Suisse
Politique

Elections fédérales 2023: «Les Verts se sont autodétruits»

Balthasar Glättli, président des Vert a subi un chos lors des élections fédérales.
Les Verts de Balthasar Glättli ont subi un choc dimanche.Image: keystone/dr/watson

Reflux de la vague écologiste: «Les Verts se sont autodétruits»

Après la «vague verte» de 2019, c'est la douche froide: les écologistes reculent fortement alors que l'UDC confirme sa suprématie et que le Centre et le PLR sont au coude-à-coude. Analyse des résultats avec l'historien Olivier Meuwly, spécialiste de la politique suisse.
23.10.2023, 05:0023.10.2023, 08:10
Plus de «Suisse»

2019 ne semble plus qu'un lointain souvenir. Alors que le dimanche des élections fédérales se termine, le bilan se fait lentement jour: le reflux de la vague verte, qui a amené une grande quantité d'écologistes au Parlement, il y a quatre ans, est acté.

En parallèle, l'Union démocratique du Centre (UDC) confirme son statut de parti leader en Suisse et le Centre, ex-PDC et PBD, dépasse le Parti libéral-radical (PLR) au Conseil national pour un siège. Pour décrypter la situation, nous avons contacté Olivier Meuwly, historien et spécialiste des courants politiques suisses.

Olivier Meuwly, Historien, parle lors de la Conference nationale sur le federalisme ce jeudi 26 octobre 2017 a Montreux. (KEYSTONE/Jean-Christophe Bott)
Olivier Meuwly.Image: KEYSTONE

La chute des Verts

Premier point évident: les Verts et les Verts'libéraux reculent lourdement. Les écologistes «de gauche» perdent sept sièges et leurs collègues «de droite», déjà pas très musclés au Parlement, en perdent cinq. Parmi eux, ceux de Michel Matter (GE) et François Pointet (VD). De fortes pertes qui ne se compensent pas à gauche, le Parti socialiste (PS) ne gagnant qu'un siège.

Michel Matter, candidat vert Liberaux a l'election au Conseil aux Etats et au Conseil national, s'exprime sur le plateau de television Leman Bleu, a Uni Mail le lieu de depouillement central ...
Michel Matter.Keystone

En 2019, le parti écologiste avait été boosté par les grèves du climat et la montée des mouvements écologistes. Mais alors que, durant la législature, la thématique du climat a graduellement été absorbée par les autres partis, «le lien du parti avec les mouvements activistes et les thèses "woke" l'a complètement plombé», analyse Olivier Meuwly.

«Les Verts se sont autodétruits»
Olivier Meuwly, historien

L'historien note d'ailleurs que les pertes des Verts ne se retrouvent pas dans les gains du Parti socialiste. «Le PS a, malgré tout, réussi à tenir une ligne plus sociale que sociétale, ce qui lui a réussi. Ce n'était pas le cas des Verts.»

«Le PS a déployé une stratégie liée au pouvoir d'achat sans être plombé par un excès d'oeillades vis-à-vis des thématiques sociétales»
Olivier Meuwly, historien

L'historien tient toutefois à relativiser: «Les Verts ont perdu une grande partie de leurs acquis, mais ils ne sont pas revenus au point zéro.» Et de rappeler que le parti est mieux positionné qu'en 2015.

Le retour en force de l'UDC

Il n'avait pas disparu, mais ferait son deuxième meilleur score de l'histoire: l'UDC gagnerait huit sièges au Conseil national. Un mastodonte qui se renforce et récupère de nombreux sièges perdus dans divers cantons lors des dernières législatures, comme à Fribourg et à Neuchâtel.

«L'UDC qui gagne 3% alors qu'ils sont déjà en première place, c'est spectaculaire»
Olivier Meuwly, historien

Pour Olivier Meuwly, «la thématique du climat s'est faite absorber par tous les partis, et l'UDC a décidé de le faire via ses thèses eco-pop». Une doctrine qui parle de l'écologie sous le biais de la démographie — et donc de l'immigration. Un recyclage habile de la question du climat, «que personne d'autre n'osait aborder», explique le Vaudois.

