Cherche terrain pour nouvelle prison. On croirait lire une annonce sur immobilier.ch. Le canton de Berne est en quête d’un site offrant les «qualité requises pour la construction d’une infrastructure pénitentiaire», a-t-on appris la semaine dernière. Prêles dans le Jura bernois, Witzwil dans le Seeland, tiennent la corde.
Oui, en Suisse, on construit encore des prisons. Pourquoi en irait-il différemment qu’ailleurs? Dernière réalisation en date, le centre de détention Tignez à Cazis, dans les Grisons, ouvert en janvier 2020. De son côté, le canton de Vaud a réservé dix hectares dans son arrière-pays urbigène pour y bâtir son prochain pénitencier. Les Grands-Marais, c’est son nom peu engageant. Spongieux comme les tourbières de la plaine de l’Orbe. Une région déjà bien dotée en quartiers cellulaires et qui accueillera ce nouvel ensemble dédié à la privation de la liberté en même temps qu’à la réinsertion, les deux axes de la détention.
On peut parler de la prison avec émotion. C’est le cas d’Emmanuel Ventura. Avant de faire son choix, il a visité quantité de maisons d’arrêt en Suisse et à l’étranger. Et consulté le mage Mario Botta, l’architecte des lieux de recueillement, le Suisse mondialement célèbre. «C’est un humaniste. On a œuvré ensemble», se félicite l’architecte en chef du canton de Vaud.
«Pas de barreaux aux fenêtres, pas de murs en béton, pas de lit fixé au sol, mais une cellule comme une chambre d’étudiant Ikea, avec des murs blancs, une table de travail et des étagères», détaille Emmanuel Ventura. «Nous avons fait le pari d’un grillage à la place d’un mur d’enceinte», ajoute-t-il. Bon pour la vue. Celle qu’auront les détenus depuis leur cellule ouvrira elle sur le lointain et pas sur un mur.
«Nous avons voulu une architecture à dimension humaine. Les Grands-Marais ressembleront à des immeubles locatifs, construits sur trois niveaux. Le tout sera composé de six quartiers cellulaires, chacun d’eux comprenant trente-six cellules. Ces dernières donneront sur un patio intérieur végétalisé, ouvert sur le ciel», explique notre interlocuteur. «Pas de béton, mais du bois. On a osé des constructions en bois», insiste-t-il.
Les Grands-Marais devraient être inaugurés en 2026. La structure est prévue pour 216 prisonniers dans un premier temps, mais à terme, moyennant des agrandissements, il pourrait y en avoir plus de 400, qui s’ajouteraient à l’effectif actuel de 900 places de détenus dans le canton de Vaud.
Les prisonniers des Grands-Marais disposeront d’ateliers de travail (menuiserie et ferblanterie, entre autres), d’infrastructures sportives (six terrains multisports, six terrains de volley, un terrain de foot) et peut-être culturelles aussi (expositions, concerts, etc.). Le coût des travaux est estimé à 279 millions de francs, pour un budget annuel de fonctionnement de 50 millions – le projet de prison bernoise évoqué plus haut est devisé, lui, à 280 millions de francs, pour 250 places.
La nouvelle entité carcérale vaudoise accueillera au départ seulement des hommes, «mais des femmes pourraient aussi y être détenues, sans crainte pour leur sécurité, tant chaque unité est indépendante des autres», assure Emmanuel Ventura. Tout ici semble avoir été pensé pour la réinsertion et selon la formule de Mario Botta: un habitat intermédiaire dans la vie des hommes.