Imaginez-vous: un policier aux compétences très particulières, capable de repérer, en quelques instants, un homme aperçu sur une photo dans la foule. Un super-flic aux instincts acérés, une machine à analyser les visages.
Dans la réalité, les choses sont un peu moins hollywoodiennes, mais ce genre de profils existent tout de même. C'est 24 heures qui évoque l'utilisation très spécifique d'un agent par la police de la ville de Winterthour (ZH), qui a mis pour la première fois en Suisse un enquêteur spécialisé en service. Selon la Neue Zürcher Zeitung (NZZ), cet agent peut, par exemple, traiter une centaine de «mugshots» (ces photos de criminels types) en deux à trois minutes pour reconnaître un individu aperçu sur une caméra de surveillance.
Muté depuis une autre commune, le potentiel de l'agent zurichois a été décelé, car celui-ci avait pu résoudre des affaires en reconnaissant des gens qu'il avait croisés dans une situation complètement différente, et ce, en visionnant de simples photos d'identité. Le superflic avait déjà remarqué sa facilité à reconnaître des visages en un court laps de temps.
Selon la police de Winterthour, ce genre de profils peuvent être utilisés au sein de la police pour traiter des photos de délinquants. La police fribourgeoise a déjà travaillé avec un superphysionomiste, en 2016, dans le cadre d'une affaire de braquages et «n'exclut pas une nouvelle collaboration».
La police vaudoise s'y intéresse également, indique 24 heures, même si aucun programme n'est pour l'heure prévu. A Genève, la police «reste attentive à l'évolution des technologies».
Un «avantage naturel» qui, s'il peut être amélioré par l'entraînement, n'est présent que pour une infime partie de la population. A la clé: des capacités de repérage que même les algorithmes ne peuvent pas égaler.
Notamment, des facteurs comme l'éclairage des visages ou la distance sont plus facilement pris en compte par un humain que par une intelligence artificielle, selon Meike Ramon, chercheuse affiliée à l'Université de Lausanne (Unil). S'il s'agit de reconnaître une personne sur une image floue, également.
Mais comment trouver ces personnes parmi la population? Des tests menés par Meike Ramon ont permis de trouver les bons profils au sein de différentes polices. A Munich, par exemple, 37 profils de ce genre ont été repérés sur les 4500 policiers que compte la ville.
Meike Ramon travaille également en collaboration avec la police de Berlin. Car l'Allemagne est à la pointe, elle-même influencée par le Royaume-Uni. La raison? Au soir du Nouvel An de 2016 à Cologne, lorsque des agressions sexuelles sont commises à grande échelle par des demandeurs d'asile, la police allemande reçoit l'aide de «super recognizers» britanniques pour l'aider à traiter les images des caméras et des photos prises par des téléphones mobiles.
La police de Cologne formera ensuite sa propre équipe, suivie par celle de Munich et de Berlin. Des méthodes qui, via Winterthour, pourraient désormais se propager en Suisse romande. (acu)