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Politique

Le Conseil national se met d'accord sur la définition du viol

C'est la variante de la loi voulue par la gauche (ici: Tamara Funiciello) qui s'est imposée, grâce à plusieurs votes libéraux-radicaux notamment.
C'est la variante de la loi voulue par la gauche (ici: Tamara Funiciello) qui s'est imposée, grâce à plusieurs votes libéraux-radicaux notamment.Image: keystone

Le viol redéfini à Berne: «Le corps des femmes n'est pas un magasin self-service»

Lundi, la chambre basse du Parlement s'est mise d'accord sur la nouvelle définition du viol après plusieurs heures d'un débat tant émotionnel que technique. Les arguments ont fusé de tous côtés. Sélection.
05.12.2022, 21:2006.12.2022, 14:40
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A l'issue de longues heures de débat sur la définition du viol, le Conseil national s'est décidé pour la situation du «oui est un oui», aussi appelée «solution du consentement».

La solution a été acceptée par 99 voix contre 88 au Conseil national, avec 3 abstentions. Le dossier est désormais renvoyé au Conseil des Etats.

La définition du viol est unanimement considérée comme dépassée par les partis. Lors du débat d'entrée en matière, tous les groupes ont souligné la nécessité de moderniser le code pénal.

Actuellement, seule la pénétration non consentie d'une femme par un homme est considérée comme un viol. La victime doit en outre avoir démontré une certaine résistance. Le projet sur la table entend prendre en compte toute pénétration non consentie, et abandonner la notion de contrainte.

Trois tendances

Toutefois, une question cristallisait les tensions: la notion doit-elle se baser sur le refus ou le consentement? L'UDC et le Centre se sont prononcés majoritairement pour baser la définition du viol sur le refus de la victime, la gauche sur le consentement. La droite libérale était divisée.

Les différents sensibilités de la chambre basse du Parlement se sont écharpées sur des notions sociales et juridiques. Trois tendances se sont distinguées lors du débat:

  • Le Centre, pour qui le «non est un non» était la seule solution juridique réellement applicable
  • L'UDC, qui a plaidé pour le «non c'est non» tout en revenant sur la dureté des peines et critiqué la gauche pour la dimension trop «symbolique» de sa variante
  • Le Parti socialiste et les Verts, pour qui le «oui est un oui» est juridiquement applicable et donne un signal progressiste clair

C'est cette dernière solution qui a été choisie, grâce notamment à de nombreux votes en provenances du Parti libéral-radical. Celui-ci, divisé sur la question, s'est montré très discret lors du débat.

Bundesraetin Karin Keller Sutter spricht im Nationalrat an der Wintersession der Eidgenoessischen Raete, am Montag, 5. Dezember 2022, in Bern. (KEYSTONE/Peter Schneider).
Karin Keller-Sutter est venue défendre la position du Conseil fédéral, en vain.Image: keystone

Sa ministre, Karin Keller-Sutter, est pourtant venue deux fois au perchoir pour tenter de convaincre en faveur du «un non est un non» choisi par le Conseil fédéral, rappelant que celui-ci pouvait également être non-verbal — en vain.

Le Centre

Le député genevois Vincent Maître est souvent venu au pupitre pour défendre le projet du Centre, celui qui avait d'ailleurs prévalu au Conseil des Etats en juin dernier. Les arguments de parti on principalement porté sur l'aspect pratique de l'application juridique:

«Les juges, procureurs et avocats pénalistes ont avancé que le "oui est un oui" était idéologiquement favorable, mais pratiquement inapplicable»
Vincent Maitre (Centre/GE)

Il a ainsi averti:

«Cette version créera beaucoup plus de confusions, de déceptions et de frustrations qu'elle n'en résoudrait»
Vincent Maitre (Centre/GE)

Au Conseil des Etats, c'est la version du Centre qui a prévalu 👇

Le député a également ajouté:

«Le débat est émotionnel. En réalité, cela ne devrait pas l'être. Le droit pénal est un sujet éminemment technique»
Vincent Maitre (Centre/GE)

Plus tard lors des échanges, il a également tenu à préciser:

«Le non est un non n'est pas un blanc-seing et n'encourage pas à disposer librement du corps d'autrui, comme l'ont sous-entendu certains orateurs du Parti socialiste»
Vincent Maitre (Centre/GE)

Des arguments qui n'auront pas suffi à convaincre le National, notamment du côté du PLR.

