avec comme but avoué ou inavoué de modifier celle-ci, doivent-ils être interdits et punis par la loi? C'est ce que le Conseil national va débattre et décider cet après-midi.
Le débat devait avoir lieu lundi dernier, mais a été décalé car le Conseil national avait débattu durant plusieurs heures d'un autre sujet de société d'autant plus délicat: la définition juridique du viol et les conditions qui déterminent celui-ci.
Souvent d'ordre religieux et existants sous couvert de bienveillance ou de questionnement individuel légitime, les thérapies de conversion sont fortement critiquées par l'opinion publique depuis plusieurs années, mais aucune mesure n'a été prise contre elles au niveau national.
Une thérapie de conversion est un accompagnement effectué par un tiers dans le but de modifier l'orientation sexuelle d'une personne. En pratique, en Suisse, il s'agit souvent d'associations à tendances religieuses — mais des coaches, des médecins et des psychothérapeutes sont aussi concernés.
Les Nations Unies les assimilent à de la torture et mettent en garde contre les répercussions psychologiques que peuvent avoir de tels accompagnements.
Le terme est également utilisé pour la modification de l'identité de genre, mais le texte du Parlement met l'accent sur l'orientation sexuelle.
Dans le texte déposé, le terme «mesures de conversion» est préféré pour ne pas créer d'ambiguïté et laisser entendre que ces accompagnements sont médicaux et scientifiques.
Le texte demande une norme pénale qui encadre et punisse ces thérapies. Il doit être interdit de:
Le texte concerne aussi les thérapies violentes, comme des électrochocs et des injections de testostérone. Si des violences du genre ne sont pas documentées en Suisse, le projet de loi aura aussi pour but de prévenir des dérives de ce genre.
Le texte ne concerne expressément pas ces situations:
En Suisse, plusieurs cantons planchent sur des interdictions similaires: Vaud, Neuchâtel, Zurich, Berne, les deux Bâle, Soleure, Schwyz.
Preuve de la nécessité de légiférer sur le sujet, trois interventions avaient été déposées devant le Parlement, le texte actuel étant un mélange de ces propositions.
D'autres pays les ont déjà interdites, notamment la France, l'Allemagne, le Canada, la Grèce et Malte. D'autres pays sont sur la voie, comme la Belgique, l'Irlande, les Pays-Bas, le Portugal, l'Espagne et même la Pologne, d'habitude solidement conservatrice sur les questions de société.
Une majorité du Parlement devrait plaider en faveur de ce texte. Preuve en est, la plupart des membres de la commission juridique du Conseil national, qui a établi le texte, l'ont accepté: sur 25 d'entre eux, 6 membres s'y opposent, tous membres de l'UDC.
Tous les autres partis y sont favorables. Même les membres de commission du Centre, un parti parfois aligné avec l'UDC sur des positions conservatrices de société, se rangent du côté de la majorité.
Fait notable: le Conseil fédéral se prononce aussi contre cette proposition de loi, mais pour une raison de processus démocratique: il attend les conclusions d'un rapport sur la question, demandé par... un conseiller national UDC.
(acu)