Le duel Centre-PLR

La différence de scores du Centre et du Parti libéral-radical (PLR) se joue à quelques dixièmes voire centièmes de pourcentages dans les urnes. Il n'empêche, avec deux sièges gagnés, le Centre dépasse de justesse le PLR au National: 30 sièges contre 29.

Le «nouveau» parti centriste, issu de la fusion du Parti démocrate-chrétien (PDC) et du Parti bourgeois-démocratique (PBD) en 2021, se présentait pour la première fois aux élections avec cette nouvelle étiquette. Pour Olivier Meuwly, le changement de nom et la perte de la marque «chrétienne» ont permis de rallier de nouveaux électeurs.

«Dans les milieux déconfessionnalisés, le nom Le Centre a eu un aspect attractif. Dans les cantons de Zurich et de Vaud, le parti a profité de sa sécularisation»
Olivier Meuwly, historien

Dans les bastions historiquement catholiques, comme en Valais, à Fribourg à Lucerne, l'ex-PDC n'a toutefois pas subi de pertes. «Dans ces cantons, le parti ne se maintient pas grâce au changement de nom, mais bien grâce à son ancrage culturel», précise Olivier Meuwly.

«Certains endroits ont aussi bénéficié de reports de voix au centre de l'échiquier politique, par exemple depuis les Verts'libéraux, comme à Lausanne ou à Zurich, alors que c'était plutôt le PLR qui espérait récupérer des voix depuis le PVL, en perte de vitesse», explique l'historien.

Le parti a donc réussi à récupérer des votants déçus par les Verts'libéraux, attiré de nouveaux centristes sécularisés et a gardé ses marques dans ses bastions historiques. Le pari du président Gerhard Pfister semble être gagnant.

Le déclin pour le «parti de la Suisse moderne»?

Pour le PLR, c'est aussi la suite d'une longue chute. Celui qui est le descendant du parti qui a «façonné la Suisse moderne», comme aiment souvent le rappeler les élus libéraux-radicaux a été dépassé par son rival originel. «Le déclin du parti a été amorcé dans les années 1990 avec l'émergence de l'UDC. On est dans la continuité des problèmes dont souffre le PLR depuis 30 ans», estime le Vaudois. S'agit-il de clous qu'on enfonce dans son cercueil? Olivier Meuwly répond au tac-au-tac:

«Il y a eu une multitude de clous enfoncés dans le cercueil du PLR...»
Olivier Meuwly, historien

Est-ce l'annonce d'un nouveau déclin pour le parti qui a fait la Suisse moderne? «On ne peut rien exclure», conclut Olivier Meuwly.

Il se bat contre un qui kangourou qui tente de noyer son chien
Video: watson
8 Commentaires
Comme nous voulons continuer à modérer personnellement les débats de commentaires, nous sommes obligés de fermer la fonction de commentaire 72 heures après la publication d’un article. Merci de votre compréhension!
8
15 milliards pour l’armée et l’Ukraine? Le méga-accord face à un obstacle
C'est un accord comme on en a rarement vu sous la Coupole fédérale. Une commission a dit oui à l'augmentation rapide du budget de l'armée et au soutien à la reconstruction de l'Ukraine. Une manœuvre qui contournerait le sacro-saint frein à l'endettement et suscite un débat animé.

Le frein à l'endettement est un bastion bien gardé de politique fédérale. Comme la Confédération ne veut pas d'une économie déficitaire, elle s'est refusée jusqu'à présent à réarmer rapidement l'armée et à octroyer des milliards à l'Ukraine pour sa reconstruction. La ministre des Finances, Karin Keller-Sutter (PLR), insiste sur le respect du frein à l'endettement. Parallèlement, on entend sa collègue de la Défense, Viola Amherd (Centre), réclamer davantage de flexibilité afin de libérer plus de moyens pour une armée qui doit faire face à de nouvelles menaces.

L’article