L'UDC

Barbara Steinemann (UDC/ZH) s'est insurgée contre une politique symbolique. La solution du «oui est un oui» ne lui paraissait pas adaptée, et elle a plaidé à l'inverse pour un durcissement de nombreuses peines:

«Nous nous tenons du côté des victimes. Ce qui est vraiment nécessaire, ce sont des sanctions plus importantes»
Barbara Steinemann (UDC/ZH)

Même son de cloche du côté du député schwytzois Pirmin Schwander:

«Les victimes de viol gardent des blessures physiques et psychologiques toute leur vie. Il faut des peines plus dures»
Pirmin Schwander (UDC/SZ)

Le député genevois Yves Nidegger, quant à lui, a estimé que le débat était à côté de la plaque et qu'il n'était pas possible de demander le consentement de l'autre à chaque étape de la relation, «de l'oeillade à l'acte». Il n'a pas hésité, dans la foulée, à jouer la carte de la provocation:

«"Oui-oui" ou "non-non", ce sont des slogans pour les équipes lors de matchs de foot»
Yves Nidegger (UDC/GE)

Le saint-gallois Lukas Reimann a quant à lui critiqué la position de la gauche, qu'il a jugé trop idéologique, et a terminé son discours avec un tacle peu subtil à l'égard de sa camarade parlementaire socialiste, Tamara Funiciello:

«Madame Funiciello, vous êtes plus rigide que le pape»
Lukas Reimann (UDC/SG)

Les socialistes et les Verts

Le camp rose-vert a défendu l'option du consentement. La gauche a insisté sur l'importance d'un changement de paradigme et d'une avancée dans les mentalités tout en soulignant l'applicabilité juridique de la variante. La députée bâloise verte Sibel Arslan a par exemple débuté son intervention par:

«Les temps changent...»
Sibel Arlsan (Verts/BS)

Durant le débat, la notion de consentement sexuel a été comparée à celle du consentement dans d'autres domaines juridiques:

«On ne va pas prendre de l'argent dans le portemonnaie de son voisin sans lui demander. On n'entre pas chez quelqu'un sans sonner. Pourquoi mon portemonnaie et ma maison seraient mieux protégés que mon corps?»
Tamara Funiciello (PS/BE)
Nationalraetin Tamara Funiciello, SP-BE, spricht an der Wintersession der Eidgenoessischen Raete, am Montag, 5. Dezember 2022, in Bern. (KEYSTONE/Peter Schneider).
Tamara Funiciello.Image: keystone

Revenant sur le principe d'état de sidération, ou de «freezing», elle a résumé sa pensée ainsi:

«Le corps des femmes n'est pas un magasin en libre-service»
Tamara Funiciello (PS/BE)

Baptiste Hurni, de son côté, n'a pas hésité à évoquer un «archaïsme médiéval», la «culture du viol» ou des imageries populaires faisant la promotion de la «masculinité toxique», se référant notamment aux «films de James Bond des années 1980».

«Les deux solutions reflètent des valeurs très différentes: dans l'une, le poids de la vérification du consentement incombe à la victime, dans l'autre, à l'auteur»
Baptiste Hurni (PS/NE)

Revenant sur l'aspect juridique et particulièrement sur le renversement du fardeau de la peine, il a déclaré qu'il n'y avait «aucun atteinte à la présomption d'innocence», ainsi que:

«L'auteur n'aura jamais à prouver quoi que ce soit. Le doute profitera toujours à l'accusé. Toute autre affirmation est fausse et fallacieuse»
Baptiste Hurni (PS/NE)

Opter pour la version «non, c'est non», «c'est présumer que le corps du partenaire est à la libre disposition», a de son côté jugé le Vaudois Raphaël Mahaim (Verts/VD).

«Le corps de l'autre n'est jamais un open bar. Avant d’avoir un moment de partage sexuel, il faut s’assurer du consentement de son partenaire»
Raphaël Mahaim (Verts/VD)

Raphaël Mahaim a également tenu à faire le point sur plusieurs «bêtises», a-t-il déclaré, avancées par ses opposants, telles que «des contrats signés en quatre exemplaires» ou encore: «Non il n'y aura pas besoin d'une application sur smartphone.»

Peu avant le vote, la ministre de Justice et police Karin Keller-Sutter a toutefois rappelé que la solution trouvée ne résoudra pas tous les problèmes. Qu'elle qu'eût été la variante d'ailleurs. Les victimes devront toujours apporter la preuve de leur viol.

Et vous, vous en avez pensé quoi?

Dans notre dernier article, nous vous avions proposé de répondre également à la question. Voici votre avis.

Vous êtes plutôt «team Conseil des Etats», on dirait.
Vous êtes plutôt «team Conseil des Etats», on dirait.sondage watson

(ats/acu)

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